• Les populations du Nord ne sont pas optimistes
• Elles prédisent un chaos après Biya
• Le câble diplomatique édifie sur les scénarios possibles
Le journal L’œil du Sahel dans sa partition du 27 mai 2022 livre les extraits d’un câble diplomatique de l’ambassade des USA au Cameroun datant de 2007. Le document évoque entre autres la perception qu’ont les populations du Nord de la politique de Paul Biya. Ils sont quasi unanimes sur le maintien au pouvoir de Paul Biya au pouvoir tant que la santé de celui-ci le permettra.
« L'ambassadeur a demandé à de nombreux interlocuteurs s'ils pensaient que le président Biya allait changer la constitution pour rester au pouvoir après 2011 - un débat national est en cours à ce sujet- La réponse était invariablement oui, si Biya est en bonne santé, il va changer la constitution pour reste. Les contacts pensent qu'il y a une opposition sérieuse à l'évolution de la constitution camerounaise mais une bonne moyenne aurait peur de s'opposer à Biya », indique le document.
Le chaos
Les populations du septentrion ne croient pas à une transition politique apaisée après le départ de Paul Biya. Elles sont convaincues que le pouvoir reviendrait aux militaires. Si tel n’est pas le cas, les populations du nord craignent un chaos après le départ du chef de l’Etat actuel.
« Un partisan du RDPC a vu l'espoir d'une réforme de l'intérieur du par. Beaucoup de nos contacts, à travers le spectre pensent que quand Paul Biya sera parti, soit les militaires vont prendre le relais, soit le pays va s'effondrer dans le chaos », indique le câble diplomatique rendu public par Wikileaks.
Le Nord se prépare
Les cadres des régions du Nord du Cameroun ne veulent plus se contenter de leur traditionnel rôle de faiseur de roi. L’idée de revoir un ressortissant de la partie septentrionale du Cameroun au Palais de l’Unité est de plus en plus évoquée par les élites qui se préparent déjà pour succéder à Paul Biya. Guibai Gatama, l’initiateur du mouvement “10 millions de Nordistes” annonce les couleurs de l’après Biya.
« Préparons-nous. Quand le Président Paul Biya s’en ira, tôt ou tard, c’est à nous de reprendre la relève. C’est à notre génération d’être prête et de reprendre le flambeau. En route pour l’herbe fraîche des verts pâturages d’Etoudi », a-t-il déclaré sur les réseaux sociaux.
Ce n’est pas la première fois que le journaliste exprime son ambition de voir la présidence du Cameroun conquise par un « nordiste ».
« Pour ce qui est de la succession de Paul Biya, aujourd’hui ou demain, je veux encore redire simplement que nul ne doit surestimer la patience politique des Nordistes. Qui s’y hasarderait en paierait le prix politique”, révélait-il le 10 juillet 2021 dans une précédente publication.
Si Guibai Gatama est tant confiant, c’est partie à cause de l’alliance conclue entre Biya et les élites du Nord.
Le deal qui a sauvé Biya
Paul Biya a 88 ans. Bien qu’il arrive encore à s’offrir quelques séjours privés en Suisse, le président de la République a désormais son avenir derrière lui. Tous ses lieutenants le savent. Ils multiplient les manœuvres pour se positionner comme les dauphins naturels du vieux Lion.
Le magazine Jeune Afrique généralement bien introduit dans les palais présidentiels africains raconte régulièrement les tensions entre le Secrétaire général de la présidence de la République Ferdinand Ngoh Ngoh et le premier ministre Joseph Dion Ngute d’une part, et la guerre entre Samuel Mvondo Ayolo, Directeur du cabinet civil de la présidence et Louis Paul Motaze, ministre des finances, d'autre part. A ces combinaisons déjà explosives, s’ajoutent les réseaux du fils aîné du président de la République, Franck Biya qui lorgnerait également la place de son père.
Paul Biya au courant de toutes ces agitations, n’intervient jamais pour calmer les ardeurs de ses collaborateurs. Selon les révélations de Wikileaks relayées par RFI, le président de la République a son propre agenda. Le chef de l’Etat aurait conclu des accords tacites avec son ethnie d’origine Bulu, les Beti et les Nordistes. L’information a fuité lors d’un entretien entre l’ancien ministre de la justice Amadou Ali et l’ambassadeur des USA au Cameroun de l’époque, Janet Garvey.
« Amadou Ali aurait ainsi affirmé à Janet Garvey que la succession du président Biya, originaire de l’ethnie Bulu, devait être envisagée sous le prisme ethnique. D’après le télégramme, le ministre aurait mentionné l’accord tacite existant entre les Beti et les Bulu du sud d’un côté, et les nordistes de l’autre, avant de confier que le nord continuerait de supporter Paul Biya aussi longtemps que celui-ci voudrait être président », écrit RFI sur son site.
Selon la même source, les Nordistes se sont engagés à soutenir Paul Biya aussi longtemps qu’il souhaitera rester au pouvoir. Cependant une fois Biya out, aucun Bulu ne pourra prétendre à son remplacement. Les cadres du septentrion sont aussi contre l’arrive au pouvoir d’un successeur Bamiléké.
« Les nordistes ne supporteraient plus un successeur issu de la même ethnie ou de l’ethnie Bamileke reconnue pour son dynamisme économique », révèle le câble diplomatique publié par Wikileaks.