Catastrophe de Ndogbong. La thérapie des pouvoirs publics camerounais, tout comme le diagnostic effectué suite à l'effondrement de deux immeubles R+4 au quartier Ndogbong de Douala, et d'une maison à étage au quartier Bépanda, ne s'attaque pas aux problèmes de fond.
Mercredi 26 juillet 2023. Quatre jours après l'effondrement d'un immeuble de quatre étages au quartier Ndogbong, dans l'arrondissement de Douala 5ème, les fouilles n'étaient toujours pas achevées sur le site de cette catastrophe, à quelque trois cents mètres de la société Guinness Cameroun. Elles se poursuivaient après avoir été interrompues momentanément lundi. Du coup, l'espoir de retrouver les derniers survivants s'était aménuisé considérablement. Des soldats du 20ème Groupement du corps des sapeurs-pompiers s'affairaient encore à la recherche d'éventuels corps, fouillant sans relâche dans les décombres, à la recherche d'autres victimes piégées sous les gravats. Ils utilisent, pour ce faire, les mêmes moyens rudimentaires en leur possession : tout juste cette pelleteuse mobilisée sur le site dimanche aux environs de 9h30, soit un peu plus de neuf heures d'horloge après l'effondrement survenu peu après minuit, d'après plusieurs témoins interrogés. Pas de trace d'un chien renifleur d'odeurs de cadavres ou de vie humaine tout court, comme le voudraient la norme et les usages dans ces circonstances et ce genre d'intervention de secours, où l'urgence est vraiment signalée. Au contraire, jusque dans l'après-midi du mardi 25 juillet, certaines familles présentes sur le site et impatientes de retrouver les leurs, vivantes ou mortes, étaient invitées à lancer l'appel sur le téléphone de ces éventuelles victimes, histoire d'alerter les secouristes sur la position de ces éventuels corps ou rescapés, et de guider l'engin employé aux fouilles. Une astuce d'autant plus questionnable que, près de trois jours après la survenue du drame, la probabilité que des téléphones soient éteints ou abîmés, dans ce sol vaseux et sans doute imbibé d'eau, est bien forte.
Déjà 40 morts
Le résultat de ces moyens moyenâgeux est que moins de personnes victimes ont pu être sauvées. Au soir du mercredi, le nouveau bilan faisait état déjà de 40 morts et 20 blessés. Car le décompte de lundi dernier, confirmé par les sapeurs-pompiers, ne prenait pas en compte les décès enregistrés dans les formations hospitalières où les dépouilles et les blessés graves ont été acheminés, notamment l'hôpital Laquintinie et l'hôpital de district de Deido.
Par ailleurs, certaines familles disaient être toujours sans nouvelles de leurs proches parents. Un chef de famille approché par nos confrères d'Equinoxe radio affirmait avoir fait le tour des deux hôpitaux à la recherche de sa fille et de sa petite-fille, probablement présentes dans l'immeuble de quatre étages du quartier Ndogbong, lors de son effondrement. Mais c'était peine perdue pour ce grand-père.
Des mesures inappropriées
La mobilisation du gouvernement et les moyens déployés ne sont toujours pas proportionnels à la gravité de la situation de crise. Du moins pas pour l'heure. Mardi, au lendemain de la visite éclair de la ministre du Développement urbain et de l'Habitat à Douala, son homologue de la Communication, René Emmanuel Sadi, a effectué une sortie, via un communiqué, pour annoncer les mesures d'ores et déjà prises par le gouvernement. Il en ressort que les municipalités sont les principales institutions et chefs d'orchestre appelées à mettre en application la batterie de mesures préconisées. Il leur est demandé notamment de procéder, « toutes affaires cessantes », à une vaste campagne de recensement des constructions à risques sur leurs collectivités territoriales décentralisées respectives. Ensuite, elles devraient mettre sur pied un dispositif de collecte des dénonciations faites par les populations au sujet des constructions hors normes. Enfin, ces mairies doivent intensifier des campagnes de contrôle et de pose de scellés sur les constructions ne respectant pas les normes et les procédures exigées en la matière. Des groupes de travail intersectoriels doivent être mis en place au sein de ces collectivités, avec pour principale mission d'informer le pouvoir central sur les modes d'intervention les mieux appropriés en vue d'une prévention plus efficace, suivie de répressions sévères des comportements relevant de l'incivisme, constatés dans le domaine des constructions. Toutes ces mesures sont d'ores et déjà sujettes à de vives critiques de la part des experts et des observateurs avertis. Elles sont impopulaires, inefficaces, et portent les germes de leur propre caducité. Car ce n'est pas la première fois que de telles mesures sont prises après la survenue d'une catastrophe, même de moindre ampleur. Nombre d'autres « hautes instructions » qui les ont précédées, ont fini dans les tiroirs de l'oubli. Tout comme « l'ouverture des enquêtes », souvent annoncées tambour battant. Surtout que, dans un État toujours hyper centralisé, les communes réclament toujours plus de moyens qu'elles n'ont pas. Secundo, la bureaucratie et les lourdeurs administratives constituent toujours des freins non négligeables.
Corruption systémique généralisée
De plus, les problèmes de fond sont connus et se situent en amont. Les faux permis de bâtir essaiment et se distribuent parfois comme des petits bouts de pain, conséquence de la corruption systémique généralisée. Les statistiques les plus récentes font état d'une centaine de milliers de constructions réalisées dans la ville de Douala sans l'obtention préalable d'un permis. L'ex-ministre des Domaines, du Cadastre et Affaires foncières, Catherine Koung À Bessike, citée par un haut cadre de la Mairie de la Ville de Douala, a, pour sa part, récemment indiqué que 13 000 titres fonciers frauduleusement délivrés, sont recensés. Un conseiller de la commune urbaine d'arrondissement de Douala 2ème, par ailleurs grand conseiller à la Mairie de la Ville, a déclaré sur les antennes d'une station de radio émettant depuis la capitale économique, que 1850 immeubles sans permis de bâtir ont été recensés dans la seule commune de Douala 5ème où s'est produit le drame dans la nuit du 22 au 23 juillet dernier. Il évoquait en outre 1854 procès dans lesquels la Mairie de la Ville de Douala serait impliquée, en rapport avec les constructions anarchiques. C'est la preuve que le problème est structurel. Et donc au-delà des compétences des institutions locales.
Théodore Tchopa