"La méthode Biya" - Comment le RDPC maintient l'UNDP sous perfusion depuis 1992

Bello Bouba Maigari Main Levee Image illustrative

Wed, 1 Oct 2025 Source: www.camerounweb.com

Jeune Afrique dévoile les ressorts d'une stratégie machiavélique : pendant plus de trente ans, Paul Biya a maintenu Bello Bouba Maïgari "en vie" politiquement, tout en l'empêchant de devenir un rival dangereux.

L'alliance entre Paul Biya et Bello Bouba Maïgari n'est pas une simple entente politique. C'est un système de contrôle minutieusement calibré, que Jeune Afrique décortique dans une enquête exclusive révélant ce qu'un opposant camerounais appelle "la méthode Biya".

1992 : Le péché originel qui a tout changé

Tout commence lors de la présidentielle de 1992. Bello Bouba Maïgari, candidat de la jeune UNDP, termine troisième derrière Paul Biya et John Fru Ndi. Une position stratégique de faiseur de rois qu'il choisit d'exploiter d'une manière qui marquera durablement sa trajectoire politique.

Selon les révélations de Jeune Afrique, au lieu de contester les résultats aux côtés de Fru Ndi, Bello Bouba Maïgari avalise l'élection de Paul Biya. « Bouba Maïgari aurait sans doute pu faire basculer le septentrion du côté de l'opposition, mais il a choisi de ne pas le faire », confie un proche au magazine panafricain fin 2023. Ce choix lui ouvre les portes du pouvoir : l'UNDP obtient sa place au gouvernement.

Jeune Afrique révèle l'existence d'un pacte de gouvernement signé entre le RDPC et l'UNDP, portant sur de grands principes de démocratie et de développement. Mais ce texte, censé encadrer l'alliance, restera largement ignoré et ses objectifs ne seront jamais atteints.

« Normalement, nos deux partis devaient faire régulièrement des points d'étapes. Mais cela s'est arrêté progressivement. On a sans doute trop ignoré nos alliés », reconnaît à Jeune Afrique un haut cadre du RDPC. Malgré cette négligence, Bello Bouba Maïgari renouvelle systématiquement son alliance, jusqu'à devenir lui-même ministre d'État en 2011, poste qu'il conservera jusqu'à sa démission en août 2025.

La véritable révélation de Jeune Afrique concerne la stratégie de Paul Biya pour maintenir l'UNDP sous contrôle. Lors des législatives de février 2020, le parti présidentiel s'abstient délibérément d'aligner des candidats dans plusieurs circonscriptions de l'Extrême-Nord, bastion historique de l'UNDP. Résultat : l'UNDP remporte ces sièges et devient le deuxième parti représenté à l'Assemblée nationale avec sept députés, derrière le RDPC.

« Si le RDPC avait voulu tuer l'UNDP, il l'aurait fait depuis longtemps », analyse un opposant interrogé par Jeune Afrique. « En réalité, Paul Biya tient Bello Bouba Maïgari et son parti en vie depuis vingt ans. Quand l'UNDP prend trop de poids, Biya fait monter un dissident, comme Issa Tchiroma Bakary. Et, quand il le juge trop faible, ou qu'il a besoin de lui pour contrôler à distance le septentrion, il lui offre des mairies, des circonscriptions aux législatives et des ministères. C'est la méthode Biya. »

Cette "méthode Biya" repose sur un équilibre subtil : maintenir l'UNDP suffisamment fort pour contrôler le septentrion au nom du pouvoir central, mais suffisamment faible pour ne jamais constituer une menace électorale sérieuse. Un système de vassalité moderne où l'allié survit grâce aux miettes du pouvoir.

Jeune Afrique rapporte qu'un interlocuteur de l'opposition va jusqu'à parler de "laisse" plutôt que de simple alliance. Car derrière les titres ronflants et les strapontins ministériels se cache une réalité plus brutale : celle d'un parti maintenu artificiellement en vie, privé d'autonomie stratégique réelle.

Aujourd'hui, en se portant candidat contre Paul Biya, Bello Bouba Maïgari tente de rompre cette "laisse". Mais peut-on vraiment gagner son indépendance après plus de trente ans de dépendance ? C'est le pari que fait le président de l'UNDP, qui espère que les électeurs du septentrion, lassés d'être instrumentalisés, choisiront cette fois l'authenticité plutôt que la servitude dorée.

« Ne pas enterrer trop tôt l'UNDP », prévient toutefois une source citée par Jeune Afrique. Car dans le jeu politique camerounais, les résurrections sont toujours possibles, et "la méthode Biya" a encore de beaux jours devant elle.

Source: www.camerounweb.com