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Ngaoundéré : une mauvaise nouvelle pour les populations

Image illustrative

Fri, 24 Nov 2023 Source: L'oeil du Sahel

L’abattoir industriel à l’arrêt depuis 04 mois

Les camions frigorifiques qui assuraient la livraison des commandes de viande sont bloqués à Yaoundé ; et la structure, depuis six ans, n’a jamais pu réaliser l’abattage de 250 têtes par jour, se contentant de 45 à 90 têtes par semaine.

L’abattoir industriel de Ngaoundéré ploie toujours sous le poids des factures d’eau et d’électricité à gérer. «Il s’agit d’abord de la facture de l’énergie électrique qui est d’environ trois millions Fcfa par mois. Et lorsque l’abattoir va tourner à plein régime, elle sera d’environ 10 millions Fcfa ; ce qui ne posera pas un problème si tout fonctionne à point. Pour ce qui est de l’eau, il en faut 400 litres pour traiter une carcasse. Donc, quand il va véritablement fonctionner, l’abattoir aura une capacité journalière de 100m3. Ainsi, pour le moment, nous utilisons environ 16m3 par semaine. En tout cas, la quantité d’eau est et sera suffisante même à plein régime. Il y a cependant la maintenance qu’il faut assurer, notamment graisser les machines, les vidanger, charger le gaz pour la chambre froide, etc. C’est un peu difficile actuellement, car l’abattoir ne fonctionne pas encore comme il devrait», confiait un responsable de l’abattoir de Ngaoundéré en 2018. Et la situation n’a pas véritablement changé. La structure budgétivore reste loin du compte, à propos du cahier de charge qui lui avait été assigné en 2017 lors de sa réception provisoire et sa remise à la Sodepa. En effet, la chaîne d’abattage ultramoderne est alors construite pour 250 têtes par jour. Mais, depuis six ans, au début, l’abattoir industriel de Ngaoundéré a commencé par 40 têtes par semaine. Par la suite, la structure a stabilisé son système d’abattage hebdomadaire tous les vendredis, de 45 à 90 têtes de bœufs. Ce, pour satisfaire les commandes de grands supermarchés des villes comme Yaoundé et Douala. Et pour y arriver, ce sont deux camions frigorifiques qui étaient chargés de convoyer cette viande maturée, essentiellement pour satisfaire les commandes. Mais depuis quatre mois, apprend-on de sources internes, ces camions sont retournés à Yaoundé, pour des raisons manifestement inconnues. Et les machines ne tournent plus depuis, le personnel motivé est pratiquement en chômage technique. L’abattoir industriel de Ngaoundéré ne fonctionne qu’humainement ; le personnel est en poste. Du sommet à la base, on semble s’être passé le mot : rien ne doit filtrer, il vaut mieux se méfier de la presse. Des étudiants de l’université de Ngaoundéré y font des stages, surtout ceux spécialisés dans le traitement des eaux usées du fait de la station d’épuration dont dispose la structure. Il y a aussi des étudiants en gestion du froid, mécanique, logistique. Un véritable atout pour ce qui est de la formation. Mais ici, se meurt un projet qui aurait bien contribué à relever l’abattoir. A l’image de l’abattoir moderne de Ndjamena, celui de Ngaoundéré a un entrepôt frigorifique d’une capacité de 2500 bœufs. On devrait donc, ici, procéder à des découpes de viande à empaqueter dans des cartons de 25, 30 et 50 Kg. Des subventions ont été reçues plus haut, apprend-on, et le seuil de sécurité devrait appuyer le projet de Ngaoundéré qui a l’avantage d’avoir des entrepôts. Mais les subventions auront été orientées à une autre fin, susurre une source au Minepia. En sus, une salle de découpe n’a jamais été aménagée au niveau de l’entrepôt. L’autre inquiétude populaire, c’est que Ngaoundéré n’a curieusement pas encore consommé la viande maturée issue de son abattoir industriel, six ans plus tard. La raison, la boucherie moderne qui devrait être construite à la suite de l’abattoir lui-même, n’a jamais vu le jour.

