NOSO : voici d'où proviennent les financements et les armements des sécessionnistes

Les combattants séparatistes du NOSO

Wed, 6 Oct 2021 Source: Défis Actuels n°538

Débutée dans sa phase militaire en octobre 2017, notamment avec une revue des troupes de ses responsables autoproclamés « ambazoniens » dans la localité de Dadi, frontalière avec le Nigeria, la crise anglophone connait une évolution sécuritaire délicate du fait de la résilience dont font montre les combattants sécessionnistes.

Une situation largement rendue possible grâce à l’armement de pointe dont dispose désormais les « ambazoniens » et qui pose la question cruciale de leur provenance et surtout de leurs sources de financements. Les milices traditionnelles

Sur le théâtre des opérations, l’on compte environ sept milices armées qui constituent le gros lot des combattants sécessionnistes et terroristes. Parmi ces combattants et insurgés, l’on enregistre un nombre importants de miliciens traditionnels. Simples villageois, et généralement anciens chasseurs ou « tireurs traditionnels » lors de différentes cérémonies funéraires ou de mariages. Ceux-ci sont essentiellement armés des fusils traditionnels qu’ils ont détournés de leur usage de base pour des causes néfastes.

Etant la plupart du temps séduits par le mirage de l’Etat illusoire de l’Amba-zonie qui leur a été vendu au départ par certains pyromanes anglophones, ils réalisent de plus en plus la gageure de leur situation. Comme le dit Valentine Akpana Odepo, chef du second degré d’Akwaya, « L’Ambazonie pour nous, c’était quelque chose qui venait avec un vent très fort. Mais après on a vu que c’était un mirage. On n’y croit plus. C’était un rêve où on se disait qu’il y avait quelqu’un qui est hors du pays, qui viendrait avec beaucoup de choses, on ne l’a jamais vu, on ne sait pas comment il est. ».

C’est sûrement ce désenchantement des populations qui conduit ces miliciens à user de la violence pour imposer leurs différents mots d’ordre ainsi que leur autorité, car il faut bien qu’ils survivent. Et pour cela, ils ont besoin des « contributions » des populations en termes de vivres et surtout des moyens financiers pour l’achat des munitions. C’est ainsi que des séances quotidiennes de « contributions à l’effort de guerre » sont organisées sur les places des villages.

Les criminels et les trafiquants

.C’est un secret de polichinelle que pendant très longtemps, une bonne partie des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun échappait à la pleine maitrise des autorités, comme c’est souvent le cas dans bien des endroits de l’arrière-pays dans les Etats africains. Profitant de ces « zones grises », des criminels ont développé des trafics en tous genres entre le Cameroun et le Nigeria.

A la faveur de l’émergence de la crise anglophone, et surtout sa militarisation, ces trafiquants, fins connaisseurs des routes et autres sentiers au cœur des forets et montagnes des régions anglophones, ont profité pour établir un véritable réseau d’approvisionnement en armes dont ont besoin les sécessionnistes terroristes. Avec à la clé, d’importants bénéfices, comparativement à ce que leur offrait leurs anciennes activités de trafics de carburant frelatés ou encore de produits pharmaceutiques de contrebande.

Les mercenaires nigérians

En plus de bénéficier de l’appui logistique des nigérians, les milices ambazoniennes comptent dans leurs rangs des dizaines de mercenaires nigérians. Ces derniers arrivent en général au Cameroun avec leurs propres armes et munitions et servent comme formateurs ou combattants. Certains sont d’anciens combattants et/ou des laissés-pour-compte des accords passés entre le gouvernement nigérian et les groupes politico-militaires du Delta du Niger ; d’autres sont de simples criminels qui ont trouvé refuge dans l’Etat de Cross River, frontalier du Cameroun, pour échapper à l’opération « Delta Safe 1 » lancée en 2016 par l’armée nigériane pour lutter contre la criminalité dans le Delta.

Les extorsions et les prises d’otages

Au départ financées quasi exclusivement par la diaspora, les milices semblent s’autonomiser. C’est ainsi que pour financer leur « combat » les ambazoniens imposent aux populations diverses « taxes de guerre ». De très nombreuses personnes originaires de ces régions ont vu leurs parents enlevés contre paiements de rançons, tandis que la majorité des élites reçoivent des messages marqués « ground-zero » et dans lesquels ils sont menacés d’enlèvement, de meurtre ou de voir leurs biens incendies, s’ils n’envoient pas dans les plus brefs délais des sommes faramineuses, atteignant souvent des dizaines de millions.

