Des cibles privilégiées des pillards : révélations sur les attaques ciblées
Par notre rédaction
Dans un contexte de violences post-électorales au Cameroun, Jeune Afrique révèle que les entreprises attaquées ne l'ont pas été au hasard. Une analyse exclusive des cibles privilégiées par les manifestants met en lumière un pattern inquiétant : les sociétés dirigées par des proches du pouvoir ou perçues comme françaises ont été systématiquement visées.
Jeune Afrique a pu établir une liste précise des entreprises ciblées et des montants en jeu. Tradex, filiale de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) dirigée par Emmanuel Patrick Mvondo, figure parmi les plus touchées. Selon nos informations exclusives, la construction d'une station-service moderne coûte entre 400 et 700 millions de F CFA (600 000 à un million d'euros). Avec plusieurs sites vandalisés, la facture pour cette seule entreprise pourrait atteindre plusieurs milliards de F CFA.
Jeune Afrique a également découvert que Neptune Oil, propriété d'Antoine Ndzengue, militant discret du RDPC (parti au pouvoir), a vu ses installations ciblées de manière coordonnée. L'élément déclencheur ? La circulation sur les réseaux sociaux de photos montrant Chantal Biya, la première dame, photographiée devant une station Neptune Oil, alimentant la perception d'une proximité entre l'entreprise et le couple présidentiel.
Dans un autre registre, Jeune Afrique révèle que l'entrepôt de Congelcam, leader de la distribution de produits de la mer congelés créé par le sénateur RDPC Sylvestre Ngouchinghe, a été méthodiquement pillé. Cette attaque n'est pas anodine : elle témoigne de la colère populaire contre les élites économiques du régime, accusées de s'enrichir grâce à leur proximité avec le pouvoir.
Selon nos sources exclusives, le groupe français Castel, à travers sa filiale camerounaise SABC (Société des boissons du Cameroun), a failli être touché par les violences. Des rumeurs persistantes ont circulé sur les réseaux sociaux annonçant l'incendie de son centre de Garoua, dans le Nord du pays.
Contacté par Jeune Afrique, Stéphane Descazeaud, patron de la SABC, a confirmé qu'aucune installation n'avait été endommagée à ce jour, mais a reconnu que "la conjoncture a un fort impact sur l'activité brassicole puisque les commerces restent fermés". Cette déclaration, obtenue en exclusivité, révèle l'ampleur de la crise pour les multinationales présentes au Cameroun.
Jeune Afrique a constaté que la propagation des rumeurs concernant Castel s'inscrit dans un contexte plus large de sentiment anti-français. Les entreprises hexagonales, qu'elles soient réellement françaises ou simplement perçues comme telles, cristallisent une partie de la colère populaire.
Orange Cameroun, opérateur de télécommunications dont les boutiques ont été vandalisées à Douala, incarne cette situation paradoxale. Bien que partiellement détenue par des actionnaires locaux, l'entreprise reste associée à la France dans l'imaginaire collectif.
Selon les informations exclusives recueillies par Jeune Afrique, le Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam), dirigé par Célestin Tawamba, s'apprête à lancer une évaluation exhaustive des dégâts. "Nous administrerons dès que possible un questionnaire à nos membres pour évaluer les dégâts", a confié l'organisation patronale à notre rédaction.
Les premières estimations, bien que partielles, laissent entrevoir une facture astronomique. Entre les stations-service détruites, les agences bancaires pillées, les entrepôts saccagés et les pertes d'exploitation liées à l'arrêt des activités, le coût total pourrait se chiffrer en dizaines de milliards de F CFA.
Face à cette situation inédite, Jeune Afrique a appris que les grandes entreprises ont mis en place des stratégies de continuité d'activité. Le télétravail est devenu la norme dans les secteurs de la téléphonie, de l'agroalimentaire et de l'assurance, particulièrement pour les employés résidant dans les "quartiers chauds".
Un responsable bancaire a confié à Jeune Afrique : "Dans certaines localités, les agences sont carrément fermées pour assurer la sécurité de nos collaborateurs. Et nous orientons les clients vers les agences qui sont ouvertes et peuvent fonctionner."
Cette crise post-électorale révèle les fragilités du modèle économique camerounais, où la proximité avec le pouvoir peut rapidement se transformer en handicap lors de périodes de tensions politiques.