• Sanda Alphonse et Oumarou Moussa sont respectivement un faux candidat au Bacc et surveillant général au lycée classique de Mokolo dans l'Éxtrême-nord
• Les deux ont été arrêtés en flagrant délit de fraude au dit lycée lors des examens du baccalauréat de l'enseignement général
• Le surveillant général qui était Chef du secrétariat du Bacc du sous-centre du lycée classique de Mokolo a fait composé frauduleusement Sanda Alphonse à la place d'un autre candidat
L’histoire remonte au 31 mai dernier. Oumarou Moussa, chef du secrétariat du baccalauréat de l’enseignement général du sous-centre du lycée classique et moderne de Mokolo sise dans la région de l’Extrême-Nord est depuis le 02 juin dernier, écroué à la prison principale de Mokolo. Il est accusé d’avoir organisé et facilité la substitution d’un candidat pendant l’examen. «Les faits remontent au 31 mai 2022, c’est-à-dire le deuxième jour de l’examen. Aux environs de 08 heures, un groupe composé du proviseur et de plusieurs autres personnes a investi la véranda de notre salle de composition. Après quelques mots avec les surveillants de salle, ils ont extirpé un candidat de la salle et l’ont emmené avec eux au bloc administratif et ce dernier n’est plus revenu en salle ni ce même jour ni les jours suivants. L’incident ne nous a pas surpris. Nous nous y attendions même dès le premier jour car bien qu’il arborait la tenue du lycée classique, nous avons su qu’il n’était pas élève du lycée. Nous nous connaissons entre nous. C’était donc un intrus. Pis , à chaque opération d’identification, il y avait des remous à son niveau parce qu’il n’avait pas de carte d’identité scolaire et les surveillants l’expulsaient de la salle, mais il y revenait toujours. Ce n’est qu’après son interpellation qu’il n’est plus jamais revenu. On nous a dit qu’il était gardé au commissariat pour fraude», explique Haïdapa, candidat au baccalauréat dans ledit sous-centre.
L’exploitation de l’infortuné a permis aux éléments des forces de sécurité d’en savoir davantage sur l’affaire. Le candidat a affirmé travailler pour le compte du surveillant général, Oumarou Moussa, par ailleurs chef du secrétariat du Bac. Oumarou Moussa a alors été immédiatement interpellé et en compagnie de l’infortuné, conduit au commissariat de sécurité publique de Mokolo où une enquête a été ouverte. Au cours de l’interrogatoire approfondi, Alphonse Sanda ,l’infortuné candidat, a expliqué que le surveillant général l’avait contacté au mois de décembre 2021 pour l’inviter à se substituer au candidat Ibrahim Talep, un élève régulier du lycée classique et moderne de Mokolo.
Le deal entre les deux parties a été scellé et le processus d’établissement des documents enclenché. Un récépissé de dépôt de dossier portant la photo de Sanda Alphonse a été établi et signé du proviseur du lycée classique et moderne de Mokolo, Nanga Gouri Eboko. Une carte scolaire dûment établie devait lui être également délivrée.
Le premier jour de l’examen, Sanda Alphonse s’en est sorti tant bien que mal et a réussi à composer toutes les matières, ce malgré sa non possession d’une carte d’identité entrainant de multiples tentatives d’expulsions de salle par les surveillants. En fait, à chaque fois qu’il était mis dehors, le chef du secrétariat donnait des injonctions pour qu’il soit remis en salle. Mieux, usant de son pouvoir de chef du secrétariat, Oumarou Moussa n’affectait comme surveillants dans la salle où se trouvait le «candidat» Alphonse Sanda que des enseignants d’autres établissements et non du lycée classique et moderne de Mokolo. «Je suis l’un des surveillants de salle du premier jour de l’examen dans cette fameuse salle n°4 (série allemande) où s’est produit cet incident. En ma qualité de surveillant et en collaboration avec mon collègue, nous avons, conformément aux textes en vigueur procédé à l’identification des candidats avant le début de l’épreuve. C’est pendant cette opération que nous avons découvert que ce candidat répondant au nom d’Ibrahim Talep et qui devait être un élève régulier du lycée classique et moderne de Mokolo ne détenait pas sa carte d’identité par devers lui. Il ne nous a présenté que le récépissé de dépôt de dossier dûment établi par le proviseur. A la question de savoir pourquoi n’avait-il pas sa carte d’identité avec lui, il nous a répondu qu’elle était détenue par le chef du secrétariat. Nous nous sommes rapprochés du chef du secrétariat et ce dernier nous a demandé de le laisser composer. Il a ajouté que sa carte d’identité scolaire était avec lui. Nous n’étions qu’au premier jour et selon les recommandations données par le chargé de mission de l’office du baccalauréat, nous, surveillants , devions être indulgents le premier jour en ce qui concerne l’exigence des pièces maitresses donnant accès en salle d’examen aux candidats. Nous contentant des dires du surveillant général par ailleurs chef du secrétariat dudit examen, nous avons laissé le candidat composer. Nous ne nous doutions de rien jusqu’au-lendemain quand le pot-aux-roses a été découvert et que la police est venue embarquer le faux candidat et le chef du secrétariat. C’est leur interpellation qui nous a permis de soupçonner l’implication du chef du secrétariat dans un réseau de faux qu’il tenait à dissimuler», explique sous anonymat un surveillant de salle.
