Les Artistes Bikutsi : Héritières d'un "féminisme traditionnelle"

Festi Bikutsi Celebration Image illustrative

Wed, 28 Dec 2022 Source: www.camerounweb.com

Les artistes bikutsi femmes sont connues pour leurs tenues provocantes, dévoilant des formes généreuses, et leurs paroles pleines de sous-entendus sexuels ou carrément explicites.

K-Tino Officiel fait office de figure de proue dans le domaine. Lady ponce , Coco Argentée et bien d'autres ont pris la relève depuis. Et une nouvelle génération est déjà toute prête pour recevoir le relais.

Les "profanes" des racines du bikutsi auront tôt fait de les cataloguer de femmes de petite vertu corrompant la jeunesse avec des paroles et un style vestimentaire "déviant". Ils n'auront peut-être pas tort de penser ainsi. Mais ils n'auront pas entièrement raison non plus : car le bikutsi tel que pratiqué par ces femmes est un héritage du combat "féministe" de leurs aïeules.

Pour comprendre cela, il faut se replonger dans la structuration de la société Beti en ces temps anciens. Nous sommes dans une société fortement patriarcale où la femme a juste pour fonction première la procréation. Pour caricaturer, c'est une machine à faire des bébés pour l'expansion du clan. Et ses droits sont biens minces, tandis que ses devoirs font une longue litanie.

Heureusement à cette époque les femmes disposent d'une confrérie au sein de laquelle elles peuvent se défouler et desserrer l'étreinte autoritaire des hommes : le MEVUNGU.

C'est le plus grand rite d'initiation féminin en ces temps là. Les adeptes du Mevungu formaient une société secrète de femmes, dont le pouvoir était si grand dans le "dzal" que le chef de famille faisait souvent appel à ses activités pour attirer la réussite de ses entreprises. Son but était de favoriser la prospérité d'où qu'elle vienne et de combattre toute force qui voudrait y faire obstacle.

Mais ce que peu de gens savent c'est le MEVUNGU était également un moyen "de protection contre la tyrannie des hommes"

D'abord, le terme "Mevungu" vient de "vun" qui lui renvoie : mugir, hennir, grogner comme un lion, cochon et autre bêtes fortes manifestant ainsi un fort instinct sexuel, une grande faim sexuelle d'une bête en chaleur.

Donc le Mevungu est également une manifestation de la fécondité couplé à l'énumération des sujets de plaintes contre le mari ou le "nda bot" entier. C'était aussi le seul moment où elles pouvaient se moquer ouvertement et sans crainte des petites manies de leurs époux et de leurs attributs sexuels, tout en chantant et en dansant. Et dans ces danses, on aussi mimait le coït pour renforcer le pouvoir fécondateur des femmes. Pendant les cérémonies du Mevungu les femmes reprenait le contrôle de leurs corps et celles qui avaient un pouvoir fécondateur exhibaient leurs organes reproducteurs à leurs sœurs en quête de fécondité.

Pas que le Mevungu fut juste ça (nous reviendrons prochainement en détail le déroulement de ce rite), mais ce combat d'affirmation de la femme dans la société par une libération du "corps" et de la "langue" faisait également partie intégrante du Mevungu.

C'est de ce lointain passé que certaines artistes bikutsi femmes sont aujourd'hui les héritières. Et à bien y regarder, même s'il y'a beaucoup d'évolution dans la condition féminine dans la société actuelle, les droits de la femme ne sont pas encore la chose la mieux partagée.

Alors les femmes du bikutsi ont encore beaucoup de choses à dire dans leur langage bien "fleuri".

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