Le 30 juin 2015, six résidents de Yaoundé agissant en leur qualité d’ayants droits de feu Atangana Philippe, un autochtone du village Mballa I, dans l’arrondissement de Yaoundé Ier, ont adressé à la préfecture du Mfoundi un recours gracieux préalable en retrait de l’arrêté préfectoral du 20 mars 2015 ordonnant la pose de scellés sur des immeubles d’une superficie d’environ 20 hectares appartenant au défunt.
Le 29 juillet, soit tout juste un mois après, une autre famille, la succession Ndouop Molu Marc Aurèle pour la nommer, a exercé auprès de la même institution étatique un recours ayant le même objet : retrait de l’arrêté référencé plus haut, ordonnant aux autorités sous sa compétence (sous-préfet de Yaoundé I et maire de Yaoundé Ier) d’exécuter la pose de scellés sur un immeuble de 925 mètres carrés immatriculé autrefois au nom de Marc Aurèle Molu, mais déclaré d’utilité publique suite à un décret du chef de l’Etat daté du 08 avril 1986.
Les immeubles litigieux opposant des familles à l’Etat du Cameroun sont tous situés dans les alentours de la présidence de la République du Cameroun. A sa mort en janvier 2012, Atangana Philippe revendiquait deux titres fonciers (TF) : le TF n°2348/Mfoundi sis en face de la Société nationale des hydrocarbures (Snh), d’une superficie de deux hectares 52 ares 56 centiares ; le TF n°2647/Mfoundi dont l’immeuble correspondant est situé à l’entrée de la Présidence de la République du côté du Mont-Fébé d’une superficie de 10 hectares 41 ares 87 centiares, et un troisième de sept hectares environ. L’immeuble bâti de la succession Molu est situé à Mballa II, plus précisément en contrebas de l’actuel immeuble-siège du Conseil économique et social, et est l’objet du TF n°5729/Mfoundi.
Le Mindcaf à la manoeuvre
En 2006 donc, un décret présidentiel instruisait l’expropriation des immeubles querellés d’une superficie totale de 23 hectares et leur incorporation au domaine privé de l’Etat.
Ce patrimoine devait abriter le nouveau Centre administratif de la capitale politique. Or, l’article 13 du décret n°87/1872 du 18 décembre 1987 portant application de la loi n° 85/9 du 04 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation précise : « l’arrêté de déclaration d’utilité publique devient caduc si, dans un délai de deux (02) ans à compter de la date de sa notification au service ou organisme bénéficiaire, il n’est pas suivi d’expropriation effective (…) ». Depuis lors, il n’y a pas eu d’expropriation selon des documents en notre possession, la construction du centre administratif non plus n’a pas été effective.
C’est donc tout naturellement, et forts de la caducité constatée, que les familles concernées n’ont pas cru devoir déguerpir, y compris certaines d’entre elles qui avaient perçu des indemnités. Feu Atangana entreprend dans cette perspective une procédure auprès de la conservation foncière en vue de la restitution des originaux de ses titres fonciers, mais il lui est signifié que les documents sont perdus ou détruits.
L’ordonnance rendue en sa faveur par le Tribunal de première instance de Yaoundé l’autorisant à se faire établir des duplicatas, n’a jamais été exécutée. C’est dans cette confusion que le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) délivre à l’Etat le titre foncier titre foncier n°41202/Mfoundi du 06 août 2008 « en violation de la loi, dès lors que ledit décret d’expropriation était devenu caduc », selon les requérants.
Expulsée en 2008, la succession Molu n’a pas pu expulser à son tour, deux ans plus tard, le ministère des Affaires sociales (Minas) qui avait pris possession de son domaine, bien qu’une décision de justice « définitive » y relative ait été rendue en sa faveur. Les familles redoutent des manoeuvres administratives orchestrées pour cause « d’utilité privée » et ayant pour finalité « la ‘‘revente partage’’ des propriétés entre les copains parmi lesquels le préfet du Mfoundi lui-même (Jean- Claude Tsila).
Au terme d’un morcellement du TF n°41202, il a été octroyé à monsieur Tsila un lot de 812 mètres carrés à Mballa II, le 20 octobre 2014, suivant un arrêté du Mindcaf daté du 21 novembre 2013. Pour un montant de 2.250.000 F Cfa. Un officier de marine en service à la présidence a bénéficié le 09 septembre 2013, toujours à Mballa II, de 818 mètres carrés. Hier après-midi à 18h…, le reporter du Jour a eu le préfet au téléphone. L’autorité a affirmé : « Je suis à un séminaire ».