Le rôle de la France dans la guerre contre l'UPC

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Fri, 14 Oct 2016 Source: france24.com

Dans les années 1950 et 60 l'armée française a combattu au Cameroun les membres de l'UPC, un parti d'opposition. Une guerre qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts selon les historiens. France 24 a interviewé un témoin capital.

C'est une période méconnue des relations entre la France et l'Afrique. Dans les années 1950 et 60 l'armée française a combattu au Cameroun les membres du parti Union des populations du Cameroun (UPC), qu'elle qualifiait de rebelles. Une guerre qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, selon les historiens.

Au cours d'une enquête en France et au Cameroun, France 24 a obtenu le récit d'un témoin capital. Celui de Max Bardet, ancien soldat français, envoyé au Cameroun entre 1962 et 1964.

L'ancien militaire, qui vit aujourd'hui dans un petit village du sud de la France, était pilote d'hélicoptère. Il a assisté à plusieurs massacres commis par le régime camerounais, un régime fortement soutenu, armé et financé par la France.

"L'armée camerounaise ciblait les villages supposément acquis à l'UPC, un parti qui s'opposait au président Ahmadou Ahidjo. Pour l'UPC, l'indépendance en 1960 était factice et Ahidjo était aux ordres de la France", raconte Max Bardet, qui évoque pour la première fois face caméra les atrocités qu'il a vues.

"Ils devaient achever les hommes. Mais les femmes, non, ils les laissaient mourir comme ça : elles avaient pris de la kalach et en plus, ils leur coupaient les seins et ils les éventraient", révèle-t-il.

Max Bardet était alors accompagné d'un officier de l'armée française. "Ce dont voulait s'assurer cet officier qui était avec moi, c'était qu'il n'y ait surtout pas de gens qui puissent raconter cela et qu'on puisse impliquer la France dans ces affaires là", se souvient-il. L'ancien soldat dit comprendre la colère de nombreux camerounais : "Si j'étais à leur place, j'en voudrais aux Français".

Ce sont les auteurs du livre intitulé "La guerre du Cameroun, l'invention de la Françafrique (1948-1971)" (Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsits, éditions La Découverte), paru récemment, qui ont retrouvé la trace de ce témoin capital.

"Les Français ont continué de façon très discrète, en pilotant les opérations plus qu'en étant massivement sur le terrain, à réprimer, non seulement le mouvement nationaliste représenté par l'UPC, mais également les populations suspectées de soutenir ces mouvements qui étaient qualifiés de subversifs. En France, personne n'était au courant que ces opérations militaires étaient en cours", explique Thomas Deltombe, co-auteur de l'ouvrage.

Les révélations de ce livre, qui fait suite à un premier ouvrage, "Kamerun", pourraient avoir des conséquences juridiques et financières pour l'État français.

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