Nécrologie : émouvant lettre ouverte au ministre Dakolé Daïssala

Dakolé Daïssala

Wed, 2 Nov 2022 Source: Albert Dzongang

A TOI CHER DAKOLE DAISSALA

Je me souviens des années où tu officiais comme Directeur Général de la SOTUC, et nos virées nocturnes pleines de gaieté.

Je me souviens aussi de cette période noire, que tu as passée dans les geôles du Renouveau et des tristes souvenirs des souffrances que tu en as gardé. Tu n’as cessé de dire que tu as été mêlé à une affaire dont tu étais étranger.

Je me souviens de ta joie d’avoir retrouvé ta liberté, quoi que moins exubérant, et plus allié à cet ami qui ne te quittait plus, l’alcool. Je voudrai parler d’un épisode de ta vie, celui qui t’a vu en 1992 élu avec cinq autres membres de ton parti, Député à l’Assemblée Nationale du Cameroun, en même temps que moi.

Lors de nos rencontres, alors que, le RDPC mon parti d’alors cherchait comment se sortir du piège de l’opposition, après son échec aux législatives. Tu m’as dit : « Dzongang, quand tu vas manger avec ton ami Paul Biya, dis lui qu’au Nord, il n’y a pas que des moutons, il y a quelques boucs, et j’en fais partie. Votre connerie est terminée et le Cameroun va être libéré ».

Mon parti avait fait démissionner les cinq Députés UNDP des Bamboutos, ignorant que la loi électorale prévoyait que les Suppléants viendraient remplacer les démissionnaires, un véritable fiasco, mené par le très regretté TCHOUTA MOUSSA, à coup des millions, pensant ainsi régler le problème de la minorité du parti au pouvoir à l’Assemblée Nationale.

Tu le disais, fort de ce que, ce qui s’appelait opposition à l’époque (UNDP, UPC et MDR) avait la majorité absolue et pouvait prendre les rênes du pouvoir législatif et imposer des changements au gouvernement. Il est vrai que dans notre camp, c’était la grande déception et nous attendions seulement qui de vous allait devenir Président de l’Assemblée Nationale et avec quelle conséquence sur la gouvernance du pays.

Tu étais loin, dans ta naïveté et ton envie d’en découdre avec tes bourreaux d’hier, de penser que l’UPC et l’UNDP avaient les mêmes objectifs que toi. Nous aussi au RDPC avons été agréablement surpris de voir ces opposants nous approcher pour négocier des postes, c’était le monde à l’envers. Celui qui au vu des résultats était le gagnant, demandait des faveurs au battu. Comme l’un et l’autre se montraient gourmands, exigeants le poste de Premier Ministre ou tout autre avantage hors norme, le pouvoir t’a approché et t’a fait écouter certains échanges entre tes collègues de l’opposition et le RDPC.

Tu t’es senti trahi, lâché et tu as décidé de leur couper l’herbe sous le pied, en concluant un accord avec le pouvoir pour lui permettre d’avoir une majorité à l’Assemblée Nationale, passant de 98/180 à 104/180 Députés. L’UNDP et l’UPC n’ont eu que leurs yeux pour pleurer, et ont négocié fort, au rabais cette fois-ci pour entrer au gouvernement.

Lors des accords, le RDPC a pris des dispositions pour régionaliser ces partis. Ainsi une clause voulait que les postes ministériels accordés à l’un et l’autre leader soient tous de leurs régions d’origine respectives. Nordistes pour l’UNDP, Bassa en gros pour l’UPC de KODOCK.

L’opinion a cru que le traitre de l’opposition ayant roulé le peuple, était toi. Je tiens, aujourd’hui que tu n’es plus là pour te défendre, à rendre ce témoignage pour ton honneur et le repos de ton âme.

Je ne saurais terminer sans relever ta lutte permanente pour un Cameroun dépourvu du tribalisme. Tu ne cessais de nous rappeler que ton fils s’appelle Toupourbami (Toupouri Bamileké), montrant ainsi ta vision d’un Cameroun uni et solidaire.

L’histoire de notre pays te réservera la place que tu mérites. J’espère que d’autres boucs naîtront dans ta région, pour y impulser un développement et un éveil de conscience. C’est indispensable pour le devenir de ce beau pays que tu as aimé à ta manière.

Vas cher combattant

Ecce Homo

Requiescat in pace !

Albert Dzongang

Source: Albert Dzongang