Le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), entend participer aux primaires à l’issue desquels, le candidat du parti pour la présidentielle de 2018 sera désigné.
Voilà 05 ans que le MRC existe sur l’échiquier politique camerounais. Quel regard vous portez aujourd’hui sur votre parti ?
Je mesure le chemin parcouru. Des moments de turbulence, il n’en a pas manqué ; je dirais même des moments d’épreuves mais également d’importants motifs de satisfaction. Je crois que je ne vous apprends rien en rappelant brièvement les conditions dans lesquelles le MRC est né dès le 13 août 2012. La convention de lancement du parti s’est déroulée de manière exceptionnelle. A quelques jours de la convention, on nous a dit que le sous-préfet avait interdit la réunion publique. Nous avons quand même pu tenir notre convention au siège du parti. Chaque fois que nous avons essayé de programmer une réunion, elle avait été interdite. Le plus dur a été le meeting que nous avons prévu à Bertoua en 2016. Je ne vous parle pas du meeting de Bafoussam.
Sur la scène politique depuis 05 ans, le MRC s’est imposé et a même bousculé les traditions en imposant des élus. Quelle lecture faites-vous de la démocratie au Cameroun depuis l’arrivée du parti ?
Depuis l’arrivée du MRC sur la scène politique, nous avons fait comprendre aux uns et aux autres que nous ne créons pas un comptoir de négociations, mais que nous créions un parti politique pour s’occuper des problèmes des Camerounais et du Cameroun mais également, pour faire une vraie offre politique aux Camerounais en les respectant, en leur disant que « Vous êtes capables de choisir, de comprendre ce que nous disons, faites votre choix ».
Et c’est ça une des caractéristiques particulières du MRC. Vous avez vu que nous nous exprimons sur les sujets d’intérêt national. Nous prenons position, y compris par écrit, par des textes qui sont quand même réfléchis, parce que nous aspirons sérieusement aux responsabilités dans ce pays. Cela je crois, a marqué les Camerounais.
L’un de vos combats est de doter le Cameroun d’un code électoral qui fasse honneur à la démocratie. Cependant, on a l’impression que vous avez abandonné ce combat là …
On ne saurait abandonner le combat parce que c’est le cœur de la démocratie. Si non, comment pouvez-vous espérer avoir une démocratie acceptable ?
Si nous nous calfeutrons dans notre bureau à revendiquer la reforme consensuelle face à des gens qui font la sourde oreille, ça ne donnera rien. Tout en faisant du code électoral notre cheval de bataille, nous n’en démordrons pas. Il n’est pas normal qu’avant d’aller aux élections, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, Ndlr), ait déjà entre 30 et 40 députés du fait d’absence d’adversaires dans certaines circonscriptions. Et nous allons laisser ça continuer pour après nous plaindre ? C’est difficile parce qu’il y a un désenchantement vis-à-vis de la politique depuis 1992.
2018, c’est une année électorale très importante avec quatre élections programmées et le code électoral est le même. Qu’est-ce que le MRC envisage pour que cela change ?
Avant les élections prochaines, le calendrier veut si je mets de côté les élections sénatoriales, que nous ayons des élections municipales et législatives en septembre 2018 et la présidentielle en octobre. Mais d’ici à là, nous avons 3 sessions parlementaires. Si le gouvernement veut reformer le code électoral, il a le temps de le faire.
Par exemple, la loi actuelle dit que les procès-verbaux remis aux représentants des différents partis politiques dans les bureaux de vote ne valent rien, et que seuls les procès-verbaux d’Elecam font foi. A quoi servirait un procès-verbal qui ne fait pas foi ? Autre chose. Nous n’avons pas la vraie biométrie au Cameroun, c’est de la poudre aux yeux. Faisons le bulletin unique ça ne coûte rien. Nous demandons également une élection à deux tours. Est-ce que c’est compliqué ? J’ai voulu citer les reformes qui n’entraînent aucune modification du dispositif qui est en place.
Combien de militants compte le MRC aujourd’hui ?
Nous ne donnons pas de chiffres de militants parce que je crois qu’à l’heure où je vous parle, nous ne pouvons pas faire le point. C’est parce que nous avons des militants qui n’ont pas pris leurs cartes, mais qui sont nos militants indiscutablement. Si vous comptez par les cartes, vous allez par exemple avoir un chiffre différent de ceux qui sont dans les unités. Mais en terme d’implantation sur l’ensemble du territoire, et ça, vous pouvez le vérifier sur le terrain, nous sommes présents.
