A l’aube de la fuite des documents confidentiels sur les réseaux sociaux, un spécialiste du langage binaire et des codes nous faisait part d’un fait étonnant. L’on a en effet longuement débattu de l’identité des auteurs des fuites en question. Celui-ci nous expliquait alors qu’à chaque fois que nous publions, partageons ou même supprimons un document, cette action laisse des traces indélébiles. Et pour peu que chacun fasse son travail, il est en réalité très aisé de remonter jusqu’à l’émetteur principal d’un message. Les auteurs des divulgations, objet de la circulaire du Premier ministre, peuvent donc facilement être retrouvés, grâce à leur signature électronique.
Le fait est que le gouvernement – de façon désordonnée ceci dit – a tout d’abord privilégié la sensibilisation. L’erreur fut malheureusement d’abandonner la gestion d’internet au seul ministère des Postes et des Télécommunications (Minpostel) et aux organes placés sous sa tutelle comme l’Agence nationale des technologies de l’information et de la communication (Antic). Depuis son entrée au gouvernement en octobre 2015, la ministre Minette Libom Li Likeng a vite compris le danger que pouvaient représenter les réseaux sociaux. Sensibilisation par voie de SMS, menaces, concertations, etc. ont été mis à contribution pour limiter les dégâts. Résultat mitigé.
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En novembre 2016, le désamour ou alors la crainte vis-à-vis de cette pieuvre géante que sont les réseaux sociaux s’empare aussi du Parlement. S’exprimant pour la première fois officiellement à ce sujet, le président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yéguié Djibril, estimait qu’« il est temps d’organiser la traque, de débusquer et de mettre hors d’état de nuire ces félons du cyberespace ». Plus tard, en octobre 2017 et en réaction à la montée des revendications sécessionnistes – sur Facebook et Twitter notamment – Laurent Esso, le ministre de la Justice garde des sceaux, entrait en scène à son tour. Celui-ci instruisait une « lutte contre l’impunité des actes criminels commis au travers des réseaux sociaux au Cameroun». Il promettait aussi d’engager des poursuites judiciaires contre les propagateurs de fausses-nouvelles. Vint enfin l’appel à la responsabilité lancé par le président Paul Biya. Dans son discours à la jeunesse le 10 février dernier, le chef de l’Etat rappelait que nul n’est dispensé de ses obligations civiques lorsqu’il surfe sur internet.
Le mise-en-garde de Philemon Yang n’est donc en réalité qu’un unième avertissement, face à un problème plus profond. Lors du conseil de cabinet du 29 mars dernier, le chef du gouvernement a interpellé (une fois de plus) la Minpostel sur la délinquance cybernétique qui s’amplifie.
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Minette Libom Li Likeng a répondu qu’il sera mis sur pied un système de monitoring des communications électroniques, en particulier les conversations sur les réseaux sociaux. Idée intéressante. Sauf qu’il s’agit là est d’une gigantesque entreprise qui nécessite beaucoup de ressources, à la fois techniques et financières. Le monstre des réseaux sociaux n’est pas insaisissable, certes. Mais il faut se donner les moyens de le dompter.