L'ancien ministre de la Défense reconnu coupable dans une affaire impliquant des milliards de francs CFA
Au terme d'un procès très attendu qui s'est conclu dans la nuit du 4 au 5 avril 2025, le Tribunal criminel spécial (TCS) du Cameroun a prononcé une lourde peine à l'encontre d'Edgard Alain Mebe Ngo'o, ancien ministre de la Défense. L'ex-membre du gouvernement a été condamné à trente ans d'emprisonnement pour plusieurs chefs d'accusation graves liés à la gestion des fonds publics.
Des accusations portant sur 196 milliards, une condamnation pour 23,8 milliards
Initialement poursuivi pour le détournement colossal de 196 milliards de francs CFA (environ 300 millions d'euros), Edgard Alain Mebe Ngo'o a finalement été reconnu coupable de malversations à hauteur de 23,8 milliards de francs CFA. Le verdict final du TCS lui impute trois infractions majeures : blanchiment de capitaux, surfacturation et détournement de biens publics.
L'enquête a mis en lumière un système sophistiqué mis en place pendant son mandat au ministère de la Défense. Selon des sources proches du dossier, l'ancien ministre aurait notamment orchestré des surfacturations massives lors de l'acquisition d'équipements militaires, détourné des fonds destinés à la modernisation de l'armée camerounaise et blanchi ces sommes via des réseaux complexes d'entreprises écrans et de comptes offshore.
Le tribunal a également prononcé des peines sévères contre deux proches collaborateurs de l'ancien ministre. Maxime Mbangue et le Colonel Ghislain Mboutou ont chacun écopé de 25 ans de prison ferme. Les deux co-accusés ont été reconnus coupables par le collège des juges de complicité de détournement, complicité de corruption et blanchiment aggravé de capitaux.
Selon l'acte d'accusation, ces deux hommes auraient joué un rôle clé dans le système frauduleux mis en place, facilitant les transactions illicites et participant activement au blanchiment des sommes détournées. Le Colonel Mboutou, par sa position au sein de l'armée, aurait notamment facilité la mise en œuvre des contrats surfacturés.
Une affaire emblématique de la lutte contre la corruption
Cette condamnation s'inscrit dans le cadre de l'opération "Épervier", une vaste campagne de lutte contre la corruption lancée par les autorités camerounaises. Edgard Alain Mebe Ngo'o, qui a occupé plusieurs postes ministériels dont celui de la Défense et des Transports, devient ainsi l'un des plus hauts responsables condamnés dans le cadre de cette initiative.
La sentence prononcée, particulièrement sévère, est perçue par certains observateurs comme un signal fort envoyé aux élites politiques du pays. Toutefois, d'autres voix se sont élevées pour relativiser cette condamnation, comme le suggère une réaction recueillie à la sortie du tribunal : "Ils ont été juste malchanceux, sinon certaines personnes ont déjà détourné plus que ça".
L'affaire Mebe Ngo'o soulève également des questions sur la gestion des fonds alloués à la défense nationale, dans un contexte où le Cameroun fait face à des défis sécuritaires majeurs, notamment dans ses régions septentrionales et anglophones.