L’engagement de Lapiro de Mbanga lui vaudra de rencontrer le sinistre Jean Fochivé, chef de la politique. C’était d’ailleurs la première rencontre entre Lapiro de Mbanga et Jean Fochivé.
Voici le récit de la première rencontre entre Lapiro de Mbanga et le sinistre Jean Fochivé.
« Fochivé : Ainsi, c’est toi le fameux Lapiro qui m’empêche de dormir depuis quelques temps ?
Lapiro : Père, ma musique, je ne la joue pas pour faire dormir les gens. C’est surtout pour les faire bouger. Je crée une ambiance qui aide les jeunes à oublier leurs misères quotidiennes,
Fochivé : Lapiro, tu sais bien que ce n’est pas de ta musique que je parle, En tant que musicien, tu n’as jamais causé du tort à personne.
Je pense que tu as même beaucoup fait pour cette jeunesse qui, je le reconnais, est malheureusement abandonnée à elle-même à cause de la conjoncture assez difficile. Tu as dit des vérités pleines d’humour qui n’ont pas laissé nos responsables insensibles.
Lapiro : Père, je ne pensais pas que vous compreniez nos langages codés de la rue.
Fochivé : Ne te trompe pas. Tout le monde te comprend. Le “ big cashicka de ngolla ” aurait bien aimé te rencontrer pour t’expliquer ses problèmes avec tes protégés.
Lapiro : Il ne m’a jamais invité.
Fochivé : Tu n’as laissé le temps à personne de te rencontrer. Le temps que ta popularité arrive jusqu’à nous, tu t’étais déjà positionné.
Lapiro : Vous auriez peut-être voulu que je rejoigne le camp du RDPC ? J'aurais contredit les thèmes de ma chanson.
Fochivé : Je crois mon fils que tu mélanges tout. Tes chansons n’avaient aucun caractère politique. Mais à travers leurs thèmes, tu apparaissais comme un dénonciateur d’une injustice sociale.
Les décideurs de ce pays étaient contraints d’en reconnaître l’existence. Par ailleurs, personne ne te demande de rejoindre le camp du RDPC. Tes sauveteurs te lâcheraient aussitôt. Tu aurais bien fait de ne pas te mêler de la politique, c’est un milieu où seuls réussissent les sans âmes et les cyniques.
Lapiro : Je n’ai à proprement parler pas d'ambition politique. Même au sein de cette opposition, je suis du côté des laissés pour compte. Je me sens investi d’une mission ; je suis leur porte-parole.
Fochivé : Ce que tu dis n’a pas de sens. Tu te déclares leur porte-parole, je n’en disconviens pas, mais auprès de qui ? Que peut faire l’opposition pour améliorer les conditions de vie de tes protégés ?
Je trouve que tu t‘es trompé de porte. C’est avec le pouvoir en place que tu aurais dû dialoguer et transmettre les doléances de tes sauveteurs. Je suis sûr que tu aurais obtenu quelques résultats à très court terme.
Au lieu de cela, tu t’es précipité à aller rejoindre des gens dont la seule ambition est de se trouver une place dans le cercle du pouvoir. Concrètement, que réclamez-vous ?
Lapiro : Nous réclamons la tenue d’une conférence nationale souveraine en vue de l’instauration d’une nouvelle forme de gouvernance.
Fochivé : Tu vois Lapiro, ce qui se passe aujourd’hui au Cameroun est une révolution. Toute révolution qui se voudrait pacifique nécessite une bonne préparation dans le temps et surtout, des hommes désintéressés et convaincus qui malheureusement ne naissent pas du jour au lendemain.
La nature les crée et leur donne l’opportunité d’émerger. Je parie tout ce que tu veux Que les prochains gouvernants de ce pays ne sont pas parmi ceux qui s'agitent en ce moment. Je suis en train de t’amener vers un débat que tu ne maîtrises peut-être pas.
Mais laisse-moi te donner une idée de la force de la nature. Notre rencontre aujourd‘hui. Si elle devait être organisée, aurait nécessité la prise de certaines dispositions. Je te fais remarquer son caractère fortuit.
Tu n’es pas Ni John Fru Ndi et je ne suis pas le Président Biya mais, à cause de nos positions auprès de ces hommes, ce que nous déciderons ici pourrait changer le destin de ce pays.
Lapiro : Père, j'ai bien peur que vous ne soyez en train de donner au Chairman un pouvoir qu’il n'a pas encore. Il est peut-être le leader du SDF mais il ne donne pas des ordres à la Coordination… Quant à ce qui me concerne, je n’ai pas Jusqu'à ce jour réussi à faire passer une seule de mes idées.
Je respecte et fais appliquer les résolutions prises majoritairement lors de nos réunions, sans être pour autant convaincu de leur efficacité. Je n'ai aucune arme pour m‘imposer. Être l‘auteur de quelques chansons populaires, comme me l‘a dit quelqu‘un, ne me donne pas des privilèges sur le plan politique. Cependant, si je pouvais obtenir quelques réactions favorables à certaines de nos revendications, cela me permettrait de m‘imposer un peu plus au sein de la coordination.
Fochivé : A mon niveau, je ne peux pas vous donner la conférence nationale souveraine que vous réclamez.
Lapiro : Répé, ce n'est pas de cela que je parle. Je pourrais par exemple négocier la libération de Senfo Tokam et les autres étudiants qui ont été arrêtés par les forces de sécurité.
Fochivé : Je les connais. Et à propos, il y a un jeune avocat très actif au sein de votre Coordination, je crois qu’il est le fondateur d’une association de défense des droits de l’homme.
Lapiro : Maître Tchoungang ?
Fochivé : C’est son nom, Il est sur cette affaire. Je dois d’ailleurs le rencontrer pour qu’on en parle ».
« Au plus fort des villes mortes, Lapiro est accusé d'avoir trahi les siens et d'avoir été acheté par Fochivé. Se sentant traqué, Lapiro est désormais contraint de vivre caché d'hôtel à hôtel pendant des années. En effet, Lapiro s’était opposer à l’opération « villes mortes ». A cause de cette position tranchée, l’opposition l’accuse de trahison. Il échappe au lynchage. Sa boîte de nuit le « matango club » et son véhicule sont incendiés. Sa réplique, il la fera en chanson. A travers le titre, Na wou go pay ? (Qui va payer ?) il dénonce les violences et le vandalisme des villes mortes », commente Arol Ketch qui revient sur les détails de cette rencontre dans le livre « les révélations de Jean Fochive ».