Au chapitre des scandales, il y a eu l’Affaire « Brain Trust » …
Il s’agit qu’à un moment donné, le ministre de la Justice (Minjustice), veuille élaborer un certain nombre de codes dont deux. Le code civil et le code de procédure civile puis, la refonte du code pénal. Plusieurs cabinets dont celui en question ont soumissionné à l’appel d’offre. Quand on attribue le marché, je ne suis même pas au Cameroun.
Les gens viennent simplement dire : « Vous avez pris 14 milliards ». C’est tellement ridicule car à l’époque, tout le budget du ministère était de 12 milliards. Le marché final était de 74 millions sans taxes et pour trois codes et non un. Depuis le 08 décembre 2004, date de mon entrée au gouvernement à ce jour, je n’ai plus jamais remis les pieds à Brain Trust. Brain Trust a son gérant.
L’article 23 dit que le président du parti est le candidat « naturel » à l’élection présidentielle. Est-ce que ce n’est pas une entorse à la démocratie ?
D’abord, je n’ai pas rédigé de statuts. Les rédacteurs sont là. C’était une équipe de plusieurs partis politiques qui voulaient faire la fusion. Quand je l’ai constaté, j’ai dit et je le redis à Mutations, qu’à la convention du parti qui va se tenir à la fin de l’année, je serais candidat. Il n’y a pas de candidat naturel. Chaque militant du MRC qui veut être candidat à la candidature, ou qui veut être candidat pour être président du parti prépare sa liste, puisque c’est une élection de liste.
Donc, je ne fais pas d’entorse à la démocratie. Nous allons faire le toilettage des textes parce que nous constatons qu’il y a des lourdeurs. Sauf imprévu, nous voulons tenir notre convention avant la fin de cette année et je serais candidat. Je vais remettre mon mandat en jeu. C’est là-bas que le candidat du parti sera investi. Si d’aventure ce n’est pas moi, je soutiendrai le candidat élu.
Le MRC traine l’image d’un parti tribaliste …
Ce sont des informations fabriquées par des officines. Prenons la direction nationale du MRC. Il y a un président et 5 vice-présidents. Je suis le seul originaire de la région de l’Ouest. Le premier vice-président est de l’Extrême-Nord, le deuxième est du Centre, le troisième du Littoral, le quatrième est du Sud-Ouest et la cinquième est du Nord. Le secrétaire général est du Nord-Ouest et on dit que c’est un parti régionaliste. La présidente des jeunes est du Littoral.
Les responsables de l’académie de la renaissance, ce sont des jeunes dont un est du Centre et l’autre du Nord- Ouest. Concernant mes conseillers spéciaux, l’un est du Centre et l’autre, du Nord. Mon conseiller en communication est du Centre. Vous allez dans les régions, vous verrez que ce sont les gens de la région qui dirige le parti. Vous voulez que je fasse quoi ?
La crise anglophone ne semble pas s’être apaisée avec des appels aux « Villes mortes » qui sont respectés même pendant la rentrée scolaire 2017. Quelle est votre position sur cette actualité ?
J’appelle le chef de l’Etat à poser un regard différent sur la crise anglophone.
Que le gouvernement de la République forme et envoie dans ces deux régions, une délégation politique composée des leaders religieux, des autorités traditionnelles de différentes régions du pays, des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, des délégations politiques porteuses d’un message de paix.
Mais, ceci ne peut pas suffire si le président n’accompagne pas cet acte politique d’une mesure de désescalade et d’apaisement qui est la remise en liberté des leaders anglophones arrêtés dans le cadre de cette crise (interview réalisée avant la libération desdits leaders, Ndlr).
Le deuxième volet de ma proposition, c’est qu’après cela, le président de la République puisse créer un cadre de dialogue avec nos frères anglophones pour évacuer et solutionner une fois pour toute ce problème. Evidemment, on ne peut être d’accord pour la sécession. Ce n’est pas une option. Ce n’est même pas envisageable. Le durcissement actuel vient de la mauvaise gestion de la crise par le président de la République qui a poussé les modérés dans les bras des extrémistes.