Tout en énumérant les acquis de 2015, le président de la République qui est resté constant dans sa vision pour le Cameroun, a également tracé les sillons de l’année naissante dans un message axé sur les questions économiques et sécuritaires, tout en mettant davantage le gouvernement face à ses responsabilités, afin qu’ensemble, les défis qui «nous» interpellent soient relevés. Une fois de plus donc, le chef de l’État a utilisé le mot «ensemble».
Comme pour dire aux Camerounais, tous ensembles, faisons bloc face aux défis de l’heure. Pour beaucoup d’observateurs, le discours de Paul Biya fera date.
L’engagement patriotique et le défi sécuritaire
Dans une posture debout qui lui est désormais coutumière, comme pour indiquer sa robustesse, Paul Biya a indiqué que le seul mot «résilience» était celui qui caractérisait le mieux 2015 pour le Cameroun. Ce mot, expliquera-t-il, renvoie à «cette capacité à résister, à faire face aux défis quotidiens, que tous les partenaires au développement reconnaissent à notre peuple». Le chef de l’État a salué l’engagement patriotique de ses compatriotes, grâce auquel le pays a su résister aux défis sécuritaire et économique. La solidarité nationale s’étant pleinement manifestée à l’occasion, il revient désormais à l’administration publique de suivre le pas en devenant véritablement une force de progrès au service de tous.
Sur le plan sécuritaire, Paul Biya reconnaît que la stratégie nationale de défense populaire porte des fruits. Tout en rendant un vibrant hommage aux forces de défense et de sécurité pour leur bravoure et leur professionnalisme, il a loué la diplomatie active ainsi que l’implication réelle de nombreux pays amis. Il a salué, de «manière spéciale», la décision des États-Unis d’envoyer 300 soldats en mission d’appui au renseignement, remerciant ce pays de cette marque de confiance au Cameroun et à son armée. Il n’a, surtout, pas oublié de mentionner les soutiens multiformes obtenus d’autres pays amis à l’instar de la France, la Chine, la Russie, l’Allemagne et bien d’autres encore.
Paul Biya, qui a toujours affirmé que le terrorisme était une menace globale nécessitant une réponse globale, saluera aussi l’engagement fraternel des pays voisins dans cette guerre, à travers notamment la Force multinationale mixte désormais active sur le théâtre des opérations. Il en est de même des forces vives de la nation, qui se sont mobilisées pour rejeter le terrorisme. «Mieux encore, a indiqué le président, elles participent à l’effort de guerre, par leurs contributions financières ou matérielles. Cette grande mobilisation des uns et des autres a donné une résonnance particulière à notre stratégie de défense populaire.» Le président de la République appréciera particulièrement le modèle de patriotisme des comités de vigilance, qui au quotidien appuient les forces de défense et de sécurité, dans un engagement allant parfois jusqu’au sacrifice suprême.
La lutte contre la vie chère
Le président de la République s’est montré rassurant sur le front de la croissance et de l’emploi. L’économie camerounaise, s’est-il félicité, a su résister dans un environnement international défavorable. C’est ainsi que le pays a maintenu son taux de croissance à 6%. Dans le même temps, 337.660 emplois ont été créés contre 283.443 l’année d’avant. Mieux, les indicateurs macroéconomiques sont restés globalement viables. Autrement dit, la réalisation des prévisions de croissance n’étant pas acquises d’avance, cette performance mérite d’être appréciée à sa juste valeur. Dans le même temps, il importe que les freins à une croissance plus forte soient clairement identifiés. Et ce n’est pas tout. Plus que par le passé, les orientations de politique économique, arrêtées par le chef de l’État et mises en musique par le gouvernement, devront quant à elles être mieux expliquées à l’opinion publique. Sans oublier les éternelles pesanteurs qui doivent faire l’objet de dénonciations.
En tout cas, après avoir résisté aux épreuves de l’année 2015, le premier Camerounais a de bonnes raisons de penser qu’il n’est pas question de baisser la garde aujourd’hui. Les conclusions des rapports d’une mission du Fonds monétaire international (Fmi), qui laisse croire que l'économie camerounaise est saine et sans inquiétude particulière, les derniers rapports respectifs du Cameroon Investment Forum ou encore de la Commission nationale anti-corruption (Conac), semblent justifier son optimisme. Tout est donc réuni pour que le Cameroun améliore sa capacité à accueillir les investisseurs et les créateurs de richesse intéressés par les atouts du pays. Comme pour dire que l’administration camerounaise devrait pouvoir rassurer les créateurs de richesse et autres usagers en mettant au devant l’intégrité. D’où l’urgence d’identifier les points faibles de cette administration. Dans son message à la nation, Paul Biya a promis de veiller personnellement sur ce chapitre.
