Des citoyens venus rendre hommage aux morts d’Eséka n’ont pu accéder à la place du gouvernement de Bonanjo, un site public le 24 octobre 2016.
«Ailleurs, lorsqu’une telle catastrophe survient, les citoyens qui souhaitent se rassembler pour commémorer la mémoire des disparus sont encadrés par les forces de l’ordre. Chez nous, la police est prompte à sauter sur nous. Et pourtant, on voulait juste témoigner notre solidarité aux familles des victimes », fulmine un habitant de Douala.
Ce dernier qui vient d’emprunter un taxi s’adresse ainsi au chauffeur. Après avoir achevé sa journée de travail, ce résident de la métropole économique décide de répondre à l’appel invitant des camerounais à se réunir à la Place du gouvernement en fin d’après-midi du 24 octobre 2016. Il est important de rappeler que ce jour a été décrétée journée de deuil national par le Chef de l’état. Cette décision fait suite à la catastrophe ferroviaire survenue à Eséka le 21 octobre 2016. Mais une fois sur ce site, la présence d’une patrouille mixte gendarmes et policiers) a suffi pour dissuader ces «patriotes» venus rendre hommage aux victimes d’Eséka.
«La manifestation a été interdite un communiqué du gouverneur de la région du Littoral a indiqué que les recueillements se font dans les églises et les mosquées», rétorque le conducteur de taxi. Il ajoute : «qu’elle n’aurait d’ailleurs pas été déclarée». «Mon frère nous n’avons même plus le droit de pleurer ?», s’interroge son interlocuteur. En chemin pour son domicile, ce citoyen croise un groupe de jeunes (hommes et femmes) intimidés par la présence des forces. Ces jeunes ont dû rebrousser chemin. De nouvelles personnes empruntent ce même véhicule. Et la discussion s’anime.
Étant donné que la patrouille mixte a quadrillé toutes les entrées de la Place du gouvernement, site retenu pour abriter cette manifestation pacifique. Même les travailleurs de la zone portuaire qui empruntent habituellement les pistes de cet espace public pour raccourcir leur chemin sont priées de contourner. «Il s’agit-là d’une curiosité camerounaise. C’est stupide d’empêcher les gens de pleurer leurs morts. Cet acte est regrettable quand on sait que la constitution camerounaise prescrit la liberté de parole et la liberté de manifester.
On a bien envie de savoir ce qui rend aussi frileux ceux qui ont empêché cette manifestation », précise Robert Wafo, ministre du shadow cabinet au social Democratic Front, en charge de l’information et des médias par ailleurs adjoint au maire de la commune d’arrondissement de Douala 2ème. Il suggère que «les autorités administratives intègrent définitivement le fait qu’elles ne sont pas au service du parti-Etat, mais plutôt au service de la nation dont nous sommes tous copropriétaires… ».