VOLONTÉ POLITIQUE

En tout cas, la première réalisation du Plan d’urgence triennal dans l’Adamaoua est à la peine depuis sa mise en fonctionnement en 2017. D’une capacité de 250 têtes de bovins par jour, elle a coûté 5,1 milliards Fcfa, pour construire sur une superficie de 1500 m2, un parc d’attente des animaux d’une capacité de stockage de 2000 bovins destinés à l’inspection ante mortem, un parc intérieur d’une capacité de 500 bovins destiné à l’abattage des animaux sains, une chaîne d’abattage, deux chambres de ressuyage entre 7°C et 0°C de capacité de 250 têtes, une salle d’expédition de produits, et surtout, l’entrepôt frigorifique de 1400 m3 dont le coût est de 800 millions Fcfa. «C’est très complexe. On a un abattoir moderne, c’est le seul au Cameroun qui a toutes les potentialités, le personnel est formé, mais il faut juste accompagner. Il y a un problème politique. On ne sait qui tire les ficelles ; il faut que les dirigeants de la Sodepa viennent toucher du doigt les réalités de l’abattoir. Le personnel qui y est affecté peut remonter des informations qui subissent encore un traitement, et donc, une transformation et ça fausse le problème posé au départ. Si au moins le Dg de la Sodepa ou le ministre de l’Elevage peuvent prendre cette situation à bras le corps… Ils ont le pouvoir de décision», analyse un observateur averti. C’est qu’il y a encore une réticence sévère des propriétaires de têtes de bœufs à aller y abattre leurs bêtes. Le coût passe pour être exorbitant et l’option est toute trouvée : continuer à aller dans les aires d’abattage clandestins qui écument la ville de Ngaoundéré, ou à l’abattoir municipal. Dans ces circuits, selon des estimations en 2018, ce sont en moyenne 80 à 100 bœufs qui y sont abattus par jour. Ce n’est pourtant pas faute de séminaires de sensibilisation des propriétaires de bœufs, massivement organisés aux premières années de la nomination de la première et jeune équipe dirigeante de l’abattoir industriel de Ngaoundéré. 80% des employés de l’abattoir industriel avaient même été débauchés de l’abattoir municipal de Ngaoundéré. «Nous avons recruté presque tout le personnel de l’abattoir municipal pour qu’ils ne perdent pas leurs postes. Et dans cette infrastructure, ils travaillent dans des conditions modernes et ont un statut d’employés. Pourtant, dans l’abattoir municipal, ils n’étaient que des accompagnateurs de bouchers. La reconversion de ces personnels a aussi été prise en compte.

Le transport de la viande est assuré par une logistique mise à disposition», affirmait-on en 2018. L’abattoir industriel de Ngaoundéré, dans sa quête de survie et avec une ambition de faire tourner ses machines à plein régime, a même fait l’objet de quelques prospections. Néanmoins, le 18 avril 2018, en séjour de travail à Ngaoundéré, l’ambassadeur israélien Ran Gidor n’avait pu la visiter ; la possible coopération qui se dessinait n’a plus (ou pas encore) porté des fruits. Il y a eu également un intérêt des Saoudiens pour la structure ; un élan dans lequel certains grands éleveurs de l’Adamaoua étaient prêts à fournir des bêtes. Par exemple, le feu El Hadj Mohamadou Abbo Ousmanou était disposé à fournir 3500 bœufs ; une logique à laquelle semblait aussi souscrire le feu El Hamadou Dorofi. Ces grands éleveurs sont morts avec leurs projets. Qu’est-ce qui constitue donc un frein à l’envol de l’abattoir industriel de Ngaoundéré ? Peut-être qu’une réelle prise en main de ce projet par le gouvernement de la République peut lui donner ses lettres de noblesse. Ce sont quand même 5,1 milliards FCfa qui ont y ont été enterrés, en plus des 800 millions FCfa pour l’entrepôt frigorifique : soit 6 milliards FCfa.

Source: L'oeil du Sahel