2021
Les quatre surveillants du premier jour de ladite salle, Boné Lazare, Vaxa Alphonse, Mme Damtsaï et Guedwé, ont également été interpellés et gardés à vue pendant plusieurs heures dans les locaux de la police. «Tous les surveillants qui sont intervenus dans la salle n°4 le premier jour de l’examen ont été interpellés par la police le mercredi 1er juin. Nous avons été tous auditionnés sur procès-verbal et avons été gardés dans leurs locaux jusqu’à la tombée de la nuit. L’infortuné Sanda Alphonse est passé aux aveux en réitérant devant nous tout ce qu’il avait déjà déclaré à l’enquêteur. Il a expliqué comment le faux a été planifié par le chef du secrétariat qui fut professeur dans le même lycée. Il a dit qu’il avait été contacté au mois de décembre 2021. En passant, le faux candidat Sanda Alphonse fut élève au lycée classique et moderne de Mokolo où il y a obtenu son baccalauréat il y a deux ans. Il fut l’un des meilleurs élèves de sa promotion, raison pour laquelle il a été contacté. Oumarou Moussa a voulu nier en bloc, mais a fini par craquer et est également passé aux aveux. Il a déclaré que le jeune Sanda Alphonse n’est qu’une marionnette dans cette affaire, qu’il a juste été exploité. C’est après ces aveux et grâce à l’intervention du chef du sous-centre et du chargé de mission que nous, surveillants de salle, avons été remis en liberté», explique un enseignant. Les surveillants de salle ont été rappelés le 02 juin et présentés au procureur de la république. «Nous avons été convoqués au parquet le lendemain et y avons été retenus jusqu’à 19 heures du soir sans avoir commis un quelconque délit. Nous n’avons été que des surveillants de salle.
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et dit qu’en cas d’incident, nous le portons à l’attention du responsable du secrétariat. Ce que nous avons tous fait. En principe après saisine, le chef du secrétariat enclenche une action en vue de résoudre le problème. On ne pouvait pas se douter que ce dernier n’était pas élève au lycée classique. Ce n’est pas notre établissement d’attache donc nous étions innocents. En plus de cet argument, nous pouvons relever le fait que c’était le premier jour. Il nous a été clairement demandé de ne pas être trop exigeant le premier jour en cas de non présentation d’une des pièces exigées pour accéder à la salle d’examen. Le chargé de mission nous a fait comprendre que la pause est très courte pour pouvoir permettre à un candidat de faire des navettes. Ce n’était qu’à partir du deuxième jour que l’accès en salle d’examen devait être formellement conditionnée à la présentation de la carte d’identité scolaire et du récépissé du dépôt de dossier. Nous avons obéi à ces recommandations et ne voyons pas où est-ce-que nous avions manqué à notre devoir ?>> poursuit-il.
Ce 02 juin Oumarou Moussa et son comparse Sanda Alphonse ont été conduits à la maison d’arrêt de Mokolo où ils y ont été placés en détention provisoire.
«L’OBC doit s’arrimer aux nouvelles technologies s’il veut limiter ce phénomène de substitution de candidats devenu récurrent dans nos centres d’examen. La direction des examens et concours du Minesec l’a compris et a modernisé le processus d’inscription des candidats aux examens. Les listes portent des photos des candidats en couleur. Dans ce cas d’espèce, il est difficile voire impossible à un candidat de se substituer à un autre. Il faut le dire, la méthode d’enrôlement actuelle de l’OBC est archaïque et dépassée. Elle doit être améliorée», a suggéré un chef d’établissement en service dans le Mayo Tsanaga.
Selon des indiscrétions, le candidat Ibrahim Talep avait parcouru quatre établissements scolaires du département pour se faire inscrire au Bac. Plusieurs chefs d’établissements n’y avaient pas donné suite. C’est au lycée classique et moderne de Mokolo qu’il a pu être admis.