La rupture ignorée - Comment Paul Biya a lâché son plus vieil allié

Biya Reunion Etoudi Mvondo Ngoh Image illustrative

Wed, 1 Oct 2025 Source: www.camerounweb.com

Pendant des mois, Bello Bouba Maïgari a frappé à la porte du palais présidentiel. En vain. Jeune Afrique révèle les coulisses d'une rupture qui a poussé l'ancien Premier ministre à défier son mentor.

errière la candidature de Bello Bouba Maïgari à la présidentielle du 12 octobre 2025 se cache une histoire de portes closes et de silences pesants. Selon les révélations exclusives de Jeune Afrique, l'ancien ministre du Tourisme n'a pas choisi de rompre avec Paul Biya par ambition soudaine, mais plutôt par nécessité, après avoir essuyé un refus silencieux du chef de l'État.

Tout aurait pu se passer comme en 2018. À l'époque, Bello Bouba Maïgari avait négocié directement avec Paul Biya le renouvellement de leur alliance politique. En échange de son soutien, le président de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) conservait son poste ministériel et quelques strapontins pour ses lieutenants. Un accord gagnant-gagnant qui évitait à l'UNDP de présenter un candidat à la présidentielle.

Mais cette fois, la donne a changé. Jeune Afrique révèle qu'en 2024 et au début de 2025, Bello Bouba Maïgari a tenté à plusieurs reprises de solliciter une audience avec le président Biya. Sans succès. « Bello Bouba Maïgari ne s'est jamais intéressé aux lieutenants de Paul Biya. Pour lui, seul le président peut être son interlocuteur. Or, il a trouvé porte close », confie un proche de l'opposition au magazine panafricain.

Cette mise à l'écart n'est pas un cas isolé. Un haut cadre du RDPC confirme à Jeune Afrique que le parcours de Bello Bouba Maïgari rappelle celui d'Issa Tchiroma Bakary, autre transfuge devenu candidat à cette élection. « Comme Issa Tchiroma Bakary, il a considéré qu'il ne pouvait plus être l'allié d'un président qui ne le recevait plus », explique cette source du parti au pouvoir.

Pendant plusieurs mois, l'ancien Premier ministre hésite. Selon Jeune Afrique, son premier réflexe est de maintenir coûte que coûte l'alliance avec le RDPC, malgré l'indifférence présidentielle. Mais la pression monte au sein de l'UNDP. Plusieurs conseillers le poussent à la rupture, brandissant une menace existentielle : s'il persiste à soutenir Paul Biya sans contrepartie, il risque de perdre sa base militante, lassée de jouer les supplétifs du pouvoir sans résultats tangibles.

C'est finalement en août 2025 que Bello Bouba Maïgari franchit le pas. Il démissionne de son poste de ministre du Tourisme, discrètement, sans déclaration fracassante ni règlement de comptes public. Une sortie en douceur qui contraste avec la violence symbolique du geste : après 33 ans d'alliance avec le RDPC, le dirigeant de l'UNDP tourne la page.

Jeune Afrique souligne que cette rupture intervient à un moment charnière pour le septentrion camerounais. Les régions du Nord, de l'Extrême-Nord et de l'Adamaoua accumulent les frustrations : pauvreté persistante, infrastructures délabrées, sentiment d'abandon. Bello Bouba Maïgari espère incarner cette grogne, se présenter comme le candidat des laissés-pour-compte du système Biya.

Mais son défi est colossal. Comment convaincre les électeurs qu'il représente le changement, alors qu'il a été pendant plus de trois décennies l'un des piliers de l'alliance gouvernementale ? « C'est son gros défi aujourd'hui. Il cherche à incarner une sorte de fronde de la jeunesse du septentrion, alors que son parti n'a conservé du poids ces dernières décennies que grâce à une alliance avec le RDPC », résume à Jeune Afrique un opposant.

La candidature de Bello Bouba Maïgari pose une question fondamentale : peut-on incarner la rupture quand on a été soi-même partie prenante du système pendant si longtemps ? Le 12 octobre, les électeurs camerounais apporteront leur réponse.

Source: www.camerounweb.com