Recycler des déchets plastiques pour en faire un liant remplaçant le ciment dans la production de pavés: c’est le nouveau défi que s’est lancé la légende vivante du football camerounais Roger Milla.
Depuis fin juin 2015, l’ex-international camerounais expérimente ce procédé à Yaoundé alors que son pays est confronté comme d’autres au défi majeur de la gestion de déchets plastiques.
“Nous avons lancé ce projet pour lutter contre la pollution, mais aussi pour créer des emplois pour des jeunes désœuvrés”, explique à l’AFP Roger Milla, qui brilla sur les pelouses dans les années 70-90 en cumulant les distinctions (Ballon d’or africain, footballeur africain du siècle…) et qui fut en 1994 le plus vieux buteur en Coupe du Monde, à 42 ans passés.
Au Cameroun, les déchets en matière plastique -bouteilles, sachets, sacs – sont régulièrement jetés dans la nature. Ils inondent ainsi les rivières, salissent les rues et bouchent les caniveaux.
Cette pollution est telle que le gouvernement a interdit dès avril 2014 “la fabrication, l’importation, la détention, la commercialisation ou la distribution des emballages plastiques non biodégradables”.
Mais certains producteurs font de la résistance. Début janvier, près de 100 tonnes d’emballages plastiques fabriqués illégalement par une entreprise de Douala ont ainsi été saisies.
Pour tenter d’atténuer l’ampleur du problème, Roger Milla a créé une association dénommée “Cœur d’Afrique”, pour la protection de l’environnement et la promotion du développement durable: elle ambitionne de former à terme 2.500 jeunes à la collecte, au tri des déchets plastiques, ainsi qu’à leur transformation en matière première pour la fabrication de pavés.
Une nouvelle vie pour les déchets Déjà, “nous avons sélectionné 25 jeunes à qui nous avons dispensé une formation complète” allant de la collecte des déchets à la pose des pavés, afin qu’ils forment plus tard d’autres personnes, explique Pancrace Fegue, secrétaire exécutif de l’association.
Ces pionniers ont déjà produit des milliers de pièces de pavés, qui ont été utilisés notamment pour le revêtement de la Cour de la Fédération camerounaise de handball.
Fin novembre, l’association a sensibilisé des élèves de deux établissements scolaires de Yaoundé, les invitant à collecter des déchets plastiques dans leurs quartiers. En une semaine, ceux-ci ont ramassé près de trois tonnes de déchets, qui ont été récupérés ensuite par l’association.
“Nous voulons amener les élèves et les ménages à comprendre que les plastiques ont une destination finale” autre que la poubelle ou la rue, commente M. Fegue. Pour ce qui est de la production du pavé, “le plastique sert de liant (et) remplace le ciment”, ajoute-t-il.
“Lorsque nous retournons dans nos ateliers, nous procédons à un tri sélectif”, explique Pierre Kamssouloum, directeur technique du projet. Une fois la matière recherchée obtenue, “nous passons à la phase de transformation”, souligne-t-il. Il explique que le plastique contenant par exemple du chlore est éliminé, car toxique lors de sa transformation.
Le production se poursuit par la fonte des matières plastiques placées dans une cuve posée sur du feu de bois, rapporte M. Kamssouloum. Une fois la matière plastique fondue, “on y ajoute du sable avant de disposer le tout dans des moules, à chaud”.
L’eau ne rentre pas dans la production et le produit sèche à l’air ambiant. D’après M. Kamssouloum, le séchage prend généralement “15 minutes” alors que pour un pavé à base de ciment et de sable cette opération peut nécessiter 24 heures.
Mais ce n’est pas le seul avantage: “nos pavés sont moins coûteux”, vante-t-il encore: il en coûte 3.500 FCFA (environ 5 euros) le mètre carré pour une épaisseur de 5 cm, contre 5.000 FCFA pour les pavés classiques. Et d’après lui, ces pavés d’un nouveau genre “sont imperméables” et peuvent être utilisés “dans les zones marécageuses” ou “pour construire des fosses sceptiques”.
Aider les enfants de la rue Pour le Laboratoire national de génie civil (Labogenie), organisme officiel d’analyse des matériaux de construction et des travaux publics, qui a procédé à des tests sur la qualité de ces pavés, “les résultats sont encourageants, mais ils doivent être confortés par d’autres tests”.
“Les résultats obtenus au sujet de la capacité de ces pavés à résister à l’absorption de l’eau sont intéressants”, note Paul Mallo Nkongo, chef de la division essais et analyses au Labogenie, en saluant la “belle” initiative lancée par Roger Milla.
“Ce projet peut m’aider à mieux m’en sortir”, espère un des jeunes du projet, Elvis Kake. Enfant de la rue, celui-ci rêve de la quitter grâce à l’association Coeur d’Afrique. Roger Milla espère précisément que son activité permettra de sauver des jeunes comme Elvis.
Mais le projet se heurte encore à un certain nombre de difficultés: un manque de véhicules pour ramasser les ordures et un manque de moyens financiers, notamment pour encadrer les jeunes, selon M. Fegue.
Si la ville a offert un site provisoire pour la production des pavés, l’association est encore à la recherche d’un lieu définitif.
Le ministère de l’Environnement met, pour sa part, à la disposition de l’initiative les emballages plastiques non biodégradables saisis.