Douala, la capitale économique du Cameroun, se prépare à la saison des pluies. Cependant, l'imprévisibilité accrue des phénomènes climatiques et le manque de responsabilité civique de la population compliquent la situation, révèle Jeune Afrique dans un article.
Dans le quartier de Makepe-Missoke, un bidonville situé dans le 5e arrondissement de Douala, les premières pluies de juillet ont ravivé de douloureux souvenirs : ceux des fréquentes inondations qui accompagnent le retour de la haute saison des pluies, et son lot de désagréments, précise Jeune Afrique
"Le niveau de l'eau pouvait atteindre trois mètres l'année dernière," se souvient Paul Tchinda, 43 ans, propriétaire d'une maison de deux étages construite près de la rivière Tongo'a Bassa, qui traverse le quartier. "On espère qu'on sera épargné cette année." Alors que le mois d'août, mois fatidique, et son pic de précipitations approche, les habitants du quartier s'organisent pour affronter le retour des grandes pluies. Armé de pelles et de brouettes, un groupe d'hommes procède au débouchage des canaux qui se déversent dans la rivière. "Si les canalisations sont bouchées, c'est vers nos habitations que l'eau va se retourner," ajoute-t-il Jeune Afrique
Le phénomène des inondations va cependant au-delà des simples canalisations bouchées. Comme la plupart des villes de la côte ouest du continent, Douala est propice aux inondations avec ses près de 250 kilomètres de drains à entretenir pour 4 000 millimètres de précipitations en moyenne par an.
De plus, la ville a une particularité : ses principaux exutoires se déversent non pas dans l'océan Atlantique, qui se trouve à 37 kilomètres au large, mais dans le fleuve Wouri qui la traverse d'ouest en est. "Avec cette configuration, lorsque les pluies arrivent au moment où la marée du fleuve est haute, l'évacuation est encore plus difficile et l'eau qui va rester sur le continent va indéniablement provoquer des inondations," explique Roger Tchangang, directeur des Grands travaux à la mairie.
Les humains ont aussi leur part de responsabilité. En raison d'une urbanisation non maîtrisée, les habitants de la ville portuaire, poussés par le manque d'espace, continuent de se regrouper de manière désorganisée, parfois même dans des zones déclarées non constructibles. Cette course au foncier provoque l'installation d'habitations sur des voies d'évacuation des eaux. "C'est difficile à expliquer, mais on constate chaque jour que de grosses maisons apparaissent sur des espaces qui sont censés être complètement libres," dénonce un habitant.
À Makepe-Missoke et dans le reste de la ville, les regards sont tournés vers la municipalité dirigée par Roger Mbassa Ndine, économiste de formation, depuis 2020. Le problème de la gestion de l'eau est présenté comme l'une des priorités de l'exécutif municipal. Depuis 2021, la ville a lancé un programme appelé "Préparation de la Ville à la Saison des Pluies," qui est lancé chaque année, dès le mois de mars.
"Ce programme a deux composantes principales : le curage du réseau d'assainissement, qui comprend les drains naturels et bétonnés et les caniveaux, et l'entretien courant des zones fortement dégradées du réseau routier de la ville de Douala." Depuis le deuxième trimestre de l'année, les équipes municipales sont à pied d'œuvre pour déboucher les principaux bassins versants exposés aux inondations comme ceux de Mbanya, Bobongo, Kambo, Tongo'a Bassa (qui traverse Makepe-Missoke), Mambanda, et Ndobo.
Cependant, ce programme peut ne pas suffire à protéger la ville. Avec seulement 50 kilomètres de routes bitumées sur 250, les canaux d'évacuation des eaux sont souvent obstrués en raison de l'accumulation de sable, de la colonisation par des plantes envahissantes, ou de l'obstruction due à la décharge des déchets. "Le bitumage n'est pas la solution obligatoire pour l'aménagement des drains restants dans la lutte pour la préservation des écosystèmes naturels," croit un environnementaliste.
Cet environnementaliste pointe du doigt le manque de responsabilité civique de la population comme la principale cause du bouchage des drains : à Makepe-Missoke, comme dans de nombreux quartiers de Douala, les déchets et les débris sont visibles le long des berges et au milieu des cours d'eau, ce qui entrave l'écoulement. Depuis octobre 2023, la mairie de Douala a lancé une campagne de sensibilisation liée à un programme, Douala Clean City, pour impliquer la population dans le processus de gestion des eaux de la ville.
"L'objectif principal est de réduire considérablement le risque d'inondation et de pertes en vies humaines pendant la saison des pluies," déclare le maire. "Les populations visées sont celles vivant le long des drains et surtout dans les zones écologiquement fragiles (bas-fonds, zones d'éboulement, etc.). C'est un travail permanent, il faut le dire," reconnaît Roger Mbassa Ndine.
Victimes des précipitations, les principales artères de la ville inquiètent les usagers. Contraint de reconstruire des voies entières jonchées de nids de poule après le passage des pluies, la mairie s'est également penchée sur la question. "Nous avons constaté que certaines sections dégradées de la voirie de la ville s'avèrent soit plus hydromorphes qu'au moment de leur construction, soit exposées aux stagnations des eaux à cause de certaines actions de la population," explique Roger Tchangang.
Les autorités municipales ont entrepris de remplacer les sections dégradées par des pavés en béton, qui présentent l'avantage d'être moins coûteux à installer et à entretenir. "Ces pavés sont plus résistants, [et cela permet] de maintenir la fluidité de la circulation sur les tronçons concernés, pendant la saison des pluies et après." À quelques semaines du début de la haute saison des pluies, la course contre la montre pour atténuer les conséquences de la montée des eaux à Douala est lancée. Et le défi loin d'être gagné.