Plus d’inventivité et d’audace au gouvernement
Les Camerounais, qui se demandaient encore où ils en sont avec le défi de la croissance économique, doivent avoir trouvé une réponse à leurs appréhensions dans le discours présidentiel. Le chef de l’État a ainsi rappelé l’existence du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (Dsce), qui reste la boussole de la politique de développement du pays. Il convient toutefois de dissocier le programme annuel du gouvernement d’avec le Plan d’urgence triennal, qui indique les priorités immédiates sans interférer sur le planning économique normal du gouvernement. Si les deux instruments sont en cohérence avec le Dsce, une grille de lecture du discours présidentiel fait penser que les défis restent nombreux. Même si les égarements peuvent survenir, la nation doit savoir se remettre sur l’essentiel : le progrès social pour tous et l’émergence à l’horizon 2035. L’engagement de tous s’avère donc nécessaire, à tout point de vue, chacun devant promouvoir le patriotisme économique, le souci de l’intérêt général ainsi que le respect de la chose publique.
À l’équipe gouvernementale, le chef de l’État a appelé à plus d’inventivité et d’audace. Paul Biya, bien moins critique qu’il y a un an, a indiqué que le gouvernement et la haute administration se devaient d’être toujours des instruments précieux au service de l’État afin de concrétiser les aspirations légitimes de la nation à travers une croissance forte, génératrice de progrès social pour tous, la lutte contre la pauvreté, la justice et égalité pour tous, etc.. Aux agents de l’État qui s’enlisent encore dans des querelles de personnes ou de compétence, à ceux qui se complaisent dans la corruption, le chef de l’État, dans un souci de recadrage, a voulu rappelé entre les lignes les valeurs républicaines que sont la paix, le travail, la patrie, l’unité, l’intégrité nationale, etc., dans le services public.
Conditions de vie et industrialisation
En raison de la paupérisation galopante, l’appréciation que fait le chef de l’État des conditions de vie des Camerounais n’a pas beaucoup changé. Tout en précisant que les Camerounais peuvent faire mieux et doivent faire mieux, Paul Biya a énuméré quelques initiatives à court et long termes en direction des populations. Il s’agit notamment de la baisse des prix du carburant (effective depuis le 1er janvier) et l’augmentation des allocations familiales, qui vont à coût sûr améliorer le train de vie ou les revenus des ménages. Dans la même veine, le plan d’urgence triennal est en voie d’apporter des réponses infrastructurelles de proximité aux populations.
Dans le volet industrialisation, ce n’est plus un secret que les atouts humains et naturels du Cameroun constituent une grande réserve de croissance. Il faut donc en tirer pleinement avantage. La mise en place des conditions favorables à l’industrialisation sont une urgence. L’appropriation du Dsce par tous les acteurs, ainsi que sa traduction en initiatives sectorielles concrètes, sont indispensables : il faut donner à voir comment cela se passe sur le terrain, et inciter les uns et les autres à jouer leur rôle à fond. «J’ai instruit le gouvernement d’accélérer la mise en place des conditions préalables à l’industrialisation de notre pays. Ces conditions indispensables sont : la disponibilité d’une énergie suffisante et permanente ; la modernisation de notre agriculture et la transformation de sa production ; l’exploitation et la transformation avantageuse des ressources minières ; l’amélioration continue du climat des affaires, pour attirer toujours plus d’investisseurs ; la mobilisation des financements nécessaires ; le développement des infrastructures de communication et télécommunications», a recommandé le président.
Les Can 2016 et 2019
Le Cameroun doit accueillir les Coupes d’Afrique (Can) de football féminine en 2016, et masculine en 2019. Ces deux chantiers interpellent le peuple camerounais au premier chef. Il est question de relever le défi infrastructurel lié à l’organisation de ces compétitions sportives ; un impératif de fierté nationale, la bonne organisation interne des instances de gestion étant un préalable. Les instructions du premier sportif au gouvernement sont fermes, depuis le réaménagement du 2 octobre 2015.
En définitive, l’on pourrait dire qu’en attendant la livraison de la plupart des grands projets, qui sont parmi les grandes attentes formulées lors de l’adoption du plan d’urgence, le 9 décembre 2014, le chef de l’État a annoncé l’amélioration, à court et long termes, des conditions de vie des populations. La justesse du train de mesures annoncées dans son discours, leur impact réel sur la qualité de la vie des ménages ainsi que l’effet d’entraînement attendu, sont de nature à mettre résolument le Cameroun sur la voie de l’émergence.