Marché B de Bafoussam : 473 commerçant toujours dans l’attente

Marche B De Bafoussam Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration

Tue, 6 Oct 2015 Source: Le Jour

Promesses non tenues. Deux ans après l’incendie qui avait rasé cette place marchande,la reconstruction annoncée n’est toujours pas effective. Un tour éclair, et ils s’en vont.

C’est en ces termes que les commerçants du marché B de Bafoussam aujourd’hui, dénoncent des autorités politiques et gouvernementales qu’ils ont reçues depuis la catastrophe survenue au second grand marché de la capitale régionale de l’Ouest Cameroun.

L’incendie avait emporté 473 comptoirs et des marchandises estimées à dix milliards de F.Cfa. Au lendemain de cet incendie survenu la veille de l’ouverture de la campagne électorale du double scrutin du 30 septembre 2013, le gratin politique avait défilé sur le site. Chacun était venu muni des promesses ou de paquets, pour remonter le moral aux victimes.

Maurice Kamto et Ni John Fru Ndi, avaient offert chacun un million de F.Cfa pour soutenir les victimes. Le président du Mrc, lors de son passage le 31 août 2013, avait dit qu’il est né dans cette ville, dans les années 1960-1962, et que ce marché venait alors d’être fondé.

Il est anormal que plus de 50 ans après, ce marché B soit encore dans un tel état. « Il faut qu’un marché digne de ce nom soit construit ici rapidement », avait-il plaidé.

Un appel émis aussi par René Emmanuel Sadi, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, venu le 28 août 2013 remettre l’enveloppe de soutien du couple présidentiel qui s’élevait à 75 millions de Francs.

Sylvestre Ngouchinghe, sénateur suppléant nommé de la Mifi, avait remis à la même occasion, une enveloppe de 15 millions.

La totalité de cette somme avait été distribuée aux 473 sinistrés, et chacun avait reçu près de 200.000 F.Cfa. Il ne restait que la contribution de l’Eglise évangélique du Cameroun.

Selon les instructions du président de l’Eec, leur contribution de 300.000 F.Cfa devait rester dans un compte spécial et servir à la reconstruction du marché B de Bafoussam.

Se battre pour survivre

Aux oubliettes ces moments d’émotion. Les commerçants du marché B de Bafoussam sont en pleine activité. Promptement, ils accourent vers les clients pour leur proposer leurs produits. Leur gaieté et la qualité de leurs produits tranchent avec l’espace dans lequel ils exercent.

D’un côté, ce sont les comptoirs bien construits, qui accueillent les clients. Il s’agit ici du secteur qui avait été épargné par l’incendie qui avait dévasté une bonne partie du marché B de Bafoussam, dans la nuit du samedi 17 au dimanche 18 août 2013.

De l’autre côté, le site sinistré.

Sous des hangars inachevés, les produits sont exposés sur des tables en bois ou en bambous, ou à même le sol sur des étals de fortune. « Nous exerçons maintenant dans des conditions plus que précaires », se désole Bernard Tchouankap, un commerçant sinistré. « Nous ne pouvons pas reconstruire nos boutiques parce qu’on nous demande d’attendre que l’autorité s’en occupe.Dans le même temps, nous sommes bien obligés d’exercer notre activité pour continuer de nourrir nos familles», renchérit-il. « Comme nous n’avons plus d’espaces sécurisés, nous sommes obligés de venir de bonne heure le matin pour sortir nos marchandises des lieux sécurisés que nous louons comme magasin.

A la nuit tombée, nous devons encore transporter tout cela pour les sécuriser ». Ce cheminement difficile au quotidien est expliqué par Diane Simo. Cette dernière, qui gardait ses effets dans son grand comptoir sécurisé, attend l’accord officiel pour reconstruire son comptoir.

Voler sa place

L’installation des commerçants se fait de manière progressive. « Chacun a d’abord balayé sa place et s’y est réinstallé progressivement », nous souffle l’un des commerçants.

Sur les décombres, les comptoirs incendiés ont été d’abord remplacés par des parasols, des tables, des lits et des étals où chaque commerçant, en respectant sa place, dispose ses marchandises. Henriette Kengne, couturière, s’est progressivement reconstruite. « J’ai pris un crédit à la tontine. Cet argent m’a permis d’acheter une machine. Pour commencer, j’ai eu quelques commandes de mes voisins ».

Juste à côté d’elle, Josiane Fonkoua a disposé des tas de noix de kola, ainsi que des verres et des assiettes à même le sol. « On recommence avec les marchandises qu’on trouve à notre portée », explique cette femme, qui dit compter sur ses proches qui pratiquent l’agriculture, afin d’avoir des marchandises chaque jour.

