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Mora: un jeune bastonné à la machette par la police

Ville De Mora Le jeune homme a été condamné à 5ans de prison pour vol de moto

Mon, 4 Dec 2017 Source: psydh.com

Le 21 juillet dernier, nous dénoncions les méthodes licencieuses, indécentes et scabreuses du Commandant de la Brigade Territoriale de Mora(CBTGM). Cet Officier de Police Judiciaire chevronné était au cœur d’une pratique qui nous rappelle l’époque de la GESTAPO.

En effet, le jeune ABDOUL-AZIZ ABDOULAYE, 26 ans domicilié à Mora est présumé coupable de vol d’une moto. Il est arrêté le 28-6-2017, bastonné à la machette et soumis à plusieurs formes de tortures, visant à lui arracher les aveux. Plus les séances de tortures allaient crescendo, plus il maintenait sa non culpabilité.

Puis vint ce jour où le plaignant désiste et fait comprendre que sa moto était entre d’autres mains. Il fallait donc libérer ABDOUL-AZIZ ABDOULAYE déjà très souffrant et lui permettre de suivre les soins d’urgence. Le refus du CBTGM surprend puisque son maintien ne se justifiait plus.

La colère de la famille monte, les pressions se multiplient, puis vint le 02 Juillet dernier, jour où ABDOUL-AZIZ ABDOULAYE est soustrait des cellules et transféré d’urgence dans une clinique de la Place. Après cinq jours d’hospitalisation, ne pouvant plus tenir financièrement, il est autorisé à retourner en famille et continuer ses soins concomitamment.

Le bilan médical est troublant :

• CERTIFICAT MÉDICO-LÉGALE du 08 Juillet 2017 signé du Docteur IBECK Marcel, Médecin à Mora, nous lisons : « Lésions dorsales surinfectées, de contusions thoraciques (…) Membres Inférieurs d’une impotence fonctionnelle.(…) Incapacité de 25 jours. »

• CERTIFICAT MÉDICO-LÉGALE signé du 10 juillet 2017 par le Médecin traitant et Directeur de la CLINIQUE LA VOLONTÉ du Dr MOUSSA DJIDDA, nous lisons : « Multiples plaies contuses et infectées du dos et des membres inférieurs. La radiographie ne montre aucune lésion osseuse. (…) Incapacité physique partielle de 30 jours, sous réserve de complications ultérieures. »

La justice est-elle aux commandes de qui ?

Le 14 novembre dernier, contre toute attente, le tribunal de Mora qui juge cette affaire, affiche une kyrielle de contradictions. On a vite l’impression d’assister à une pièce théâtrale…La gendarmerie mise en cause ne comparaît pas. La torture et traitements dégradants subis par ABDOUL-AZIZ ABDOULAYE ne sont pas à l’ordre de jour…On y parle de tout, sauf de l’essentiel. Et à la fin, c’est ABDOUL-AZIZ ABDOULAYE qui écope de 05 ans de Prison assortis d’une amende de cent mille francs. Surprise générale.

Le Ministère Public essaye en vain de recentrer les débats, non sans remettre en cause la peine infligée au pauvre ABDOUL-AZIZ ABDOULAYE. Les carottes sont cuites et la messe dite. M. ABDOULAYE BOUKAR, 69 ans et père d’ABDOUL-AZIZ ABDOULAYE nous livre ses impressions à la suite de ce procès qui lui a fait penser à un règlement de compte.

Entretien avec le père de la victime

La nuit a été très longue, après le verdict qui condamne votre fils à 5 ans de prison…

Très longue. Ce que j’ai entendu au tribunal me fait penser que la vérité n’est plus unique et acceptée de Dieu. C’est de la pure fabrication du plus fort, du plus influent. Le sort de chaque individu peut aussi dépendre de l’humeur du plus fort. Et lorsqu’en justice un magistrat intimide et ridiculise celui qu’il juge, je comprends que ça ne va pas.

Que voulez-vous dire concrètement ?

Je ne sais pas exactement ce qui envoie mon fils en prison. Tout y est flou.

Comment expliquez-vous cela ?

Mon fils dans les mains des gendarmes, est battu comme l’on aurait frappé un serpent boa.

Blessé sans soins et mal alimenté, il est resté enfermé dans les cellules durant cinq jours. Il a fallu des acrobaties pour que le Commandant de brigade accepte que nous le conduisions à l’hôpital. La suite vous le savez. La famille s’est investie pour les soins. J’attendais au tribunal les conclusions de l’enquête après que Yaoundé ait envoyé à Mora des enquêteurs entendre mon fils et ses tortionnaires. A ma surprise, c’est mon fils qui est condamné…

Pourquoi l’avait-on arrêté au départ ? N’est-ce pas pour cela qu’il est condamné ?

