L’homme de culture, auteur d’un documentaire sur le maquis, donne son avis sur la valeur réelle des interventions françaises au Cameroun, et pense que l’Hexagone ne fait plus rêver les jeunes du pays.
«C’est par la ré-appropriation de son histoire qu’un peuple grandit. La visite d’un président français n’est pas en elle-même indispensable. On peut vivre 50 ans sans se rendre visite, sans que ça pose problème».
Dans une longue interview accordée au quotidien Mutations en kiosque ce vendredi 3 juillet 2015, le cinéaste Bassek Ba Kobhio s’exprime sur divers aspects de la relation entre Paris et Yaoundé, mais aussi le sentiment anti-français qui semble se répandre au Cameroun.
Pour lui, « le sentiment national camerounais de la population qui s’adressait autant à la France qu’à l’élite politique régnante se double depuis peu d’une grogne de cette élite, depuis l’avènement du phénomène Boko Haram. Ce que vous appelez le sentiment anti-français a gagné les salons huppés de Yaoundé ».
Interrogé par Georges Alain Boyomo et Daniel Ndjodo Bessala, le promoteur du Festival Ecrans Noirs nuance tout de même : « Pour le peu d’informations que je peux avoir, j’estime que parler d’un complot de la France par rapport à la guerre contre Boko Haram, cela me semble gros ».
Cependant, du point de vue de l’opinion camerounaise, certaines attentes ont pu voir le jour, par effet de comparaison avec certains pays : « Je crois que les Camerounais reprochent à la France de n’être pas intervenue de manière forte là où en Côte d’Ivoire on reprochait à la France d’être intervenue. On ne peut pas dire une chose et son contraire ».
Pour ce qui est des parts de marchés que la France aurait perdu au Cameroun, Bassek Ba Kobhio analyse : « Les gens se sont mis en tête, de part et d’autre, que tout était acquis à la France (…) Il y avait une part réservée à la France. Mais un acquis ne l’est que tant qu’il dure. Il y a de nouveaux partenaires surgis en moins d’une décennie quasiment… »
Et de questionner : « Pourrait-on reprocher à un pays de chercher à se développer à un moindre coût, à la seule condition que cela soit véritablement à un coût moindre pour un même résultat de qualité ? »
Évoquant une éventuelle facilitation dans l’obtention des visas aux ressortissants camerounais, le cinéaste trouve que « ces dernières années les jeunes camerounais ne rêvent plus de la France. Ils vont de plus en plus aux Etats-Unis, en Allemagne ou en Chine ».
Mais si Bassek Ba Kobhio devait soumettre une seule requête à François Hollande, ce serait la suivante : « Déclassifier tous les documents sur l’histoire du Cameroun de 1955 à 1971. C’est tout et c’est beaucoup ».