Que veut-on faire de CAMTEL?
Le Secrétaire général à la Présidence demande au ministre des Finances de surseoir à tout schéma de réhabilitation visant la privatisation de la Cameroon Telecommunications ou de tout segment de son activité. Pour les observateurs, le discours de Louis Paul MOTAZE à ce sujet a peut-être été mal interprété.
Dans la correspondance datée du 4 décembre 2003, dont l’objet est « Validation du schéma de restructuration de la société Camtel », Ferdinand NGOH NGOH, dit ainsi transmettre une prescription du Président de la République. Du coup, la question se pose de savoir s’il était encore question de privatiser la CAMTEL qui, dans le train des mesures de redressement de l’économie camerounaise, avait été inscrite sur la liste des entreprises à privatiser dans les années 1990-2000. Seulement, apparemment parce qu’elle n’affichait pas bonne mine, Camtel n’a pas trouvé de repreneur. Tant et si bien qu’en 2009, Lazare ESSIMI MENYE, alors ministre des Finances, s’était résigné à déclarer infructueux le projet de privatisation de cette société.
L’État a alors entrepris de lui donner un souffle nouveau après l’avoir privée pendant de longues années de nouveaux investissements, ce qui a conduit à la désuétude de ses équipements. Mais toutes les tentatives de relancer l’entreprise y compris en lui permettant de compétir dans le secteur du mobile avec d’autres concurrents, n’ont donné que des résultats mitigés jusqu’ici. Et pourtant, il apparait clairement que l’État a besoin de Camtel pour exercer une certaine souveraineté dans le secteur hautement stratégique télécommunications. Malheureusement, la société que dirige Madame Judith YAH SUNDAY épse ACHIDI éprouve un certain nombre de problèmes. Au contraire, selon certaines sources, elle croulerait même sous le poids d’une énorme dette évaluée à plus de 600 milliards de FCFA. Ce qui fait que le Comité de Réhabilitation des Entreprises publiques est obligé de se pencher sur son sort et qu’un Comité interministériel est à l’œuvre en vue de son redressement. Malentendu ou manœuvre souterraine ?
Selon des sources proches du dossier, une étude - diagnostic commandée par le CTR (Comité technique de réhabilitation des entreprises publiques) menée par le cabinet Axys a abouti aux conclusions selon les quelles, pour sortir de cette situation difficile, une holding comprenant trois segments correspondants aux trois métiers que sont le téléphone fixe, le téléphone mobile et le transport du signal, devait être mise en place. C’est, semble-t-il, cette solution que Louis-Paul MOTAZE a présentée devant la Commission des Finances et du Budget de l’Assemblée nationale, le 15 novembre 2023, lors de la défense de la loi de règlement 2022. Le rapport des travaux de la Commission des Finances et du Budget, repris par la presse, indique que, « évoquant le faible niveau de compétitivité de Camtel, au regard du dynamisme observé dans le secteur des télécommunications, le ministre des Finances a reconnu que le rendement de cette société n’est pas à la hauteur des attentes ». C’est alors, nous apprend-on, qu’un Comité interministériel a siégé à l’effet d’examiner les contours d’une restructuration de cette entreprise. Louis Paul MOTAZE annonçait alors qu’une réflexion était en cours au sein du Gouvernement pour relever ses performances et que, « en perspective, il est envisagé que cette entreprise soit transformée en une holding composée de trois entités ».
L’universitaire Jean Louis KAGDEU estime pour sa part que saucissonner Camtel ne saurait être la solution. Il faudrait, selon lui, plutôt mettre l’accent sur le management avec pour objectif d’améliorer la performance. L’on observe que le Minfi n’a pas explicitement évoqué l’hypothèse d’une privatisation, nous explique un expert. Par ailleurs, du côté du Comité interministériel en charge de la restructuration de Camtel, on se défend d’avoir jamais envisagé la privatisation de tout ou partie de Camtel. Comment donc comprendre la lettre du SGPR? Existerait-il une correspondance suggérant la privatisation de Camtel? D’aucuns évoquent un « réseau mafieux » qui tenterait de « vendre la souveraineté économique du Cameroun ». Donc, des deux choses l’une : ou Louis Paul MOTAZE n’a pas été bien compris, ou alors qu’au niveau de la Présidence, soucieux de préserver la « souveraineté numérique » du Cameroun, on a voulu anticiper sur ce qu’on croyait pouvoir aboutir à la cession des actifs de Camtel à des privés. Dans un cas comme dans l’autre, il apparait clairement que tous ceux chargés de prendre les décisions sur ce dossier ne sont pas sur la même longueur d’onde.