Plus d’une semaine après le réaménagement du gouvernement, le chef de l’exécutif n’a toujours pas réuni autour de lui la nouvelle équipe. Aucune orientation de l’action du gouvernement, sinon celle de bonne continuation prodiguée par le Premier ministre au moment des installations, à la place d’un conseil de Cabinet.
Les termes officiels parlent bien d’un « réaménagement du gouvernement ». Le 02 octobre dernier, à la place du tsunami annoncé, et attendu, c’est une brise qui a soufflé au sein du gouvernement. 9 personnalités font leur entrée en qualité de ministre plein, accompagnés de secrétaires d’Etat et de secrétaires généraux dans les services du Premier ministre.
6 ministres sont mutés et 11 admis à la réserve de la République. Des changements numériques qui préservent sauf l’équilibre régional, et la qualité pléthorique du gouvernement (65 membres), au détriment d’une praxis gouvernementale précise. Les caciques sont gardés au sein de l’équipe, avec pour certains une vingtaine d’années, sans discontinuité au gouvernement.
Pour autant, qu’il s’agisse d’un remaniement ou d’un réaménagement gouvernemental, la tradition politique enseigne que cela répond à des besoins de gouvernance précis, que commandent les défis de l’heure. Défis que le chef de l’exécutif élabore de nouveau au cours d’un conseil de ministre dédié à l’orientation de l’action gouvernementale.
En 2009, le président Paul Biya convoquait un conseil de ministre trois jours seulement après avoir remanié son équipe.
Il est en effet de coutume dans la haute administration que le président réunisse, de façon constante, son équipe pour une définition des actions prioritaires du gouvernement en fonction des urgences, mais surtout du programme politique, économique et social tel que décliné au cours de campagne présidentielle précédente, et sur lequel le chef de l’Etat a été élu. Depuis la dernière présidentielle, en octobre 2011, le président Paul Biya a tenu trois conseils de ministre.
Le premier en décembre 2011, à la suite du remaniement du 9 du même mois, et au cours duquel le chef de l’Etat a demandé à ses ministres d’élaborer les feuilles de route des départements ministériels dont ils ont la charge, à l’aune du « programme des grandes réalisations », sur lequel il a été porté aux nues.
Pensum
Le second conseil des ministres a été enregistré le 27 novembre 2012. Au cours de cette brève rencontre, Paul Biya a évalué les « feuilles de routes » de ses ministres. Mais le conseil de ministre qui a affolé les chronomètres est celui du 09 décembre 2014, une vingtaine de minutes selon plusieurs ministres présents. Un seul point à l’ordre du jour : le plan d’urgence triennal.
Or, dans l’intervalle, la vie au Cameroun a été marquée par trois échéances électorales, sénatoriales, législatives et municipales en 2013, une entrée en guerre contre Boko Haram qui a obligé le pays à déployer sur le front plus de 6000 soldats, une économie en berne et un climat social perpétuellement tendu. Au total entre 2009 et 2015, le président Paul Biya a tenu seulement 4 conseils de ministres.
Le Premier ministre n’est pas plus entreprenant sur la question. Philémon Yang s’est contenté jusqu’ici d’installer les ministres nommés par le président de la République, sans plus. Pas de conseil de cabinet extraordinaire, on s’en tient à la traditionnelle rencontre du dernier jeudi du mois.
Toute proportion gardée, notons que dans les pays qui servent généralement de modèle démocratique, les conseils de ministres sont tenus presque de façon hebdomadaire. C’est le cas de la France, ou le président François Hollande réunit les mercredis son gouvernement à l’Elysée. Plan d’urgence
Les exégètes de l’attitude présidentielle voient pourtant dans ce mouvement, un signe du recadrage du cap fixé par le chef de l’Etat. Le ministre de la Défense est muté en pleine campagne de l’armée dans l’Extrême-nord, remplacé par Joseph Beti Assomo, jusqu’alors gouverneur de région.
En économie, moins d’un an seulement après la mise en œuvre du plan d’urgence triennal pour rebooster la croissance, le ministre de l’Economie est également prié d’aller aux Travaux publics, remplacé par un Louis-Paul Motaze dont l’action au sein de ce ministère entre 2009 et 2011, a visiblement séduit le locataire d’Etoudi.
Aux sports, à la veille de l’organisation des Can 2016 et 2019, Adoum Garoua est remplacé par Pierre Ismaël Bidoung Mkpwatt de retour à la tête de ce département ministériel. Il est à noter que le président Paul Biya, qui a aussi la réputation d’avoir un poil dans la main, ne montre pas un enthousiasme débordant quand il s’agit de rencontrer ses ministres.
Le peu de conseil de ministre tenu par lui, de même que la brièveté de certains, ont pour certains le mérite de montrer que ces travaux sont un pensum pour le président de la République, quand ils ne témoignent tout simplement pas d’une gestion des affaires sclérosée, incapable de répondre aux besoins des populations. Pour l’heure le Littoral est un nouveau gouverneur, comme la douane un nouveau directeur.