Au Cameroun anglophone, les groupes armés indépendantistes, connus sous le nom d'"Ambaboys", ont récemment changé de tactique en raison de revers militaires, de divisions internes et de leur affaiblissement général. Ils ont adopté de nouveaux modes d'action, notamment le racket, les enlèvements avec demande de rançon, et même les attentats, compromettant ainsi leur légitimité auprès des populations, relate Rfi dans un dossier.
Une marche pacifique organisée par trente femmes à Kedjom Keku, près de Bamenda, la capitale de la région du Nord-Ouest, le 19 mai 2023, pour protester contre les agissements des groupes armés indépendantistes, a mis en lumière cette évolution. Les manifestantes ont été enlevées par ces groupes, puis libérées quatre jours plus tard, prétendument après un échange. Selon les autorités locales, elles auraient été torturées pendant leur détention. Toutefois, certains analystes estiment que ces femmes n'ont pas été violentées, suggérant que les groupes armés utilisent désormais la guerre comme une source de revenus après avoir été déstabilisés et démantelés par les forces conventionnelles.
Les groupes indépendantistes ont considérablement perdu en influence et en capacité opérationnelle, principalement en raison de conflits internes entre factions rivales. Ils ont quasiment cessé leurs activités dans les centres urbains, mais continuent de harceler les populations dans les zones rurales, en procédant à des enlèvements, des extorsions d'argent et des attaques contre des établissements financiers et des particuliers. Cette évolution témoigne de la baisse relative de l'efficacité de leurs autres modes d'action. Selon Yerima Kini Nsom, rédacteur en chef du bihebdomadaire anglophone The Post, la situation actuelle reflète une diminution de la létalité des groupes armés qui se sont tournés vers des activités criminelles.
L'usage de la violence a évolué vers des actes de terrorisme pur, tels que les attentats à la bombe, comme cela a été observé à Buea, dans le Sud-Ouest du pays, lors de la compétition de l'ascension du Mont Cameroun en février dernier. Les groupes armés utilisent également des engins explosifs de manière indiscriminée pour semer la peur et causer des dommages. Les braquages, les rackettes, les enlèvements avec demande de rançon, ainsi que les attaques contre les établissements financiers et les particuliers, sont perpétrés par des groupes plus ou moins affiliés aux mouvements indépendantistes. Cela témoigne d'une diminution de l'efficacité des autres modes d'action utilisés par ces groupes.
Les groupes indépendantistes ont subi d'importants revers militaires face aux forces conventionnelles, ce qui a conduit à leur affaiblissement progressif et à leur orientation vers des activités criminelles. Des pays influents ont coupé les chaînes d'approvisionnement qui soutenaient ces groupes, portant ainsi un coup dur à leur capacité d'action. De plus, la nomination d'un commandant expérimenté dans la lutte asymétrique à la tête des régions en crise a renforcé les forces de défense, réduisant ainsi l'activité des groupes armés dans les grandes agglomérations.
Malgré leur affaiblissement, les "Ambaboys" continuent de harceler les forces de sécurité en attaquant les postes de gendarmerie, la police, ainsi que les convois militaires et les autorités. Ils utilisent des mines et des engins explosifs improvisés. La persistance des "villes mortes" dans certaines localités témoigne de leur présence et de leur volonté de perturber la vie quotidienne.
Les nouvelles stratégies adoptées par les groupes armés séparatistes anglophones, axées sur les rackets et les enlèvements avec demande de rançon, risquent de compromettre leur légitimité et de les éloigner progressivement des populations, qui manifestent une certaine lassitude vis-à-vis de la guerre. Certains spécialistes estiment qu'une solution politique est nécessaire pour résoudre durablement cette crise, en renforçant ou en faisant évoluer les décisions prises lors du "grand dialogue national" de septembre-octobre 2019, où des personnalités politiques, des experts et des autorités se sont réunis pour trouver des solutions à la crise anglophone. La promulgation d'un Code général des collectivités territoriales décentralisées en décembre de la même année témoignait également de cette volonté politique, mais son application n'a pas réussi à endiguer la crise qui sévit depuis quatre ans.