Michelle Koagne s’approvisionne chez ses anciens grossistes. « Il y avait déjà une grande confiance entre nous avant l’incendie. Maintenant qu’ils savent que j’ai fait faillite, mes grossistes me livrent les produits à crédit chaque jour. Ainsi, je peux progressivement me relancer », explique cette commerçante qui propose l’électroménager et des produits agroalimentaires.

Pour ce qui est de leurs espaces commerciaux, les propriétaires les aménagent au quotidien. « L’autorité ne nous permet pas de reconstruire rapidement nos boutiques. Elle nous avait dit qu’elle allait nous recaser, le temps de reconstruire.

Depuis deux ans, nous attendons, et rien n’arrive», fulmine Jean-Jacques, qui, à l’aide de quelques planches, soutient l’arrière de sa boucherie de fortune pour l’empêcher de s’écrouler. C’est ainsi qu’en attendant d’être délogés pour la réalisation du projet de reconstruction du marché B de Bafoussam, les commerçants se considèrent comme des squatters de leurs propres espaces commerciaux.

Recasement et reconstruction?

Au lendemain de l’incendie, les commerçants avaient initié une collecte des fonds pour rebâtir leurs boutiques. Jules Kakeu Tamedchep, président de l’Association des commerçants du marché B, supervisait la collecte et les travaux de reconstruction des comptoirs soufflés par les flammes.

« Comme les comptoirs sont séparés par un mur commun, chacun finançait juste la construction de son mur et de la dalle qu’on devait implanter pour éviter d’autres incendies. Malheureusement, on ne nous a pas permis de réaliser ce projet», explique-t-il. Les commerçants avaient été stoppés net dans leur élan par le ministre Jean Claude Mbwentchou.

Lors d’une descente sur le terrain, le ministre du Développement urbain et de l’Habitat avait demandé aux commerçants de surseoir à leurs activités, car les commerçants sinistrés devaient être recensés, recasés ailleurs pendant un an. Au cours de cette période, le marché B de Bafoussam devait être reconstruit selon les règles de l’art,avait expliqué le ministre en décrivant la procédure.

« Une commission technique doit faire les levées topographiques et des propositions d’aménagement,parce que vous conviendrez avec moi, cet espace commercial est un marché spontané construit avec des matériaux provisoires, sans bouche d’incendie. Il y a des problèmes de réseau d’eau, d’électricité. Il faut redimensionner cela, mais déjà voir si le plan d’urbanisation de la ville admet qu’il y ait un marché ici ».

La procédure telle que l’avait instruite le Mindhu laissait trois mois à ses collaborateurs locaux pour finaliser le dossier technique, et trois autres mois pour compléter les financements qu’il disait disponibles, afin de lancer le chantier pour ouvrir les premières boutiques au bout d’un an.

Incertitudes permanentes

Porte-parole des commerçants du marché B, Marie Thérèse Ngnintedem attend que les travaux annoncés débutent.« Nous avons rencontré le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Bafoussam. Il nous a assurés que le marché doit rester en place.

Comme ils ne peuvent pas nous recaser ailleurs, qu’ils nous donnent les plans qu’ils ont finalisés, et nous allons reconstruire nous-mêmes notre marché comme nous sommes habitués à le faire ici à Bafoussam au lendemain de chaque incendie », fulmine la sinistrée, en rappelant l’anxiété qu’une possible expulsion suscite chez les commerçants.

Certains commerçants parlent des multiples commissions qui, régulièrement, descendent sur le marché, soit pour les recenser, soit pour annoncer à d’autres commerçants que leurs espaces vont disparaître dans le prochain plan de construction du marché. Ces annonces sont toujours accompagnées de fortes négociations agrémentées de corruption.

Emmanuel Nzeté, le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Bafoussam, balaie du revers de la main tous ces agissements qui sont effectués par des personnes véreuses.

Il rassure que le projet de reconstruction du marché demeure à l’ordre du jour. « Dans les projets C2D que la ville de Bafoussam accueille, nous avons prévu la reconstruction totale du marché B, avec des voies de contournement et des normes sécuritaires appropriées».

Aaron Nemkam, un ingénieur, constate qu’au fil des années et des sinistres, « ce sont toujours les commerçants des marchés de Bafoussam qui supportent les reconstructions après les incendies, alors qu’ailleurs, l’Etat s’en occupe ». Les commerçants du marché B de Bafoussam, tout en demeurant dans l’incertitude, jonglent avec le quotidien de leurs affaires, en attendant la décision finale de la reconstruction.

Source: Le Jour