La paix peut-elle revenir un jour au Noso ?

La situation de conflits dans le Noso

Mon, 21 Aug 2023 Source: Le Témoin n°0214 du 21 août 2023

Commencée comme un simple mouvement de grève en 2016 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, la crise dans ces deux régions est devenue une véritable guerre. Cette guerre oppose l’armée camerounaise à ceux que l’on désigne comme les combattants sécessionnistes de l’Ambazonie.

Ce sont les populations qui payent le lourd tribut de cette conflagration avec des morts, des déplacés internes et externes. L’avenir de la jeunesse de cette partie du pays est devenu incertain et même jeté aux calendes grecque. Cette situation est telle que même le pape François dans l’une de ses prières urbi et orbi a demandé au Dieu Tout-Puissant que la paix revienne.

Dans le même temps, l’évêque de Bafoussam, Mgr Lontsi a organisé dans son diocèse un pèlerinage pour la fin de la guerre du Noso et que la paix s’y installe pour toujours. Pourtant, cette paix que ces hommes de Dieu quémandent au ciel devrait l’être depuis 2019 avec le Grand dialogue national. Au début de la crise qui s’est transformée rapidement en un mouvement de sécession, des voix se sont levées tant au Cameroun qu’à l’extérieur pour qu’il y ait des assises afin de comprendre les fondements de la crise anglophone et trouver des solutions adéquates.

C’est pourquoi, lors d’une adresse télévisée le 10 septembre 2019 à la nation, le président de la République Paul Biya, annonce la tenue d’un grand dialogue national et précise : « Ce dialogue nous permettra d’examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (…). L’avenir de nos compatriotes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest se trouve au sein de notre république. Le Cameroun restera un et indivisible ».

Le président de la République charge le Premier ministre Joseph Dion Ngute de mener à bien cette tâche. Ainsi pendant une dizaine de jours, il est sur tous les fronts pour trouver des personnalités, des leaders d’opinion et associations, des chefs traditionnels, gardiens des traditions ancestrales afin que ces invités soient assez représentatifs pour trouver des solutions idoines à la crise qui risque mettre à mal l’unité nationale.

Ainsi le 30 septembre 2019, il y a plus de 1 500 participants au palais de congrès de Yaoundé à l'ouverture du Grand dialogue national. Dans cette somptueuse salle on peut apercevoir les représentants des divers courants des partis politiques, de la diaspora camerounaise, de la société civile, de l’armée, des organisations religieuses et même des ambazoniens repentis. Dans son discours d’ouverture, le Premier ministre va droit au but en précisant l’objet de la rencontre : « Nous sommes ici pour chercher à donner un rayon de lumière dans la nuit noire des turbulences actuelles ».

Regardant dans le rétroviseur de l’histoire du Cameroun, il déclare « ce dialogue nous offre de trouver dans l’exemplarité des pères fondateurs de notre pays, la force de transcender nos différences, pour faire de notre diversité culturelle, une source de richesse pour nos populations. Puis il se projette dans le futur de la nation camerounaise : « Il nous appartient désormais d’indiquer de quel manière nous voulons-nous que les générations futures gardent de nous le souvenir d’avoir été incapable de trouver des réponses consensuelles à des préoccupations qui ne sont pourtant pas insolubles, ou alors, voulons-nous être considérés comme de véritables artisans de paix dans la résolution de cette crise qui a privé un grand nombre de nos enfants de leurs parents, de leur scolarité, et menacé leur avenir, parfois de manière irréversible ? Un peu comme le président de la république disait hier : « Quel avenir voulons-nous pour nos enfants ? ».

Les dés étant ainsi jetés, des commissions de travail sont mises sur pied. Huit au total : la commission sur la décentralisation et du développement local, la commission de diaspora, la commission du système éducatif camerounais dans son ensemble, la commission du retour des réfugiés et des personnes déplacées internes, la commission de la reconstruction des zones en crise, la commission du bilinguisme et de la cohésion sociale, la commission du système judiciaire, la commission sur le désarmement, démobilisation et réinsertion des ex-combattants. Pendant près d’une semaine, toutes ces commissions, avec l’appui des personnes ressources, planchent chacune sur sa thématique. À la fin de ce travail laborieux, mais très alléchant qui engage la cohésion nationale, chaque commission remet au Premier ministre ses recommandations à soumettre au chef de l’État. D’ailleurs, à la veille de la clôture de ces assises, le Président Paul Biya, pour montrer sa bonne volonté de trouver les voies et les moyens pour mettre fin à ce conflit annoncé : « J’ai décidé ce jour de l’arrêt des poursuites pendantes devant les tribunaux militaires contre 333 personnes arrêtées et détenues, pour des délits commis dans le cadre de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Cette marque de bienveillance augure de bonnes perspectives pour des lendemains meilleurs. A la fin des travaux, le journal panafricain, Jeune Afrique Économie, présent au Grand dialogue national, se rapproche de quelques participants. Pour ce qui est de la suite de cet évènement, le premier ministre déclare : « il y a eu beaucoup de recommandations qui ont été faites c’est au président de la République de donner des orientations et de voir comment mettre en œuvre ces recommandations (…). Il a une détermination à en finir avec ce problème ».

Quant aux sentiments des uns et des autres. Le Pr Jacques Fame Ndongo, membre du bureau politique du RDPC : « Le Grand dialogue national a été un succès total. Nous remercions humblement et avec déférence le chef de l’État Son Excellence Paul Biya (…). Les gens ont parlé librement de manière démocratique, dans la transparence absolue sans entrave, sans censure (…). Les Camerounais ont exprimé leur volonté de travailler ensemble dans un État stable, fraternel et solidaire ».

Pour sa part, Ni John Fru Ndi, le président du part de l’opposition la SDF : « Attendons de voir comment les résolutions issues du grand dialogue national seront mises en œuvre. Au moment où nous vous parlons il y a encore des gens qui sont assassinés. Il ne peut donc pas dire que la paix est revenue. Personne ne peut rejeter la paix. Personne ne peut interrompre le processus démocratique ».

Pour le cardinal Christian Tumi, Archevêque émérite du diocèse de Douala, « je suis satisfait du déroulement de cet événement. Ce que j’attends désormais, c’est que le chef de l’État mette en application les différentes recommandations retenues ici ». Et Robert Bapooh Lipot de l’UPC : « l’unanimité s’est dégagée sur la sauvegarde de l’unité et l’indivisibilité du Cameroun, véritable héritage des pères fondateurs de notre nation ». Au soir du 4 octobre 2019, les participants au Grand dialogue national rentrent chez eux, satisfaits d’avoir fait un travail patriotique pour que le calme et la sérénité reviennent dans cette partie du pays qui en 1961 avait librement choisi de rejoindre le Cameroun. Mais depuis lors, les armes continuent à crépiter. Les gens meurent au point que le souverain pontife est obligé de se mettre à genoux pour supplier le bon Dieu pour la paix. Qu’est-ce qui n’a vraiment par marché par la suite ?

Source: Le Témoin n°0214 du 21 août 2023