Dans un entretien qu’il a accordé à Vincenzo Giardina, un journaliste italien, en début d’année, l’écrivain camerounais, auteur des éditions Gallimard, ancien lionceau, revient sur ses souvenirs de footballeur, mais parle aussi du rôle du football pour la paix sociale.
A la question de savoir si le Cameroun qui reçoit la Can est un pays en paix, l’ancien gardien de buts des Lionceaux répond : « Nul n'est en paix dans un monde globalisé où tant de richesses sont exposées et où l'écrasante majorité des populations croule dans la misère. Cet état rend fou au sens propre comme au sens figuré. C'est la misère qui ruine la paix et non un pays en particulier.
Quand augmentent les inégalités, il ne faut pas s'étonner que des insatisfactions se manifestent », poursuivant : «Certes, il existe des professionnels de l'agitation et des perturbateurs qui entendent devenir des stars.(…).Il ne faut pas leur donner trop d'importance. S'attaquer à la misère suffit à les faire disparaître. Le Cameroun aspire à la paix. Il faut donc que ses enfants en parlent et renouent les dialogues utiles.
Le football est un facteur de cohésion national, mais il peut aussi être source de dysfonctionnement en interne comme au plan national ». Quant à savoir si Samuel Eto’o, nouveau président de la Fécafoot, peut-il devenir président de la République, l’écrivain semble prendre quelques précautions : « C’est un compétiteur et à ce titre, il faut lui poser la question. Je ne suis ni pronostiqueur ni fossoyeur des destins. Je ne suis ni confident ni diseur de bonne aventure. Ce que je dirais à Samuel Eto’o, s’il me posait la question, c’est ceci : la politique est une question trop importante mais qui n’appartient pas aux seuls politi- ciens. Tout le monde peut aspirer à la charge, mais ici il n’y a qu’un élu et rarement un remplaçant, sauf aux États-Unis, pour entrer dans le match en cours de partie.Et puis, au Cameroun, Samuel Eto’o est déjà président… de la Fécafoot. Laissez-lui le temps de savourer ! ». Reste une des anecdotes, dont il garde le souvenir quand il était Lionceau. « Je peux dire que je conserve un souvenir impérissable d'un entraînement que nous avons eu entre l'équipe nationale A et l'équipe nationale junior au stade Omnisports de Douala en 1981. A la fin de l'entraînement, Grégoire Mbida et Docteur Abega étaient venus me congratuler car j'avais stoppé un pénalty tiré par Louis-Paul Mfédé. Se tournant vers Thomas Nkono qui avait suivi l'entraînement du banc de touche, Grégoire Mbida, dit Arantès, s'était tourné vers l'excellent Nkono, gardien exceptionnel des Lions Indomptables pour lui dire : " Tu as vu le petit ? Prends garde à ton poste ! Okalga !" Okalga, en langue beti signifie ici un avertissement. J'ai pris cela comme un compliment et le sourire serein de Nkono montra qu'il ne nourrissait aucune inquiétude, mais une extraordinaire bienveillance qu'il manifesta en me passant une main sympathique sur la tête ». Eugène Ebodé, écrivain, n’a rien à envier à l’ancien footballeur pour jongler avec les mots.