Cameroon Tribune a donné la parole au préfet du Mfoundi, Emmanuel Djikdent. Ce dernier a essayé de lever les doutes sur le fondement de sa décision de chasser de Yaoundé toute les personnes qui souhaiteront publiquement le départ de Paul Biya du pouvoir. Interview !
M. le préfet, le 16 juillet dernier, vous avez signé un arrêté dans lequel vous mettez en garde contre certains comportements pouvant conduire à des troubles à l’ordre public. Qu’est-ce qui a motivé cette mesure ?
Le préfet est garant de l’ordre public dans le département et le maintien de l’ordre est d’abord et essentiellement une action préventive. L’idéal ici est qu’il vaut mieux prévenir les désordres que d’avoir à rétablir l’ordre. L’acte que nous avons pris va donc dans ce sens. On ne saurait admettre des appels aux soulèvements contre les institutions de la République et il est très indécent de tenir un type de propos à l’encontre de celui qui incarne lesdites institutions. Par pudeur, je ne voudrais pas parler d’insultes. Ce type de comportements perturbe la quiétude de plus d’une personne. Si vous suivez les sorties de certains invités sur les plateaux de télévision ou dans des studios de radio, vous aurez pitié et honte de ce que certains appellent liberté d’expression. Être libre de s’exprimer ne signifie pas qu’on appelle au soulèvement et à l’insurrection ou qu’on invective. Il fallait déjà faire cette mise-en-garde avant qu’il ne soit trop tard. Personne n’est touché jusqu’ici, mais celui qui se manifestera sur ce qui est prévu à l’article 1er se sera volontairement invité à l’interdiction de séjourner dans le Mfoundi.
Que répondez-vous à ceux qui réagissent à votre arrêté en estimant que cette menace d’interdiction de séjour dans le département est une entrave à la liberté d’aller et venir des citoyens ?
Le préfet ne saurait être un obstacle à l’exercice des libertés. Au contraire, il veille à ce que ces libertés s’exercent sans entraves. Pensez-vous que la liberté d’aller et venir puisse encore être effective quand il y a soulèvement contre les institutions ? Ou quand on ne respecte plus ces institutions ? Il s’agit de concilier ici ordre public et libertés publiques car, sans le premier, les secondes sont impossibles. Je prends toujours la figure de la bouteille et de l’eau qui y est. Si la bouteille se casse, l’eau se verse. Il faut donc préserver le récipient pour que son contenu ne se verse pas.
Vous mettez également en garde ceux qui, d’après vos termes, outragent « dangereusement les institutions et celui qui les incarne ». Est-il désormais interdit de formuler des critiques à l’endroit des autorités ?
Si les gens sont honnêtes, ils verraient que l’arrêté n’a jamais interdit la critique. Mais on doit m’expliquer s’il n’y a pas une différence entre critiquer et invectiver. On ne saurait contraindre tout le monde à penser de la même façon. Certains veulent simplement déplacer le sujet pourtant clair. Dois-je penser que ceux qui s’illustrent par des comportements dangereux souhaitent le désordre ? Aimeraient-ils léguer à leurs enfants comme héritage le mépris des institutions, le désordre et l’outrage des aînés ? Non, chacun fera son travail. Le mien est aussi de veiller à l’ordre public qui s’étend par ailleurs aux questions d’éthique et de morale.
Lors de la dernière conférence des gouverneurs, l’une des recommandations portait sur la prise de mesures adéquates pour s’assurer qu’un climat serein règne en prélude aux prochaines échéances électorales. Quelle est la situation dans le Mfoundi ?
Le département du Mfoundi se porte relativement bien. La hiérarchie nous a rappelé le devoir d'assurer la sécurité des personnes et de leurs biens tout en intensifiant le renseignement prévisionnel. C’est justement pour assurer le climat serein que certaines mesures sont prises, afin d’éviter des situations susceptibles de troubles graves. Le département du Mfoundi correspond à la capitale de notre beau pays. Capitale au sein de laquelle nous avons besoin de paix et de sécurité. Personne ne gagnerait durablement si le désordre s’installe, puisque ses répercussions ne vont épargner ses auteurs.
Les populations ici vaquent librement à leurs occupations en dépit de quelques difficultés qui ne sont que la caractéristique de la vie sur terre. Je réitère encore que personne n’est malvenue ici à Yaoundé. Mais seulement, on n’admettra jamais qu’au nom de la liberté d’expression, on s’attaque aux institutions ou qu’on appelle au soulèvement. J’invite les critiques à regarder la lune et non le doigt qui la montre. L’arrêté dit « Attention danger ! » Et on regarde plutôt l’arrêté au lieu du danger qui est pointé du doigt. Vous vous souvenez d’un arrêté où j’interdisais l’abandon des colis dans le cadre de la lutte contre les engins explosifs improvisés ? On l’a critiqué, mais aujourd’hui, on a la sécurité jusqu’à ce jour grâce à la vigilance des forces de maintien de l’ordre.