Accusé de vol sans preuves et par la suite, le plaignant s’est excusé en disant que la moto se trouvait ailleurs. Hier à la barre, le même ancien plaignant a réaffirmé que mon fils n’avait jamais volé sa moto. Et même si mon fils l’avait fait, fallait-il cinq jours de tortures pour le corriger ? Fallait-il le battre avec la machette jusqu’à ce point ? Fallait-il humilier mon ethnie à la barre ? Je suis surpris…

Qu’est-ce qui vous fait croire que votre ethnie a été indexée au tribunal ?

Lorsque le juge demande à mon fils le nom de son ethnie, il répond PODOKO. Et immédiatement il s’est livré à une forme d’injures qui consistait à établir négativement des ressemblances entre l’apparence de mon fils et les particularités de notre ethnie. Ne trouvez-vous pas cela injurieux ?

Qu’a-t-il dit réellement à votre fils ?

« Voilà, tu ressembles à ton village, ton habillement, ta façon de parler, ta manière d’être ressemble aux PODOKOS »

Où en est le mal ?

Nous sommes une minorité ethnique dans le mayo-Sava qui a trop souffert de la dictature des plus nantis, des plus forts et des plus influents qui nous ont toujours traités en esclaves.. Et lorsqu’on se permet de nous le rappeler en public et avec mépris, cela dérange, cela trouble. Je ne peux pas prendre cela pour de la blague. On ne va pas au tribunal blaguer, mais trancher.

Peut-être n’avait-il pas cette intention-là ?

Je ne vous crois pas. Il y avait de la vengeance dans ces mots. Puisqu’il a dit en plus, parlant de ma fille, la grande sœur d’Abdoul que « votre sœur se croit très importante(…) elle a les moyens et l’audace de vous défendre partout. Dès qu’il y a moindre problème, elle saisit les Droits de l’Homme (…)

Je vais vous envoyer en prison(…) C’est moi qui décide à Mora aujourd’hui (….) et Yaoundé viendra régler votre problème après. » Comment appréciez-vous cette déclaration de guerre ? Où est le rapport entre l’affaire qu’on jugeait et le fait que ma fille se soit positionnée dans la défense des Droits de son petit-frère ?

Pourquoi et au profit de qui, selon vous le Juge se vengerait-il ?

Je voudrais d’abord savoir pourquoi les gendarmes qui ont torturé mon fils n’étaient pas convoqués à la barre ? Qu’est-ce qu’on jugeait réellement hier puisqu’il n’y avait ni plaignant, ni accusé, mais surtout un torturé en l’absence de ses tortionnaires ?

Comme il a parlé de mon ethnie PODOKO, je me permettrais aussi de me demander si le fait qu’il soit comme le Commandant de Brigade de l’ethnie TOUPOURI, ne justifie–t-il pas son agitation et l’apparent soutien qu’il accorde à ce dernier qui est l’un des tortionnaires de mon fils ?

Trouvez-vous que cela soit possible ?

Ce que j’ai entendu hier m’oblige à penser de cette façon. D’ailleurs, lorsque je regarde comment le Procureur réagissait, je comprends que lui aussi n’était pas d’accord avec la conduite du procès.

Qu’entendez-vous faire à l’immédiat ?

(Yeux larmoyants puis en sanglot)…….

Et après, si on vous demandait de proposer une autre manière de traiter cette affaire, que feriez-vous ?

(Long silence, nettoie ses larmes) Je pense que le pays se porte mal parce que, certains camerounais sont au-dessus de la loi. Que voulez-vous que la jeunesse copie comme exemple, lorsqu’un Commandant de Brigade avec preuves est accusé de tortures, de tentative d’assassinat de mon fils à qui, il a refusé les soins médicaux alors qu’il croupissait dans ses cellules ? Est-il normal qu’un monsieur comme celui-là reste en poste, impuni, dans la même ville et bénéficie de la protection de la Justice ?

Est-ce qu’il est poli pour un magistrat de froisser publiquement quelqu’un à la barre en passant par son ethnie qu’il essaye de ridiculiser ? Avait-il besoin d’évoquer publiquement la sœur de celui qu’il juge à des termes de menaces et de mépris ?

Source: psydh.com