Alors que le Bâtonnier de l’ordre des avocats vaque tranquillement à ses occupations, aussi bien au Cameroun qu’à l’étranger, des informations non authentifiées font état d’un mandat d’arrêt courant à son encontre depuis février 2018. L’enquête du Messager établit une grave méprise.
Les oreilles de plusieurs avocats inscrits au barreau du Cameroun ont dû siffler en apprenant que leur confrère et surtout Bâtonnier Me Jackson Ngnie Kamga est sous le coup d’un mandat d’arrêt décerné par un juge d’instruction. Ces praticiens férus de droit processuel ont dû se demander comment cela est-il possible alors même que depuis tout ce temps, leur Bâtonnier, dont le domicile, son cabinet et le siège de l’ordre sont connus, vaque tranquillement à ses occupations. Aussi bien professionnelles que représentatives. Que ce soit au niveau national, régional ou à l’international !
Plus, au moment où cette information filtre sur la place publique, le chef du Conseil de l’ordre des avocats au Barreau du Cameroun, qui venait de présider à Yaoundé la rentrée de la Conférence de stage des jeunes avocats, s’est envolé le lendemain pour l’Europe. Depuis mai 2018, le Bâtonnier Ngnie Kamga, qui avait achevé quelques semaines auparavant son mandat d’un an à la tête de la Conférence des barreaux de tradition juridique francophone (CIB), avait à nouveau eu la confiance de ses pairs qui l’ont porté à la tête de la Conférence des Barreaux Ohada. C’est entre autres dans le cadre de cette responsabilité, qu’il se trouve, pour une dizaine de jours hors du pays. Selon son entourage contacté par Le Messager, il devrait rentrer au Cameroun cette semaine.
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vrai faux-mandat d’arrêt
Le Bâtonnier en fonction de l’ordre des avocats du Cameroun sera-t-il donc interpellé à l’aéroport à son retour ce mardi ? Les proches du bâtonnier en chair, qui parlent « d’un nouveau coup bas », sont catégoriques: « il n’en est rien ; et il n’en sera rien». Certains jeunes avocats précisent d’ailleurs que « c’est mieux de savoir que la première victime de la menace qui pèse sur les avocats soit le Bâtonnier en chair qui, en ce moment, saura davantage nous protéger pour avoir vécu l’effet direct du mensonge ».
Et d’expliquer. Que certes dans une ordonnance de renvoi rendue en février 2018 par un juge d’instruction de Bertoua, le nom du bâtonnier est cité parmi 7 inculpés dans le cadre d’une information judiciaire ouverte en 2016. Mais, s’empressent-ils de préciser : « le bâtonnier n’a jamais été convoqué ni entendu dans le cadre de cette affaire qui concerne un de ses clients, lequel s’est séparé d’un de ses employés et associés en parfait accord après une dizaine d’années de collaboration, tous droits payés». Pour, les proches du Bâtonnier consultés, qui se gardent d’entrer dans le fond du dossier, «le seul acte matériel qu’il a posé consiste en la rédaction du protocole d’accord de séparation amiable entre cet employé et associé ». De fait, et à en croire ces sources, si le juge d’instruction avait posé tous les actes légaux nécessaires, notamment en convoquant dument toutes les personnes citées – et particulièrement le Bâtonnier Ngnie Kamga -, elle aurait eu les informations nécessaires et circonstanciées, et, sans doute éviter, ces conclusions aujourd’hui fortement contestées sur le fameux mandat d’arrêt qui a d’ailleurs vu ses effets aussitôt anéantis.
Une procédure dissimulée à l’égard du Bâtonnier ?
Une indication ? Bien que le nom du Bâtonnier figure sur l’ordonnance de renvoi que Le Messager a consultée, et dont des membres du barreau disent devoir se rendre en masse aux jours et heures dites pour défendre l’honneur de leur bâtonnier – et partant de leur profession -, nous apprenons que ce dernier est absolument libre de ses mouvements. Autrement dit, aucun mandat d’arrêt ne court nulle part contre le Bâtonnier Ngnie Kamga. Mais en analysant les dates d’ouverture de cette information judiciaire, nous constatons qu’elle intervient au cours de la période du premier semestre 2016 où, sous le leadership de ce bâtonnier, le barreau du Cameroun, sous la houlette du Conseil de l’ordre avait vivement contesté le projet du nouveau code pénal en cours de finalisation au sein du gouvernement.
Le texte final, présenté devant la représentation nationale lors de la deuxième session parlementaire annuelle de juin 2016, avait été adopté avec le retrait d’une disposition défendue par le ministre de la justice sur l’immunité des membres du gouvernement mais vivement contestée par le barreau à travers son Bâtonnier. Une simple coïncidence ? Voire. Mais les proches du Bâtonnier qui ne souhaitent pas établir un lien entre les deux événements n’excluent néanmoins rien même s’ils reconnaissent que depuis lors les relations entre le garde des sceaux en fonction et le Bâtonnier se sont nettement améliorées. L’un des avocats interrogés par Le Messager évoque néanmoins l’hypothèse d’un excès de zèle. Et d’expliquer : « certains au sein de la juridiction de Bertoua ont pu penser qu’ils contenteraient la chancellerie en impliquant dans ce dossier criminel donc infâmant le Bâtonnier qui était alors en première ligne dans la fronde contre le code pénal défendu par le garde des sceaux ».
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Ainsi aveuglés, ils ont visiblement perdu de vue que c’est pourtant l’engagement de ce Bâtonnier, du temps où il était en 1997, simple avocat, qui a permis aux deux partenaires – dont ils précisent qu’il les connaissait assez bien dans le cadre de son magistère de conseil de l’entreprise - à parvenir à un accord amiable régulier et intégralement exécuté sans anicroche.
Une séparation amiable honorablement menée
Ainsi, comme le montrent les documents consultés par Le Messager - notamment le protocole d’accord du 7 décembre 1997 entre sieurs Dabadji Khalil et Pascal Nang, sous la médiation de Me Ngnie Kamga- , l’associé minoritaire et employé avait en effet obtenu 25 millions FCFA pour la cession de ses 1470 actions dans l’entreprise ainsi que ses droits sociaux. De même un relevé bancaire délivré par la Société Générale sur injonction judicaire atteste de l’encaissement de la totalité de cette somme par le défunt Nang Pascal. Ce, suivant débit du compte du tireur (la société CFE) en date du 15 décembre 2017.
Soit exactement une semaine après la signature du protocole d’accord. Que reste-t-il alors comme reproche au Bâtonnier de l’ordre des avocats. Manifestement pas grand-chose. C’est en tout cas ce que le collectif des avocats librement constitué pour la défense du chef de l’ordre s’évertuera à démontrer lors de la toute prochaine audience devant le juge criminel du TGI du Lom et Djerem à Bertoua.