La gestion d'Ekema Patrick Esunge est fortement contestée par le conseil municipal, sans compter d'autres casseroles qu'il traîne depuis des années.
Fin démagogue, le chef de l'exécutif municipal de Buea (Sud-Ouest) a une manière toute particulière de communiquer sur son action : ce qui marche est à son crédit, et les difficultés connues relèvent de la mal-gouvernance passée ; dans tous les cas le diable ce n'est pas lui. Ekema Patrick Esunge alterne entre l'auto-gloriole et le dénigrement.
Le mouton noir du maire de Buea, c'est son prédécesseur, Mbella Charles Moki, aujourd'hui sénateur. C'est à lui qu'il fait allusion à chaque fois qu'il tente un bilan : il a hérité d'une maison fortement endettée ; d'arriérés abyssaux de salaire dus aux employés. Les impôts, Hysacam et autres Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) se pointent-ils ? L'édile pleurniche sur un passif écrasant. Les infrastructures offertes à la ville à l'occasion de la célébration du Cinquantenaire de la réunification, en février 2014 ? On a bâti sans demander son avis éclairé, et il lui est difficile d'entretenir des choses (routes, monuments, etc.) dont il ne maîtrise point les normes d'exécution.
C'est donc une nouvelle forme de gouvernance que s'emploie à établir le grand communicant de Buea. Il pointe l'index sur son poitrail pour s'arroger les bons points, et le pouce dirigé vers les «autres» pour se dédouaner face aux critiques. La stratégie peut mordre un temps, mais à l'heure du bilan définitif ça risque de tanguer... Ekema Patrick Esunge, élu au lendemain des municipales du 30 septembre 2013, a d'autant plus à craindre, pour sa survie à la tête de la mairie, qu'il fait l'unanimité contre lui-même parmi ses 3 adjoints et ses 41 conseillers municipaux. Ici et là, on glose sur son arrogance, on décrit son autocratie, on dénonce une gestion opaque et essentiellement égocentrique.
Et que dire de cette sombre histoire foncière, qui lui pend au nez depuis quelques mois ? L'édile est en effet cité, avec insistance, dans une affaire de spoliation de 2800 hectares dans le village Bova II. Son chef, Isume Nyoko, a été, pendant de longues semaines, l'objet de fortes intimidations visant à l'amener à diviser son unité aux fins de créer Wonjoku, un nouveau village du Fako dont le chef serait... Ekema Patrick Esunge.
L'histoire, qui fait scandale depuis juin 2014 et fait chaque jour planer des menaces sur la paix sociale, implique notamment le gouverneur de la région du Sud-Ouest, Bernard Okalia Bilaï ainsi que d'autres hauts responsables locaux de l'administration publique, heureux bénéficiaires de vastes étendues de terres acquises par des moyens détournés. Mise au parfum de cette gigantesque escroquerie foncière, la commissaire principale Dina Essoka Hélène, alors chef du contrôle des services à Buea, avait ouvert une enquête qui permit alors de mettre au grand jour des faits, chiffres, actes et noms d'une extrême gravité. Le rapport produit sur cette mafia, transmis à sa hiérarchie, plutôt que de lui valoir ne serait-ce qu'un mot d'encouragement, provoquera plutôt le résultat inverse.
Le 2 juin 2014 en effet, Mme Dina Essoka, accusée d'«insubordination» et d'«insolence», est... suspendue de ses fonctions pour une durée de 3 mois. Elle n'avait pas retrouvé son poste aux dernières nouvelles. À Buea, comme dans les salons huppés du Fako en particulier et du Cameroun en général, beaucoup ont vu la patte du maire Ekema Patrick Esunge derrière cette insolite sanction. Toujours est-il que la personnalité de l'édile de Buea commence à intéresser de plus en plus les administrations et charge de l'assainissement des mœurs publiques au Cameroun. Ce ne sont certainement pas les dossiers compliqués qui manqueront pour satisfaire la curiosité des limiers...