Fridolin Nke, Gaston Ndock Ndock et Damaris Mandob épouse Enyegue ont été, tous les trois, radiés de la mère des universités d'État du Cameroun et étaient attendus mardi, 22 août, à la première région de gendarmerie. Ils ont été convoqués le 18 août 2023 par le chef service des recherches judiciaires et de la lutte contre le grand banditisme de la première région de gendarmerie, le lieutenant-colonel Guy Hervé Mvogo Abanda.
Ces trois enseignants licenciés de l'Université de Yaoundé 1 le 11 août 2023 étaient attendus entre 11 et 12h. C'est suite à une plainte déposée par le Recteur de l'Université de Yaoundé 1, Pr Maurice Aurélien Sosso, pour « diffamation de nom, déclaration mensongère ». Jusqu'ici, toutes nos tentatives pour joindre Fridolin Nke, enseignant de Philosophie radié, par téléphone sont restées vaines. Mais il a fait un direct, hier en matinée, pour informer l'opinion publique nationale et internationale qu'il va, seul, déférer à la convocation de la région de gendarmerie.
« J'ai décidé de me présenter à la gendarmerie. C'est une décision qui engage le groupe. Je vais leur donner des éléments pour arrêter Maurice Aurélien Sosso. Il va comprendre que l'université ne lui appartient pas », indique F. Nke dans ce direct qui n'a duré qu'une dizaine de minutes sur sa page Facebook officielle. Le patron de la mère des universités d'État du Cameroun a signé donc, le 11 août, une décision de la radiation de ces trois enseignants d'université. S'agissant du cas, par exemple, de l'enseignant de Philosophie, Fridolin Nke, le lien contractuel liant ce dernier à l'Université de Yaoundé 1 est rompu. En effet, l'universitaire, qui était, jusque-là, Chargé de cours au département de Philosophie de la Faculté des Arts, lettres et sciences humaines(Falsh) sous le matricule 548743-N est licencié. L'acte du Recteur précise qu' « est rompu, à compter de la date de la signature de la présente décision, le contrat de travail (...) du 4 mars 2015 liant l'Université de Yaoundé 1 à M. Fridolin Nke, chargé de cours ; ladite rupture entraîne licenciement de l'intéressé ».
Suivant les motifs exposés dans cette note de rupture du contrat, F. Nke est licencié pour « actes de diffamation, injures, langage ordurier, actes de violence et d'intimidation (menace de mort) et pour faute lourde conformément aux articles 34 et 37 du code du travail ». L'enseignant de Philosophie est aussi épinglé pour « faute professionnelle » constituée par les manquements du mis en cause à ses devoirs et obligations d'agent de l'État conformément à l'article 92 (2) du statut général de la Fonction publique.
Ces motifs de licenciement ont été invoqués en mi-juillet 2023 lorsque F. Nke a été traduit au conseil de discipline de l'université. Dans une note du patron de cette arène universitaire, il a été précisé que l'enseignant de Philosophie encourait la rupture du contrat de travail. Dans une mise au point du chef service de l'information et des conférences de la même université, Benoît Dubois Onana, il était alors demandé au concerné de fournir la preuve de l'existence réelle de ses diplômes et de son parcours académique. Nke ne s'y était, d'ailleurs, pas présenté. Il en est de même des deux autres enseignants d'université, G. Ndock Ndock et D. Mandob épouse Enyegue. Après la décision de licenciement de ces trois universitaires, ils ont publié une vidéo devenu virale le jour de la publication de leur note de licenciement, dans laquelle ils ont pourfendu leur ancien patron. Aussi ont-ils clamé qu'ils dispenseront, de gré ou de force, leurs cours à la prochaine année académique (2023-2024) dans leurs disciplines respectives.
Que stipulent les textes en vigueur ?
Conformément au décret no93/035 du 19 janvier 1993 portant statut spécial des personnels de l'enseignement supérieur et complété par le décret no 2000/048 du 15 mars 2000, seul le président de la république a le pouvoir de révoquer les chargés du cours, les Maîtres de conférences et les Professeurs titulaires des universités d'État du Cameroun. Feuilletons, à titre illustratif, le recueil des principaux textes du ministère de l'Enseignement supérieur (Minesup), 2019, et, singulièrement, le chapitre III intitulé « De la discipline des enseignants »!
Chapitre III : De la discipline des enseignants
Article 48(1):
1. Sans préjudice de l'application, le cas échéant, de la loi pénale, la faute professionnelle ou extra-professionnelle peut entraîner des sanctions disciplinaires à l'encontre de l'enseignant mis en cause.
2. La sanction disciplinaire est indépendante de la sanction pénale ou de celle résultant d'un jugement des comptes.
3. En cas de poursuites répressives et de poursuites disciplinaires concomitantes, la procédure disciplinaire suit son cours.
4. Une même faute disciplinaire ne peut être sanctionnée disciplinairement plus d'une fois.
5. La sanction doit être motivée ; toute décision infligeant une sanction disciplinaire est versée au dossier personnel de l'intéressé.
Article 49 :
Peut entraîner des sanctions disciplinaires :
« Tout manquement aux obligations professionnelles que sont, notamment, l'assiduité aux enseignements, la présence effective dans le lieu de recherche, l'encadrement des enseignants et des chercheurs, l'encadrement des étudiants, la préparation et la surveillance des examens, la correction des copies, les évaluations diverses, la participation aux jurys, etc. ».
Article 50:
Par dérogation aux dispositions du décret no74/138 du 18 février 1974 et du décret no78/484 du 9 novembre 1978, les infractions citées à l'article 49 cidessus peuvent entraîner les sanctions disciplinaires ci-après classées par ordre de gravité croissante :
1. L'avertissement écrit
2. Le blâme avec inscription au dossier
3. La réprimande qui emporte incapacité d'être membre du conseil d'administration pendant une année
4. La censure qui emporte incapacité d'être membre du conseil d'administration pendant deux années et qui est incompatible avec la fonction de responsable au sein des institutions universitaires.
5. Le déplacement d'office pour un emploi équivalent des cadres de l'enseignement supérieur
6. L'ajournement à un an de l'avancement d'échelon à l'ancienneté
7. La radiation de la liste d'aptitude au grade supérieur pour une période à préciser sur l'acte de sanction
8. L'abaissement d'échelon
9. La suspension temporaire de fonction
10. La rétrogradation
11. L'interdiction d'enseigner
12. La révocation sans suspension des droits à pension, avec suspension des droits à pension ou avec déchéance des droits à pension
Article 51:
1. Les sanctions 1, 2, 3, 4 et 5 prévues à l'article 50 du présent décret sont décidées par le chef de l'institution universitaire après avis du conseil de discipline. Elles peuvent faire l'objet d'un appel devant le recteur.
2. Les sanctions 6, 7,8 et 9 sont arrêtées par le ministre de l'Enseignement supérieur (Minesup) après avis du conseil de discipline. Elles peuvent faire l'objet d'un appel devant le ministre.
3. Les sanctions 10,11 et 12 sont décrétées par le président de la république sur proposition du ministre chargé de l'Enseignement supérieur (Minesup) après avis du conseil de discipline.