En République démocratique du Congo, au moins 43 personnes ont été tuées mercredi à Goma dans une opération militaire destinée à empêcher une manifestation contre l'ONU.
Dans un communiqué publié jeudi dans la soirée, le gouvernement de Kinshasa donne précisément un bilan de "43 décès, 56 blessés et 158 personnes appréhendées".
Selon les autorités congolaises, les adeptes de la secte "mystico-religieuse" dénommée "Foi naturelle judaïque et messianique vers les nations" avaient appelé à manifester contre la MONUSCO, la Force Régionale de la Communauté des États d'Afrique de l'Est et les ONG internationales. Les cadres de la secte avaient indiqué avoir identifié les domiciles du personnel de la Monusco et avaient déclaré être prêts à piller leurs habitations.
ans cette quête, "ils ont mené des actions qui ont porté atteinte à l'ordre public, et qui ont causé la mort par lapidation d'un élément de la police entraînant ainsi une intervention des forces de l'ordre pour restaurer la quiétude et la sérénité dans la ville", explique l'Etat congolais.
Avant que la manifestation - interdite quelques jours plus tôt par la mairie de Goma - ne débute, "les FARDC (armée congolaise) nous ont attaqués au local de notre radio et à notre temple et ils ont tué six personnes", dit à l'AFP Moleka Maregane, "chargé de sécurité" de la secte. Il ajoute qu'au cours de cet assaut lancé par l'armée, leur leader Mutumishi Efraimu Bisimwa a été arrêté. Pour le gouvernorat du Nord-Kivu, il s'agit d'un "groupe de bandits armés, drogués et manipulés qui ont prémédité et semé le chaos dans la ville".
"Il est essentiel que les droits des personnes arrêtées soient pleinement respectés, y compris leur droit à une procédure régulière, et que les autorités compétentes garantissent au Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l'Homme, un accès continu aux personnes détenues", a-t-elle exigé.
Un des cadres du mouvement Lucha, Bienvenu Matumo, a dans une vidéo envoyée à l'AFP dénoncé ce "carnage" de "plus de 50 civils" selon lui. Un autre activiste pro-démocratie, Jack Sinzahera, accuse les FARDC d'avoir mené "un assaut sur la radio" de la secte. Les deux activistes ont exigé des enquêtes indépendantes sur ces tueries.
L'ONG Human Rights Watch (HRW) a dénoncé "une manière extrêmement brutale et illégale de faire respecter une interdiction". HRW suggère par ailleurs que "les hauts responsables militaires qui ont ordonné le recours à une force meurtrière illégale devraient être suspendus, faire l'objet d'une enquête et répondre de leurs actes dans le cadre de procès publics et équitables".
En juillet 2022, dans plusieurs villes des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, des manifestants avaient pris d'assaut les installations de la Monusco. Selon les autorités, 36 personnes, dont quatre Casques bleus, avaient été tuées.
En juin dernier au cours d'une visite à Kinshasa, le secrétaire général adjoint des Nations unies pour les opérations de paix Jean-Pierre Lacroix, expliquait que l'ONU étudie comment retirer sa force de maintien de la paix en RDC "le plus rapidement possible" mais de manière "graduelle et responsable". Et d'ajouter qu'"il y a une frustration d'une partie de la population (...), parce que la situation sécuritaire est encore préoccupante" mais qu'"il y a aussi des manipulations, parce que tout le monde n'a pas intérêt au retour de la paix".
Les manifestations se sont multipliées depuis deux ans contre la Monusco, à qui les habitants reprochent également de ne pas parvenir à neutraliser les dizaines de groupes armés qui sévissent dans l'est de la RDC depuis près de 30 ans, notamment les rebelles du M23.
Selon lui, la Monusco "demeure l'une des cibles du mécontentement et de la frustration des populations qui lui reprochent de faire preuve de passivité".
Terrain de crispation et de discours populistes en RDC, le départ définitif de la mission de l'ONU est au cœur des débats sur l'avenir du pays depuis plusieurs années.
En juillet dernier, la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC, Bintou Keita a expliqué que la MONUSCO est déjà sur le départ. "Le départ de la MONUSCO est déjà enclenché", avait-elle soutenu, tout en ajoutant qu'il faut que ce retrait soit digne et pacifique. "On ne démantèle pas une mission en un jour, moins encore par un claquement des doigts", a-t-elle précisé.
Bien avant, en septembre 2022, en visite à New York pour l'assemblée générale des Nations unies, le président congolais Félix Tshisekedi déclarait déjà dans une interview accordée à France 24 qu'au-delà de l'élection présidentielle de décembre 2023, "qu'il n'y aura plus de raison que la Monusco reste."