Cette relative indépendance financière leur permet de s’émanciper des organisations politiques de la diaspora. Faisant fi de leurs consignes sur le respect des droits des civils, elles commettent des abus et s’aliènent progressivement les habitants. Face à une population moins coopérante, elles ont davantage recours à la violence pour se faire obéir.

Il en est également de la « diaspora » qui se voit infliger des « amendes » pour pouvoir venir en vacances ou pour pouvoir inhumer un proche au village. Résultat des courses, de nombreux anglophones sont interdits de séjour dans leurs localités d’origine et sont obligés de procéder a des évènements majeurs tels que les deuils et les mariages dans la zone francophone ou à l’étranger.

Une certaine diaspora anglophone

A côté de cette diaspora anglophone victime des extorsions des ambazoniens, il existe une autre frange qui s’est donnée pour principale activité d’armer et de financer les sécessionnistes terroristes.

C’est ainsi que plusieurs des personnes incitant à la haine et à la violence sont basées à l’étranger : Mark Bara alias Baréta (Belgique), Ayaba Cho Lucas (Norvège), Tapang Ivo Tanku, Akwanga Ebenezer Dereck Mbongo, Nsoh Nkem Fon-cha, Chris Anu, Yinkfu Nsangong, Boh Herbert (Etats-Unis d’Amérique), Shey Kaavi Wo Melim (Autriche), Akoson Pauline Diale et son époux Akoson Raymond, Brado Etchu Tabenyang (Nigeria), John Mbah Akuro, Larry Eyong (Afrique du Sud).

Ces soutiens des réseaux terroristes procèdent par ailleurs à des collectes de fonds à partir de leurs pays de résidence pour l’achat d’armes et le financement des activités terroristes. Le Gouvernement camerounais a engagé des démarches auprès des autorités desdits pays pour qu’elles mettent un terme aux activités de soutien au terrorisme menées sur leur territoire. Les réactions à cet égard restent attendues.

Le jeu trouble de certaines grandes puissances

La semaine du 1er au 7 juillet 2020 avait été marquée par la visite d’une délégation du Congrès américain conduite par la démocrate Karen Ruth Bas$. Mais au-delà des formules convenues et diplomatiques au sortir de ses différentes, rencontres avec le premier ministre, Joseph Dion Ngute, les membres du gouvernement et ceux de la société civile, il n’en demeure pas moins que cette tournée vient marquer un autre épisode dans les relations plus que délicates entre les autorités camerounaises et ceux du pays de Donald Trump. Et ce depuis belle lurette.

La crise qui prévaut depuis plus de trois ans dans les régions anglophones n’échappe pas à cette locjique américaine au Cameroun. En effet, tout porte à croire que depuis le debut, les autorités américaines ont pris fait et cause pour les mouvements indépendantistes américains.

Tout d’abord, une rapide observation permet de constater que la très grande majorité des leaders et financiers des groupes sécessionnistes résidente aux Etats-Unis, certains en possèdent la nationalité. Et il est assez curieux qu’en dépit de la législation américaine sur le financement du terrorisme, et qui est souvent source de tracasseries pour les transferts de fonds pour les hommes d’affaires, ceux-ci mènent de manière plus que paisible leurs activités. Ensuite, bien que l’on puisse comprendre la préoccupation des américains pour le respect des droits de l’homme dans le cadre de ce conflit, tout porte à croire que le pays de l’Oncle Sam tant à réduire les marges de manœuvre des forces de défense et de sécurité.

C’est ainsi que dans un premier temps, suite à l’activisme de certains parlementaires américains tel que Dick Durbin, les Etats-Unis ont décidé en février 2019 de réduire drastiquement leur aide militaire au Cameroun, et dont le fait le plus symbolique aura été le retrait des 300 soldats engagés au grand nord dans le cadre de la lutte contre Boko Haram. Cette « sanction » est d’autant plus questionnable si l’on la met en parallèle avec ce qui se passe en Arabie Saoudite, au Yémen ou en Israël qui bénéficient d’un très large soutien militaire américain.

Enfin, la résolution No H. res 358/ Sl/116e Congres du sénat américain portée par Karen Bass. Une lecture, même rapide, de celle-ci permet de faire deux constats majeurs-évidents : d’un côté l’incrimination systématique et drastique du gouvernement du Cameroun, et de l’autre, la quasi-protection des séparatistes qui sont mis sur le même pied d’égalité que les forces de défense et de sécurité du Cameroun. Ce qui traduit à suffisance la démarche globale américaine dans la cadte de cette crise et qui laisse quelque peu interloqué.

Source: Défis Actuels n°538