Le régime RDPC est celui de la conservation du pouvoir - Valsero

10276 General Valsero 001 Ns 600 Valsero, artiste camerounais

Mon, 18 Apr 2016 Source: 237online.com

L’auteur de l’album « politiquement instable » analyse les appels des artistes à la candidature de Paul Biya.

Les artistes ont commencé à lancer des appels pour une autre candidature du président Paul Biya lors de la prochaine élection présidentielle. Quelle lecture en faites-vous ?

Je crois qu’il est important de souligner que ce ne sont pas que les artistes qui ont fait des appels à la candidature. On obéit là, à un courant parce que cela a commencé par des élites, ensuite les régions, puis les groupes sociaux comme les artistes ont pris le relais.

Au lieu d’essayer de critiquer directement les artistes qui ont signé la motion d’appel à la candidature du président, je pense qu’il est important qu’on essaie de comprendre le contexte dans lequel les artistes travaillent. Il faut aussi savoir que si on ne définit pas l’environnement dans lequel on est, il y a de fortes chances que certaines personnes aient une interprétation biaisée des activités des gens. A un moment, je croyais qu’on était dans un régime de dictature, mais je me suis rendu compte que ce n’est pas cela.

Nous sommes dans un régime particulier qui est celui de la conservation du pouvoir. Il faut qu’on mette toutes les activités qui se passent au Cameroun dans ce contexte. Dans ce genre de régime, il y a un seul programme qui consiste à maintenir un homme au pouvoir. L’objectif de maintenir un homme au pouvoir ne va pas en droite ligne avec le développement.

La conséquence directe d’un tel système conduit à la destruction, au sous-développement et à l’improductivité. Pour le cas des artistes comme nous sommes dans un régime de conservation de pouvoir, on ne peut pas libérer la créativité. Sinon on trouve le moyen d’orienter cette créativité. C’est à dessein que la structuration culturelle du Cameroun est horrible.

Elle obéit à un mécanisme de conservation du pouvoir dans lequel les artistes sont muselés en leur démontrant que s’ils chantent dans la logique de la conservation du pouvoir alors, ils peuvent se faire de l’argent. Raison pour laquelle les politiques sont en même temps les producteurs. Si vous avez dix chansons qui sortent au cours de l’année, vous verrez qu’il y a neuf chansons dans lesquelles on cite les personnalités comme Paul Biya, Laurent Esso, Chantal Biya Etc…

Peut-on dire que ces artistes sont sincères dans leur démarche ?

Je crois sincèrement que le mécanisme d’approche peut permettre qu’on doute de leur sincérité parce que lorsque vous faites une analyse de la musique ou de l’art en général au Cameroun vous vous rendez compte qu’on n’a pas des salles de concert, des salles de cinéma, ni une vraie société des droits d’auteur.

Bref l’artiste n’a aucun statut. Il n y a rien à mon avis qui peut pousser un artiste à signer une motion de soutien. Cela veut dire que si on suit la logique des choses, les artistes seraient contre une nouvelle candidature de Paul Biya, parce que s’il y a un secteur qui se porte très mal dans notre pays, c’est le secteur de la culture. Cet indicateur peut nous faire douter de la sincérité de ces artistes.

Vous vous êtes lancés il y a quelques années dans un engagement politique qui a abouti à l’album « politiquement instable ». Où en êtes-vous dans ce combat ?

Aujourd’hui, l’accent est beaucoup plus mis sur un mode de vie de la promotion citoyenne. C'est à-dire au-delà d’être artiste, je suis d’abord un homme engagé. Mais j’ai la chance d’avoir pour métier l’art, alors j’utilise cet art pour faire de la musique engagée. Il m’arrive d’aller d’un secteur à un autre de la société parfois je suis obligé de chanter. On est allé un peu plus loin en créant une organisation qui s’appelle « Jeunes et foi ».

Cette organisation a pour but d’aller vers les jeunes pour les pousser à se mettre eux-mêmes au cœur de leur propre développement. Je l’ai dit dans une chanson que si ce pays tue les jeunes, c’est aux jeunes de sauver le pays. Après l’album politiquement instable, le single Répond, l’album autopsie et l’appel du peuple sortis entre 2008 et 2012 on se rend finalement compte que la situation au Cameroun est toujours en train de se dégrader.

Est-ce pour cela que vous venez de rendre un hommage à Monique Koumtekel, décédée récemment à l’hôpital Laquintinie ?

Cette situation m’a beaucoup interpellé en tant qu’être humain. Les Camerounais n’ont plus de cœur, ils questionnent leur émotion. Avant le limogeage du patron de Lanquintinie, avant qu’on ne demande la démission du ministre de la Santé publique il faut quand même se rendre compte que les Camerounais ont fait preuve de très peu d’humanisme dans le traitement de cette affaire.

Nous n’avons plus de respect pour nous-mêmes, comment voulez-vous que ceux qui nous dirigent nous respectent. Si on peut transporter une dame dans la malle arrière d’un taxi, si on peut se coucher à même le sol à l’entrée d’une maternité ou encore si une femme peut avoir le courage d’ouvrir le ventre d’un être humain dans de telles conditions nous devons nous interroger. J’ai dit dans cette chanson : « nous sommes tous coupables ».

Source: 237online.com