Dans une décision inattendue, le président camerounais Paul Biya a récemment mis fin à une enquête commanditée par Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence de la République, contre trois ministres de son gouvernement selon les révélations de Boris Bertolt.
Cette enquête, visant Louis Paul Motaze (Ministre des Finances), Alamine Ousmane Mey (Ministre de l'Économie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire), et Nganou Djoumessi Emmanuel (Ministre des Travaux Publics), portait sur ce qui est désormais connu comme "l'affaire des 55 ponts métalliques".
En 2023, Ngoh Ngoh avait sollicité et obtenu l'accord de Paul Biya pour que le Secrétariat d'État à la Défense (SED) ouvre une enquête sur cette affaire. Cette démarche avait soulevé des questions, le SED n'étant pas habituellement compétent pour ce type d'investigations. L'enquête visait à éclaircir les circonstances entourant la gestion de 45,9 milliards de francs CFA alloués pour la construction de ponts métalliques, un projet crucial pour le désenclavement des bassins de production au Cameroun.
Galax Etoga, chef de la gendarmerie nationale, avait demandé l'audition des trois ministres en raison de soupçons de détournement de fonds publics et d'autres irrégularités. Le projet, financé par un accord de crédit avec la Société Générale de Banques et US EXIM, impliquait la construction et l'installation de ponts métalliques par les sociétés ACCROW BRIDGES et ELLIPSES PROJETS SAS FRANCE. Cependant, des anomalies avaient été relevées, notamment la vente de 412 conteneurs de matériaux au profit de la société MVOND-CAM par une procédure de gré à gré, une opération entachée de favoritisme et de corruption selon l'enquête.
Malgré l'accord initial de Paul Biya pour l'audition des ministres, il a ordonné en mars 2024 l'arrêt de l'enquête. Cette volte-face a été perçue par beaucoup comme une manœuvre pour protéger certains membres influents du gouvernement. Au cœur du sérail, certains ont vu cette enquête comme un stratagème de Ngoh Ngoh pour régler des comptes politiques, un soupçon renforcé par le contexte de rivalités internes.
En suspendant l'enquête, Paul Biya a non seulement mis fin à une procédure potentiellement explosive mais aussi signalé son contrôle sur les dynamiques politiques internes. Pour l'instant, l'affaire des 55 ponts métalliques reste un dossier classé, mais les interrogations et les suspicions persistent.