Dans une révélation exclusive, Jeune Afrique dévoile aujourd'hui les mécanismes politiques complexes qui ont conduit à l'évacuation sanitaire de Laurent Esso, ministre de la Justice camerounais, un épisode qui offre un aperçu saisissant des dynamiques de pouvoir au sommet de l'État.
L'histoire commence par un malaise lors des célébrations de la fête de l'Unité nationale le 20 mai, suivie d'une hospitalisation qui s'éternise. Laurent Esso, figure centrale de l'appareil judiciaire camerounais, se trouve dans une situation médicale critique, sa demande d'évacuation sanitaire restant initialement lettre morte.
Les premiers refus présidentiels vont déclencher une mobilisation sans précédent. Les chefs traditionnels sawas, communauté d'origine de Laurent Esso, entrent en action. Une réunion à huis clos transforme rapidement la dynamique : ces leaders, gardiens d'une influence historique, perçoivent le silence présidentiel comme un affront personnel et communautaire.
La menace d'un "dikalo" - un communiqué traditionnel chargé de symbolique - devient l'arme diplomatique décisive. Ces chefs font comprendre à Paul Biya que le refus d'évacuer Laurent Esso pourrait marquer une rupture historique entre le président et la communauté sawa, une perspective potentiellement déstabilisatrice pour un régime qui cultive savamment les équilibres ethniques.
D'autres acteurs stratégiques entrent en scène. Le directeur de l'hôpital militaire de Douala, proche du cercle présidentiel, souligne les risques médicaux d'un maintien au Cameroun. Des émissaires officieux plaident dans les couloirs du pouvoir, construisant un faisceau de pressions difficilement contournables.
Mi-janvier, Paul Biya cède. Laurent Esso est discrètement évacué vers l'hôpital d'instruction des armées françaises de Clamart, marquant l'aboutissement d'une stratégie d'influence subtile et efficace.
Cet épisode révèle les mécanismes internes du pouvoir camerounais : un système où les réseaux traditionnels, les liens communautaires et les influences informelles peuvent encore infléchir les décisions présidentielles.