Vaudrait mieux se retrouver carrément en prison plutôt qu’en garde à vue : telle est la situation dramatique que vit toute personne interpellée par la police ou la gendarmerie au Cameroun.
La garde à vue, contre toute attente, est une épreuve terrible au Cameroun, et infiniment plus traumatisante que ne l’est la prison elle-même, malgré le fait qu’elle ne soit destinée qu’à simplement entendre sur procès-verbal les personnes suspectées d’avoir enfreint la loi.
C’est à son niveau, malheureusement, que se produit en grande partie toute la maltraitance que subissent les personnes privées de liberté. Au Cameroun, quiconque s’y trouve placé, perd automatiquement le statut d’être humain.
Tout d’abord, la quasi-totalité des cellules qui y sont destinées, tant dans les commissariats de police que les brigades de gendarmerie, ne disposent, dans le meilleur des cas, pour toute aération, que d’une minuscule ouverture dépassant rarement trente centimètres carré.
Dans le même temps, les personnes quant à elles sont empilées dans ces espaces confinés à vingt, trente, quarante parfois, voire davantage, pour des superficies n’atteignant généralement pas 25 mètres carré. La chaleur y est de ce fait étouffante, la température y atteignant aisément les 45 degrés. Les cellules des commissariats de police et de gendarmeries se présentent par conséquent comme de véritables étuves à l’air irrespirable.
Ensuite, les personnes placées en garde à vue dorment à même le sol. Il n’y existe généralement pas de lit, de matelas, même pas de nattes. Pour cause de surpopulation, certaines ne peuvent s’allonger au sol, et demeurent assises, voire accroupies pendant toute la durée de leur détention.
En garde à vue, il n’est guère possible de se laver. Il n’existe guère dans les commissariats et les gendarmeries, de douches pour les personnes qui sont enfermées dans les cellules. Parfois, il n’est même pas possible pour celles-ci de se brosser les dents, ou simplement de se nettoyer le visage au réveil le matin.
Enfin, dans les cellules, il n’existe pas de w-c, ni d’urinoir. Les suppliciés qui s’y trouvent, ne disposent que de seaux dans lesquels ils sont tenus de se soulager. En conséquence, l’odeur y est généralement pestilentielle. Pis encore, il se trouve très souvent que ces fameux seaux à excréments se remplissent de déjections humaines et leur contenu se mette à dégouliner au sol, au point de mouiller en grande partie la surface utilisée par les détenus pour se coucher et dormir. Traduction, ceux-ci se baignent, sans l’avoir désiré, de leurs urines et autres.
Naturellement, en garde à vue, il n’existe guère de radio, ni de télévision, ni de téléphones autorisés. Les gens s’y trouvent maintenus dans l’ignorance de l’actualité, et sans distraction aucune. Par ailleurs, la torture se pratique abondamment en garde à vue, par toutes les techniques connues : balançoire, matraque, ceinture, nerf de bœuf, électricité sur les parties génitales, etc.
En revanche, la situation est tout autre en prison. Tout d’abord, les gens ne sont pas enfermés du matin au soir. Ils sortent des cellules s’occupent à longueur de journée, se distraient, écoutent la radio, regardent la télévision, font du sport, pratiquent la religion de leur choix, etc. Ils dorment sur des lits, sauf lorsque ceux-ci ont occupés par d’autres détenus en cas de surpopulation carcérale – essentiellement à Douala et Yaoundé –, dans des chambres éclairées, et aérées.
Ils peuvent prendre des bains, faire la cuisine, laver leur linge, en un mot continuer à vivre normalement comme des êtres humains. De même, en prison, il n’est pas fréquent que les détenus soient bastonnés. Cela ne se produit que pour les véritables « têtes dures », récidivistes impénitents. Le seul véritable problème en prison, c’est d’une part la surpopulation, pour certaines prisons, d’autre part, la mauvaise qualité doublée de la modicité de la ration carcérale.
De la nourriture de très mauvaise qualité n’est distribuée qu’une fois par jour, et surtout de quantité tout à fait insuffisante. Nul ne peut résister longtemps dans les prisons camerounaises en ne se contentant que de celle-ci pour son alimentation. Ce qui explique qu’un grand nombre de détenus démunis devient rapidement chétif, et se retrouve exposé à toutes sortes de maladies liées à la malnutrition.
Pour mettre fin à la maltraitance des gardés à vue, il importe de mener une véritable campagne de sensibilisation sur ce fléau, et élaborer une législation spécifique à la garde à vue, celle contenue dans le Code de Procédure Pénale en vigueur, se révèle, à l’expérience, totalement inopérante.