Les séries de décisions prises par le gouvernement camerounais conjuguées aux cas graves de détournement de fonds publics et de gabegie ont plombé la qualité de vie des Camerounais et l’avenir des générations futurs
Pour le Dr Samuel Biroki, président de la Plateforme nationale des organisations de la société civile du Cameroun, le pays n’a atteint l’autosuffisance sur aucune spéculation agricole en dépit des lourds sacrifices financiers consentis à travers programmes et projets entrepris dans les cinq zones agro écologiques du pays.
Il parle de plusieurs secteurs de l’économie où les voyants n’affichent aucun avenir stable et radieux.
Ci-dessous, des extraits d’une interview qu’il a accordée au journal l’œil du Sahel.
« Je voudrais tout d’abord vous adresser mes remerciements pour l’occasion qui m’est offerte pour donner ma modeste opinion sur certains points relatifs à la circulaire présidentielle N°0001 du 30 août 2023 relative à la préparation du Budget de l’Etat pour l’exercice 2024. Cela étant, n’oublions pas que la circulaire de référence précède un cycle de campagnes électorales qui peut amener certains rédacteurs à abuser de leur éloquence sur des documents à caractère stratégique. C’est le cas de l’impact socioéconomique du budget 2024. L’on pourrait du coup se demander si les budgets antérieurs ne visaient pas le même objectif, et sinon, pourquoi ? Sur le plan analytique, on ne saurait exiger d’un budget de l’Etat qui s’exécute sur environ neuf (09) ou dix (10) mois de l’année, de produire des impacts. Au mieux, on pourrait parler de l’impact environnemental et auquel cas, le Budget en préparation devrait viser l’amélioration de la qualité de vie des citoyens grâce aux mesures de nature écologique, de prévention et d’adaptation au changement climatique, d’embellissement des villes… En toute logique, l’impact annoncé sera certainement celui des budgets exécutés antérieurement et dans ce cas, c’est un travail d’évaluation qu’il faudra effectuer. Le budget 2024 ne pourra générer que des effets dont les impacts apparaitront à moyen et long termes. Or, en raison de la routine budgétaire observée au fil des années, le Budget 2024 ne sera qu’une reproduction de celui de 2023 car, une politique budgétaire qui n’est pas doublée d’une politique monétaire ne saurait être efficace. C’est pour cela que de nombreux projets d’investissement élaborés dans les départements ministériels ne pourront se réaliser du fait du rétrécissement de l’espace budgétaire induit par l’accroissement modéré des ressources internes et l’augmentation rapide du service de la dette. Ce service de la dette qui représente le tiers de l’ensemble des dépenses publiques de la Loi de Finances rectificative de 2023. C’est pour cela que le Budget de l’Etat ne parvient plus à stimuler la croissance, ni à créer des emplois... »
« Ce n’est plus un secret pour personne, la lenteur dans l’exécution des projets d’investissement public tant sur financement budgétaire que sur fonds empruntés est un phénomène incompréhensible. Les retards accumulés créent des surcoûts qui produisent de nombreux avenants. Ces chantiers qui ne se terminent jamais ou presque, font perdre de l’agent à l’Etat et aux usagers qui en sont privés pendant des années. S’y ajoute, la qualité des ouvrages livrés sous la pression d’une l’opinion publique impatiente, et dont la durée de vie n’est nullement garantie. Dans ce contexte, la société civile a de la peine à comprendre la persistance du phénomène dénommé capacité d’absorption des financements mobilisés alors que l’économie connait un sévère stress de liquidités. Le paradoxe est que l’Etat rembourse souvent des emprunts qui n’ont pas encore fait l’objet d’affectation. S’agissant de l’import-substitution, je me suis déjà prononcé sur ce modèle que le Cameroun met en œuvre depuis soixante ans voire plus, et qui fait l’objet d’un renouvellement doctrinal alors que son bilan est hautement décevant dans tous les secteurs. Notre pays n’a atteint l’autosuffisance sur aucune spéculation agricole en dépit des lourds sacrifices financiers consentis à travers programmes et projets entrepris dans les cinq zones agro écologiques du pays. Pour être sincère, la Révolution Verte a échoué au Cameroun sinon, le modèle d’import-substitution aurait pu aider notre pays à devenir exportateur-net de certaines denrées. L’atténuation de la dépendance extérieure aurait été réalisée sur les biens de consommation courante ; malheureusement, nous en sommes très éloignés. Pour le reste à savoir les produits de technologie ou sophistiqués, il faudra encore attendre le déclenchement de notre révolution industrielle… »
« L’inflation est l’augmentation persistante du niveau général des prix qui dépend des variations de l’offre et de la demande des biens et services. Les chiffres publiés ne sont que des moyennes au niveau global. L’inflation se calcule aussi par grandes villes, par Régions et surtout, au niveau sectoriel ou par type de produits : alimentation, boissons gazeuses, vins et spiritueux, matériaux de construction, électroménager, hydrocarbures, santé, éducation, transport, hôtellerie, logement… C’est dire que l’inflation peut baisser en moyenne nationale sans que les ménages en tirent le moindre profit parce que les prix des produits qu’ils consomment essentiellement ne sont pas flexibles à la baisse. Le Gouvernement peut alors intervenir par le mécanisme des subventions ou de contrôle des prix pour atténuer l’incidence sur le panier de la ménagère. Pour ce qui est de la veille sécuritaire, son renforcement doit se faire en bonne intelligence entre les forces de défense et les citoyens. En outre, nous ne devons pas oublier que la sécurité alimentaire fait partie de la sécurité publique. On peut difficilement larguer une bombe sur une population, tandis que l’insécurité alimentaire tue en silence et peut devenir une bombe inévitable si elle persiste. Pour conclure, rappelons que le monde bouge à grande vitesse et donc, nous n’avons aucune raison de rester figés sur nos positions de confort. Nous sommes assaillis par de nombreux défis notamment sur le plan de l’émission monétaire par notre Banque Centrale. Nous devons accélérer le rythme des réformes pour accompagner une transformation structurelle profonde de notre économie et atteindre nos objectifs de développement pour l’émergence à l’horizon 2035. Notre pays est mieux placé pour s’engager tout seul dans une réforme monétaire audacieuse sans attendre ses pairs de la Sous-Région Afrique Centrale qui semblent avoir leurs priorités ailleurs. La preuve est que si le Cameroun avait attendu le consensus pour s’engager dans un Accord de Partenariat Economique (APE) régional avec l’Union européenne ou avec la Grande Bretagne et l’Irlande du Nord, nous en serions encore au point de départ. En conséquence de cela, il devrait assumer sans complexe ni crispation sa place de leader au sein de la CEMAC. La République Centrafricaine qui ne l’est pas encore, n’a pas attendu les autres Etats pour s’engouffrer dans la cryptomonnaie…».