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Les 8 milliards volés : ce qui s’est passé chez le fils de Chantal Biya

Chantal Biya

Mon, 11 Apr 2022 Source: La Nouvelle Nº 641

« 8 milliards de Fcfa emportés chez le fils aîné de Chan- tal Biya » ? Dans le Cameroun d’aujourd’hui, la stigmatisation submerge les imaginaires déjà façonnés par le manichéisme politique et communautaire, la haine tribale, les féroces querelles des réseaux rivaux autour du pouvoir et la société du spectacle. Mais ici, dans cette rocambolesque histoire du vol de 8 milliards de Fcfa, la mise en scène est pratiquement improbable. Il y a juste de quoi satisfaire les vivats d’une meute avide de sang et actuellement dopée par une inextinguible soif du sensationnel. Rien, absolument rien à se mettre sous la dent. Voici pourquoi.

Inutile de s’arracher les cheveux. Car la supercherie com-mode a tout simplement consisté à présenter, dans un second temps, le background bien gardé du fils aîné de Chantal Biya, après avoir clamé sur les toits l’indicible et l’inacceptable. A savoir qu’une somme de 8 mil- liards de Fcfa vient d’être volée, au domicile de ce fils de la Première Dame, né avant son mariage avec le président Paul Biya. Il y a déjà de quoi combler les amateurs d’histoires rocambolesques sous le Renouveau. Ainsi, tout le long de la semaine dernière, c’est chacun qui y est profusément allé de son fiel pour distiller son degré d’acrimonie contre le régime au pouvoir et la fa- mille présidentielle. Sur les réseaux sociaux, beaucoup ont même cru avoir dans leurs boîtes une bombe à fragmentations. Comme si, en la faisant éclater, les flammes qui vont, pour sûr, être levées, embraseraient et lécheraient même jusqu’au 3ème étage du palais de l’Unité à Etoudi où, sur la table du président de la République, végètent les dossiers sur la gestion du Covid-19, sur les fonds de la Can 2019, sur ceux alloués à la réalisation du marché spécial de la sécurisation du port de Douala-Bonabéri et sur la gestion tant décriée de la ligne 94 du Minepat. Comme pour être réfrac- taire aux détournements de fonds publics et à l’enrichissement illicite, tous les commentateurs très diserts sur le sujet s’emploient ainsi à prendre le président Paul Biya au mot. Tout ceci, sans que la plupart d’entre eux aient suffisamment pris du recul pour se demander pourquoi, après l’autre histoire rocambolesque fabriquée de toutes pièces sur la résidence de Ferdinand Ngoh Ngoh à Nyom, la salve actuelle est dirigée contre ce fils aîné de Chantal Biya. Au contraire, tout le long de la semaine dernière, les commentateurs prolixes ne se sont pas lassés de se repasser le tuyau, un peu comme s’ils évoquaient un sujet tabou.

« FAX ETOUDIEN »

D’ailleurs, quelques jours avant, c’est un obscur quotidien numérique dé- nommé « Fax Etoudien», pas très connu dans le paysage médiatique, qui tenait l’opinion en haleine. « Hyperclosion intestinale au Cabinet civil de la présidence : Mvondo Ayolo un criminel en végétation », titrait-il sans sourciller, avant de dérouler une litanie d’affabulations sans tête ni queue. « Mvondo Ayolo alias « La girafe » au seuil de la démission. Le prélat de Messok Ayolo Samuel des malfaisants s’est très vite reconverti en vendeur des véhicules d’occasions sous le conseil du glegas député Mathurin Ondoua depuis que la ligne 94 du Minepat et 65 du Minfi sont retirées et suivi (sic) personnellement par le chef de l’Etat (…) Les prédateurs ont perdus (sic) le sommeil. Notamment Mvondo Samuel Ayolo, Louis Paul Motaze, Jean Pierre Amougou Belinga, Armand Abanda, Sylvain Mvondo, Atanga Nji, Talba Malla, René Emmanuel Sadi, Fame Ndongo, Nganou Djoumessi, Alamine Ousmane Mey, Ngalle Bibehe (…) ». Comme si cela ne suffisait pas, en fin de semaine dernière, c’est Laurent Esso, ministre d’Etat en charge de la Justice et Samuel Mvondo Ayolo, ministre, directeur du Cabinet civil qui étaient mangés dans cette sauce de la désinformation. « Opération Epervier : Laurent Esso et Mvondo Ayolo risquent l’enfer », pouvait-on lire dans un texte devenu viral sur les réseaux sociaux.

Il ne serait pas surprenant que, dans les tout prochains jours, d’autres proches collaborateurs ne passent à la moulinette. A l’instar du contre-amiral Joseph Fouda conseiller spécial du président ; de Christophe Foe Ndi, l’intendant du palais de l’Unité, des résidences et pavillons présidentielles ; de Cléopasse Mengolo Medoulou, intendant adjoint du palais en charge des résidences présidentielles ou de Patrice Ondobo Ngah, intendant adjoint chargé des affaires tech- niques. Pour de nombreux analystes, tout cela préfigure indubitablement de la débauche d’énergie et d’argent qui se déploie depuis quelque temps dans les coulisses de l’ap- pareil d’Etat et dans les officines sécrètes de marabouts où ce serait la course contre la montre pour mettre le président Paul Biya dans la bouteille… Comme si c’est cette seule obstination qui constitue davantage, ces dernières semaines, l’unique boussole de ces entrepreneurs du chaos. « … Pourvu que le sang jaillisse », comme l’aurait conclu Aragon.

HoMME D’AFFAIRES SÉRIEUX

Et comme ces semeurs de haine partagent avec certains confrères, l’exubérance verbale, le goût de la provocation et sur- tout cette âme de l’esbroufe et de show man qui font toujours malheureusement virer leurs désolants spectacles en cirque, cette fois-ci encore, rien n’aura échappé aux serres de leur imagination déshumanisée pour s’offrir le scalp du président Paul Biya. Car, c’est de ça qu’il s’agit en s’attaquant au fils aîné de Chantal Biya. « 8 milliards de Fcfa ont été volés dans sa résidence de Yaoundé situé entre le quartier Bastos et Dra- gage ». Avec ça, il n’y a pas mieux pour provoquer des poussées d’urticaire dans l’opinion, dans un amalgame parfaitement scandaleux qui trahit à profusion l’esprit bassement pervers des manœuvriers et des donneurs d’ordre de l’ombre.

Seulement, après les légitimes haut-le-cœur que peut naturellement inspirer aux gosiers les plus délicats une telle information, la vraie et brute se décline en très peu de mots, comme cette rose qui ne vit que le temps d’un matin. A savoir que Franck Hertz, Pdg de Hlogistics (Hlog), une entreprise spécialisée dans le transport de matériel de travaux publics, a eu à déplorer comme tout chef d’entreprise ordinaire, la disparition d’une somme de 400 000 Fcfa. Il ne se fait guère d’illusion. Ce diplômé de l’école parisienne de management Isc est bel et bien le fils aîné de Chantal Biya. Il est aussi un homme d’affaires sérieux qui gagne régulièrement ses marchés et les exécute sans anicroche. Commentaire d’un analyste qui connait bien les arcanes des marchés publics au Cameroun : « Comment peut-on voler 8 milliards dans un domicile censé être gardé par la Garde présidentielle ? Car 8 milliards, ça suppose que les voleurs avaient au moins 10 camions. Alors, com- ment seraient-ils passés inaperçus ? »

Source: La Nouvelle Nº 641