Selon des révélations de Jeune Afrique, le Comité d’urgence de la Fédération camerounaise de Football (Fecafoot) avait donné à Samuel Eto'o, son président, 72 heures pour proposer des candidats au nouvel encadrement de la sélection nationale du Cameroun. Cette décision faisait suite à la nomination du Belge Marc Brys par le ministère des Sports, sans l'accord de la Fecafoot et de Samuel Eto'o. Ce dernier avait initialement exprimé son intention de ne pas accepter cette nomination et de reprendre la main sur la succession de Rigobert Song.
Cependant, depuis l'expiration du délai de 72 heures, Samuel Eto'o n'a pas donné suite à cette demande. Selon des sources proches du pouvoir à Yaoundé, l'ancien attaquant vedette aurait finalement préféré écouter les conseils de plusieurs proches, dont de hautes personnalités de l'État, qui lui ont déconseillé de poursuivre ce bras de fer avec le gouvernement et le palais d'Etoudi.
Toutefois, certains soutiens de Samuel Eto'o estiment qu'il peut encore proposer son propre staff au-delà du fameux délai de 72 heures. De plus, des sources à la Fecafoot expliquent que le délai donné par le comité d'urgence n'engageait pas le président de la fédération, et qu'il s'en est donc d'autant plus facilement affranchi. La résolution évoquant les 72 heures n'a en effet jamais été validée par le comité exécutif et celle-ci était donc non contraignante pour Samuel Eto'o. De même source, le « comex » est de toute façon trop « divisé » sur le sujet du sélectionneur pour endosser cet ultimatum.
Pourquoi Samuel Eto'o a-t-il fait monter la pression ? Selon Jean-Bruno Tagne, son ancien directeur de campagne, « son initiative était risquée et inutile ». Narcisse Mouelle Kombi, le ministre des Sports, s'est en effet appuyé sur une disposition des textes régissant le football camerounais et qui, malgré l'activisme d'Eto'o, lui a permis de reprendre la main. Un mémorandum signé en 2014 entre la Fecafoot et le ministère indique ainsi dans son article 9.1 que « les membres des structures d’encadrement » peuvent être recrutés « sur la base d’une mise à disposition par l’État ». En d'autres termes, selon l'interprétation de Mouelle Kombi, le gouvernement peut nommer un sélectionneur en lieu et place de la Fecafoot.
Samuel Eto'o peut-il contester ce texte brandi par son ministre de tutelle ? C'est l'une des possibilités de recours, explique Abdouraman Hamadou Babba, président de l’Étoile filante de Garoua. Le président de la Fecafoot pourrait par exemple saisir la Fédération internationale de football association (Fifa) pour que celle-ci examine le mémorandum de 2015. La Fifa est en effet censée veiller à la non-ingérence des pouvoirs politiques dans les affaires sportives.
L'entourage d'Eto'o estime aujourd'hui que le choix du Belge Marc Brys par le ministère des Sports est bien une « violation des règlements de la Fifa ». Mais l'ancien attaquant ira-t-il jusqu'à contester un texte camerounais – la convention entre l’État et la Fecafoot de 2015 – devant une juridiction internationale ? Ou nommera-t-il finalement
son propre staff, en laissant la Fifa trancher entre la légitimité de l'un et l'illégitimité de l'autre ?
Selon un ancien membre du « comex » de la fédération, « le pouvoir ne le laissera pas faire. Cela reviendrait à dire que Samuel Eto'o peut s'élever contre l'État et le mettre au défi ». Jean Bruno Tagne se demande quant à lui « quel coach accepterait le poste, maintenant que le ministère a rendu public la prise de fonction de Marc Brys ? ». Une autre source s'interroge également sur la possibilité pour un entraîneur étranger de travailler au Cameroun sans le soutien de l'État.
Dès lors, quel est l'objectif de Samuel Eto'o ? Une source proche de l'ancien attaquant place les derniers événements dans le cadre « d'un combat pour la préservation des intérêts de la Fecafoot ». Selon celui-ci, les présidents successifs de la fédération ont tous souhaité affirmer leur « indépendance » face au pouvoir politique. Il est donc question, poursuit-il, de « l'intérêt de la fédération et non de l'intérêt personnel de Samuel Eto'o ».
Cette même source estime d'ailleurs que le ministère se sait en tort dans ce dossier, au vu des règles de la Fifa. Marc Brys, explique-t-elle, n'a d'ailleurs pas encore signé de contrat de travail et, s'il a bien été présenté au ministère des Sports, lui et son staff n'ont pour le moment paraphé qu'un « contrat d'engagement ». « Si Eto’o poursuit la bras de fer, ce sera un acte de pure bravade », croit quant à lui savoir Jean Bruno Tagne.
Samuel Eto'o a fait monter la pression pour « obliger le gouvernement à ouvrir les discussions avec lui », assure un ancien de la Fecafoot, qui ajoute : « C’est du pure populisme. » Plusieurs mesures de conciliation sont actuellement en cours : le Premier ministre Joseph Dion Ngute a entrepris d’organiser une réunion entre les différentes parties et le président de la Fecafoot pourrait prochainement rencontrer Marc Brys.
L'affaire devrait toutefois restée pendante plusieurs jours encore. L'ancien attaquant des Lions indomptables s'occupe actuellement de l'organisation des obsèques de son père, décédé l'an dernier, qui doivent avoir lieu du 11 au 13 avril prochain. Le président Paul Biya doit y être représenté par son directeur du cabinet civil adjoint, Oswald Baboke, par ailleurs proche de Samuel Eto'o.
En conclusion, le bras de fer entre Samuel Eto'o et le gouvernement camerounais autour de la nomination du sélectionneur national est loin d'être terminé. Alors que le délai de 72 heures accordé à Samuel Eto'o pour proposer des candidats au nouvel encadrement de la sélection nationale est largement écoulé, l'ancien attaquant vedette n'a pas bronché. Toutefois, des sources proches du pouvoir à Yaoundé affirment qu'il a finalement préféré écouter les conseils de plusieurs proches, dont de hautes personnalités de l'État, qui lui ont déconseillé de poursuivre ce bras de fer avec le gouvernement et le palais d'Etoudi. L'affaire devrait donc rester en suspens pendant plusieurs jours encore, le temps que Samuel Eto'o s'occupe de l'organisation des obsèques de son père.