Le cinéma africain pourrait rapporter 20 milliards de dollars de plus au continent

Des acteurs de cinéma africain

Thu, 7 Oct 2021 Source: www.bbc.com

Les industries cinématographiques en Afrique pourraient quadrupler leurs revenus et parvenir à contribuer à hauteur de 20 milliards de dollars au PIB combiné du continent et créer 20 millions d'emplois supplémentaires dans les industries créatives, selon un rapport sur le cinéma rendu public mardi.

Malgré l’augmentation significative de la production et de la distribution d'œuvres cinématographiques à travers le continent, le potentiel économique du secteur audiovisuel africain “reste largement inexploité sur la quasi-totalité du continent”, constate l’Unesco qui propose pour la première fois une cartographie détaillée de l’industrie cinématographique et audiovisuelle à l’échelle du continent africain.

Ce rapport de 67 pages intitulé “L’industrie du film en Afrique : Tendances, défis et opportunités de croissance“, contient des recommandations “pour organiser de façon stratégique la croissance à venir” et aider ce secteur en plein essor à atteindre son potentiel.

"Pendant plus d’un an, le travail qui a été fait c’est de trouver des équipes de travail pour pouvoir recenser toute l’information existante pour voir par où la démarche doit suivre pour capitaliser le pouvoir créatif qu’a le continent dans les industries créatives pour l’industrie de l’audiovisuel", explique Ernesto Ottone, Sous-directeur général pour la culture à l'Unesco à BBC Afrique.

En invitant les décideurs politiques, les organisations professionnelles, les entreprises, les cinéastes et les artistes à participer à des tables rondes au siège de l’Unesco entre le 5 et 7 octobre, Audrey Azoulay, directrice générale de l'Unesco, souhaite "renforcer la coopération internationale pour permettre aux cinéastes de tous les pays de s'exprimer et de développer des industries culturelles et créatives viables et compétitives".

"Un écran de cinéma pour 787 402 habitants"

L’équipement cinématographique numérique bon marché et les plateformes en ligne, qui permettent une distribution directe aux consommateurs, ont donné naissance à une nouvelle économie pour les créateurs de contenus, surtout ces dernières années.

"Le cas de "Nollywood", avec environ 2 500 films réalisés chaque année, est emblématique à cet égard.

Il a permis l'émergence d'une industrie locale de production et de distribution avec son propre modèle économique", note l’Unesco.

Cependant, ce rapport révèle que l’Afrique ne détient qu’un écran de cinéma pour 787 402 habitants, ce qui en fait le continent qui a le moins de salles de cinéma.

Dans l’ensemble, malgré quelques exceptions, la production cinématographique en Afrique reste faible.

Il s’agit d’un secteur "historiquement et structurellement sous-financé, sous-développé et sous-évalué, ne générant que 5 milliards de dollars américains de chiffre d’affaires annuel sur un chiffre d’affaires potentiel estimé à 20 milliards de dollars américains, selon la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI)", souligne le rapport.

Le fléau de la piraterie

Le rapport montre que "de nombreux aspects de l’industrie demeurent informels, puisque seuls 44 % des pays disposent d’une commission du film et 55 % d’une politique cinématographique".

Mais 30 des 54 pays d'Afrique ne disposent pas de commissions nationales du film ou d'institutions audiovisuelles reconnues capables de défendre les créations et les règles d'utilisation équitable, selon le rapport, ce qui rend les réformes difficiles à réaliser.

"Les créateurs ne reçoivent pas de paiement pour les droits d'auteur en échange de leur travail. Il faut une législation beaucoup plus forte", précise Ernesto Ottone.

"On essaie de mettre en valeur les bonnes pratiques pour voir dans quels domaines on pourrait construire des projets, soit dans le plan législatif, dans le plan de la distribution, dans le plan de l’exploitation puisqu’il y a plusieurs pays qui n’ont presque plus de salles de cinéma pour pouvoir exhiber, la place du digital, quel est l’impact de la piraterie dans ces pays au niveau des matériaux audiovisuels et le manque à gagner pour les créateurs dus à ce fléau qui est la piraterie de l’audiovisuel en général".

Le piratage "effréné" est une des préoccupations majeures exposées dans le rapport.

Deux tiers des pays ont estimé que le secteur perd au moins 50 % du chiffre d’affaires potentiel "en raison de l’exploitation illégale des contenus audiovisuels créatifs".

"Le manque à gagner pour les artistes est énorme, déplore le Sous-directeur général pour la culture.

Le rapport relève également un manque d’égalité des genres, notamment "dans les régions Afrique centrale et Afrique de l’Ouest, 50% des répondants estiment que la part des femmes est également inférieure à 10%".

L’étude identifie aussi des difficultés qui continuent d’affecter cette industrie, notamment la liberté d’expression.

"Dans 47 pays, les professionnels de ce secteur font état de restrictions sur les questions qu'ils peuvent traiter dans leurs créations".

"87 % des répondants évoquent des contraintes explicites ou une autocensure sur ce qui peut être montré ou abordé à l’écran".

Besoins d’investissements

En Côte d'Ivoire et au Sénégal, des investissements importants par des sociétés de télévision internationales telles que Canal+ ont stimulé les productions télévisuelles produites localement, mais dans de nombreux pays, les investissements font défaut.

Seuls 19 pays africains offrent une forme quelconque de soutien financier aux cinéastes, le plus souvent sous la forme de petites subventions ou de subventions.

En dépit de nombreuses contraintes et difficultés, Ernesto Ottone, considère que la créativité sur le continent africain est "une force".

"Nous sommes convaincus qu’il y a des potentialités qui n’ont pas encore été prise en compte et qui aujourd’hui laissent projeter un futur rayonnant vis-à-vis de ce qui est l’industrie audiovisuelle en Afrique".

Plusieurs tables rondes sont organisées entre le 5 et le 7 octobre avec des représentants de l’industrie du cinéma ainsi que des cinéastes de renom tels qu’Abderrahmane Sissako et Mati Diop pour évoquer la production cinématographique en Afrique ainsi que l’investissement et le soutien institutionnel.

L’Unesco propose aussi un cycle de programmation de films africains organisé durant 3 jours, du 5 au 7 octobre 2021 dans la salle de cinéma de l’UNESCO.

La sélection propose un mélange de films de trois générations de réalisateurs : des cinéastes confirmés et récompensés, de jeunes talents féminins et des œuvres majeures du patrimoine cinématographique africain.

Source: www.bbc.com