L’analyste stratégique et acteur de la société civile, Ahmadou Abdoul-Kadir, a publié un texte sur les réseaux sociaux. Dans celui-ci, il évoque un problème épineux. La rédaction de CamerounWeb propose aux lecteurs de le découvrir.
Des millions de Camerounais vivent et brillent à l’étranger. Ils soignent dans les hôpitaux parisiens, enseignent dans les universités américaines, entreprennent dans les quartiers de Londres, innovent dans les laboratoires allemands, créent dans les studios de Johannesburg. Ce sont des figures de réussite. Des élites respectées. Des voix qui comptent.
Et pourtant, lorsqu’il s’agit de leur propre pays, ils deviennent invisibles. On les applaudit à Harvard, mais on les soupçonne à Yaoundé. On les félicite à Davos, mais on les ignore à l’Assemblée nationale. Ils incarnent un Cameroun fort à l’étranger, mais fragile dans ses institutions. Il est temps de briser ce paradoxe.
La diaspora camerounaise, estimée à près de 7 millions de personnes, est l’un des plus grands atouts stratégiques de la nation. Pourtant, elle ne contribue qu’à 1,1 % du PIB, loin derrière les diasporas sénégalaise ou éthiopienne qui sont à plus de 10%. Non pas par manque de volonté, mais par absence d’une politique nationale ambitieuse, structurée et inclusive.
Face à ce constat, je propose une Stratégie nationale pour une diaspora camerounaise dynamique et engagée (SNDC), articulée autour de trois piliers majeurs : la reconnaissance, la puissance économique et le retour des compétences.
Reconnaître, enfin. Il est temps que la République assume pleinement la double nationalité. Que la diaspora ne soit plus regardée comme une entité marginale, des opposants politiques, mais comme un corps citoyen à part entière.
Des sièges réservés à l’Assemblée nationale doivent être instaurés. Une Journée nationale de la diaspora camerounaise doit être créée et célébrée, chaque 30 septembre. Des maisons de la diaspora doivent être implantées dans les grandes capitales du monde pour offrir accueil, services, orientation, fierté.
Libérer la puissance économique. Le potentiel d’investissement de la diaspora est énorme. Encore faut-il le canaliser dans un cadre sécurisé, incitatif et transparent.
Un Fonds souverain de la diaspora, doté de 500 milliards de FCFA, peut être un levier de transformation. Une Banque des investisseurs expatriés (Bank d'Investissement de la Diaspora-BID), avec des conditions de financement préférentielles, faciliterait l’acte d’entreprendre. L’octroi d’un hectare de terre sécurisé pour tout projet dépassant 100 millions de FCFA enverrait un signal fort de confiance et d’engagement mutuel.
Ramener les cerveaux. Offrir des ailes aux ailes. Nous ne pouvons plus tolérer que nos talents soient contraints de choisir entre servir leur pays et subvenir aux besoins de leur famille. Il faut leur donner les moyens de revenir, d’investir, de transmettre.
Le programme Retour des cerveaux 2.0 prévoit des salaires compétitifs, des infrastructures dédiées (villages technologiques), et un Pass Talent 237 pour faciliter les démarches administratives en 72h. Le 15 novembre 2025, je propose le lancement de l’Opération MBOKA – Mouvement des Bâtisseurs Outre-Kameroun Associés. Une initiative concrète : chaque mois, 1 000 membres de la diaspora recevront un accompagnement spécial, avec visa de long séjour, garanties d’investissement, partenariats publics et commandes officielles. Une nouvelle page s’ouvre.
Ce que je défends ici, ce n’est pas un programme politique. C’est un sursaut collectif. Un acte de justice nationale. Une stratégie de réconciliation entre le Cameroun et ses enfants du monde. La diaspora n’a plus besoin qu’on l’invite. Elle doit s’imposer. Par sa compétence. Par sa puissance. Par sa dignité. Le Cameroun du futur ne se construira pas sans sa diaspora. Il se construira avec elle — ou ne se construira pas.