Le 23 octobre 2024, Longkana Agno Simon, plus connu sous le nom de Longuè Longuè, a révélé un épisode douloureux de sa vie, en publiant une vidéo montrant sa torture par des membres de la Sécurité militaire (Semil) à Douala en 2019. Ce musicien camerounais, populaire pour ses chansons engagées, a raconté à Jeune Afrique son traumatisme et les combats qui en ont découlé.
Rencontré dans un café parisien, Longuè Longuè apparaît méfiant, loin de l’image joviale qu’il a souvent véhiculée à travers ses directs sur Facebook. Avant de se confier, il vérifie l’identité de son interlocuteur, signe de la paranoïa qui l’habite depuis son arrestation et torture par la Semil. « Presque », répond-il lorsqu’on lui demande s’il a peur de tout ce qui l’entoure. Il demande que l’entretien ne soit pas enregistré, ajoutant que sa méfiance est devenue une habitude depuis cet épisode tragique.
L’arrestation de Longuè Longuè, en mai 2019, intervient après qu'il a exprimé publiquement son soutien à Maurice Kamto, le candidat de l’opposition à l’élection présidentielle d’octobre 2018, que le chanteur estime avoir remporté face à Paul Biya.
Peu de temps après ces déclarations, Longuè Longuè est arrêté à l’hôtel Sawa à Douala par des agents de la Semil, qui lui disent que le commandant souhaite lui parler. Ce qui s'ensuit est une scène de torture brutale.
« Dès mon arrivée à la Semil, ça a été un véritable carnage », se souvient-il. Attaché, pieds coincés sous une chaise, Longuè Longuè est frappé à coups de machette sur les jambes et la plante des pieds. Pendant ce calvaire, il implore que cela cesse.
Un lieutenant-colonel filme toute la scène, tandis qu’un autre militaire lui assène les coups. Le lendemain, il reçoit un appel d’Émile Bamkoui, alors chef de la Semil, qui lui annonce avoir ordonné sa libération depuis la Chine.
Malgré sa libération, son passeport lui est confisqué et il ne l’a jamais récupéré. « À chaque demande, on me renvoyait vers Bamkoui », explique-t-il, en exprimant son désir de voir justice rendue. « Ils paieront et justice sera faite », affirme-t-il.
Il se dit psychologiquement et spirituellement bloqué depuis ces tortures, bien qu’il n’ait jamais cessé de mener son combat pour la justice. Cinq ans plus tard, il ressent une fierté d'avoir persisté, mais aussi un profond regret d’avoir perdu autant.
La diffusion de la vidéo a déclenché une vague d’indignation au Cameroun. Des personnalités comme Cabral Libii, président du PCRN, ont dénoncé la cruauté de l’armée camerounaise. Maurice Kamto, leader du MRC, a qualifié ces actes de « barbarie d’État » et a exigé une enquête pour que les responsables soient traduits en justice.
Joseph Beti Assomo, ministre de la Défense, a immédiatement ordonné l’ouverture d’une enquête sur ces allégations de torture, bien que des doutes subsistent quant à la possibilité de voir Émile Bamkoui, puissant chef de la Semil et proche du secrétaire général de la présidence Ferdinand Ngoh Ngoh, être inquiété par ces investigations.