Le pouvoir d’achat des Camerounais en baisse, malaise des automobilistes à la pompe

Affluences dans les stations services

Tue, 10 May 2022 Source: Le Jour n°3664 lundi 9 mai

La vie continue d'être de plus en plus cher au Cameroun. A côté des difficultés des familles pour se nourrir, les automobilistes vivent chaque jour un véritable chemin de croix à la quête de carburant dans les stations services où les prix ont augmenté.

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A côté des tracasseries policières dans les multiples contrôles, les automobilistes camerounais subissent en plus la rareté et la cherté des produits pétroliers qui plombent leur activité.

Charlie Kafou est assis sur une chaise en bois au lieu-dit Bépanda Omnisport. Il fait face au camp de stationnement de camions citernes et véhicules de déménagement. Il a le regard perdu dans le vide. Ce transporteur qui se tourne les pouces attend un potentiel client. L’horloge affiche déjà 13h ce mardi 26 avril 2022. Pour ce retraité engagé dans le transport il y a cinq ans, il est devenu très difficile de subvenir à la ration alimentaire et aux autres charges liées au loyer. Le quinquagénaire dit avoir particulièrement broyé du noir à la mi-avril à cause du manque de carburant (gasoil) dans les stations-service de la ville de Douala. Pendant près d’une semaine, le business de Charlie a arrêté de tourner. L’automobiliste se souvient particulièrement de ce lundi où son véhicule de déménagement est tombé en panne sèche à Bonabéri, dans l’arrondissement de Douala 4ème. Charlie a dû faire le tour de plusieurs stations à moto à la recherche du précieux sésame. «On a du prendre un bidon sur une moto. Après plusieurs pompes, nous n’avons pu avoir que 5 litres de gasoil. Avant d’arriver au quartier Dakar, la voiture était à nouveau à sec. On a du garer le véhicule pour cinq jours », déplore ce transporteur qui affirme qu’il lui est arrivé de faire le tour d’une dizaine de stations-service en un seul jour sans trouver du carburant. Charlie Kafou n’est pas le seul dans cette situation. Il note que plusieurs camions du camp à Bépanda Omnisport sont restés immobilisés pendant des jours.

Pénurie de gasoil

Le 20 avril, Gaston Taba, un autre transporteur en service dans ce camp a lui aussi payé les frais de la rareté du carburant. Ce jour-là à Douala, le chauffeur camion a chargé des produits destinés à l’entretien des engins de la carrière Razel de Logbadjeck dans la Sanaga Maritime. Pour se ravitailler en gasoil et prendre la route, le transporteur dit avoir fait le tour de douze stations. Il s’est rendu à Total au lieu-dit Trois morts, puis Total Bessenguè. Il a fait le tour des stations-service le long du boulevard Leclerc. Il s’est également rendu du côté de Mrs, Ola … En vain. « A distance, le pompiste faisait signe des gestes de la main pour indiquer qu’il n’y a pas de carburant. On a dû annuler la course. C’est deux jours après qu’on nous signale du gasoil disponible dans une station-service à KDD vers Nkololoun. Là, nous avons pu être servi à hauteur de 15 000 F CFA (26 litres) et on a pu effectuer la course », se plaint Gaston Taba qui cumule 25 ans d’activités. Lorsque nous le rencontrons le 26 avril, il relève que la rareté de gasoil dure depuis deux mois.

A la Station-service Mrs au quartier Deido, la gérante confirme qu’à la mi-avril, son point de vente a passé une semaine sans carburant. « Tout ce qu’on sait, c’est qu’il n’y en avait pas à la Scdp. Mais actuellement, ça va », indique -t-elle. Dans un communiqué, le ministre de l’Eau et de l’Energie justifiait cette situation de rareté du gasoil par la suspension de son ravitaillement en produits dû à la guerre en Ukraine. Le ministre indique que plusieurs pays du golfe de Guinée connaissent des perturbations. Les principaux fournisseurs s’approvisionnant en Russie. « En outre, les restrictions d’accès au marché imposées aux produits d’origine russe ont entrainé une rareté desdits produits au niveau des différents points d’approvisionnement. Ce qui les rend par ailleurs plus cher ».

Contactée le 29 avril, la Société camerounaise de dépôts pétroliers (Scdp) a rassuré que la situation est redevenue normale dans tout le pays. « Le produit est disponible. Il faut seulement que les gens aient un comportement responsable en évitant de faire de gros stocks Certains remplissent des cubitainers entiers. Ce qui est susceptible de créer des perturbations », relève la cellule de Communication.

Chers lubrifiants

Des transporteurs et commerçants craignent que de pareilles situations, si elles ne sont pas maitrisées efficacement, influent sur les prix des transports et des marchandises. Au marché Sandaga de Douala, les commerçants de vivres rassurent néanmoins que les prix sont restés identiques pendant la période de perturbation à la pompe. Ils croisent les doigts. « Les prix des denrées n’ont pas changé à ce jour. Peut-être ça viendra », a fait savoir Jean Mbianji, le président du marché Sandaga. A côté de la rareté du carburant qui a secoué les transporteurs ces dernières semaines, ces derniers se plaignent en outre du coût élevé des produits pétroliers (carburant et lubrifiant).

Jean Raymond Keumeni, est conducteur d’une ‘’Dina’’. « Je consomme 220 litres de gasoil en aller et retour. Le litre coûte 575 F CFA à la pompe. C’est très cher. Quand c’était à 500 F. Cfa, on s’en sortait encore », décrie le transporteur habitué sur l’axe Douala-Bafoussam. Il plaide pour un prix du litre revu à 550 F. Cfa. Les lubrifiants ne sont pas en reste.

Les transporteurs dénoncent la cherté de ces produits d’entretien. « Les lubrifiants sont très chers. Avant, je vidangeais mon véhicule avec 75 000 F. Cfa. Aujourd’hui, il faut entre 95 000 et 100 000 F. Cfa pour effectuer la vidange. Bocom essaie de maintenir les prix. Mais dans les autres stations-service ce n’est pas le cas. On nous a coupés la tête sur les lubrifiants », déplore un conducteur de camion ‘Dina’’. Il déplore le fait qu’en plus de se plier en quatre pour faire le plein des véhicules, les transporteurs doivent en outre allonger de la monnaie dans les multiples contrôles routiers et ponts bascules. « Je dépense 30 000 F CFA pour les routiers sur un tronçon de moins de 200 km. Bonabéri seul a deux contrôles routiers. Il y a trois contrôles routiers et quatre contrôles de police entre Santchou et Foumbot », se plaint Jean Raymond Keumeni. Ce camionneur qui soutient ne jamais effectuer la vidange avec du lubrifiant « vrac » explique que la cherté du carburant et des lubrifiants impactent sur ses revenus. Il est désormais très difficile à ce transporteur de faire les 100 000 F. Cfa de recettes journalières comme par le passé. Les transporteurs évoquent aussi comme incidence de cette tarification à la pompe, la difficile équation du renouvellement des pièces du véhicule et la difficulté à assurer les charges familiales.

Source: Le Jour n°3664 lundi 9 mai