Elle s’est arrogée les biens d’une dame à son insu pour obtenir un titre foncier. La victime a saisi la justice. Mais le parquet minimise le hold-up au prétexte que les mis en cause sont dans leur village au contraire de la plaignante.
Mme Mounbi Marcelline vit l’enfer au village Nkolo 3 situé dans l’arrondissement de Nkoalafamba. Elle déclare s’être installée dans les lieux en début des années 1990, mais sa présence dans ce village est maintenant source de tension. En fait, elle est en guerre contre une famille originaire (native) de ce village. Ils se disputent un terrain d’une superficie d’un hectare que Mme Mounbi dit avoir occupé et exploité depuis son arrivée dans ledit village, et sur lequel l’administration a, à son insu, délivré à M. Ndzana Joseph et consorts (ses adversaires) le titre foncier N°28687/Mefou et Afamba à la suite d’une «immatriculation directe». Le 20 juin dernier, le Tribunal administratif du Centre a amorcé l’examen du recours en annulation De ce titre foncier introduit par la dame.
Dans son recours, Mme Mounbi raconte qu’elle a acquis le terrain disputé en 1990. Le terrain n’étant pas immatriculé, la transaction s’était déroulée hors la vue d’un notaire (sous-seing privé). Dans la foulée, elle lançait de gros investissements sur le site. En dehors de la construction d’une maison d’habitation, Mme Mounbi dit avoir creusé un forage, créé une ferme comptant notamment une porcherie, un poulailler, des étangs de poissons. Le reste du domaine est parsemé d’arbres fruitiers. En mars 1997, un agent d’agriculture a constaté ses cultures et élevage. Cette expertise lui a coûté 700 mille francs, indique-t-elle.
La plaignante déclare qu’elle jouissait paisiblement du site dont elle a d’ailleurs entrepris d’immatriculer par voie d’une concession provisoire». Bon à savoir : l’immatriculation d’un terrain par la voie d’une concession provisoire est obligatoire lorsque le demandeur du titre foncier n’appartient pas à la communauté coutumière originaire du site à immatriculer, ou alors si l’occupation ou l’exploitation du terrain en question ne datent d’avant le 4 août 1974. Contre toute attente, sa demande s’est heurtée à un obstacle, l’administration lui a opposé que la concession provisoire sollicitée ne peut pas aboutir parce que le titre foncier litigieux «couvre déjà le même espace».
Face à la situation, Mme Mounbi déclare avoir mené ses propres investigations autour de l’affaire. Ce qui lui a permis de découvrir la «fraude» orchestrée par ses adversaires. Ces derniers, dit-elle, se sont appropriés ses investissements déjà évoqués lors de la procédure d’immatriculation qui a abouti à l’établissement du titre foncier au centre du procès.
Vente illégale
Pendant sa prise de parole, son avocat a enfoncé le clou décrivant l’attitude des supposés fraudeurs. «Ces individus n’ont que pour seul argument : ils sont natifs du village. Ils ont commencé à détruire les biens de ma cliente pour faire disparaitre les traces de ses investissements. Ils ont déjà vendu plus de 50 % de l’espace [à des tiers]. Le juge de référé du TPI de Mfou a ordonné l’arrêt des travaux. Certains bénéficiaires prétendent que leur oncle a vendu le terrain de leur père. D’autres n’ont même pas l’âge pour obtenir l’immatriculation».
Dans ses écritures, le représentant du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (MINDCAF) a opposé que Mme Mounbi n’a pas qualité pour attaquer le titre foncier critiqué motif pris de ce que qu’elle a acquis le terrain disputé sous-seing privé, une procédure illégale.
En présentant son réquisitoire, le procureur a emboité le pas au représentant du MINDCAF. «Nous posons la question de savoir si Mme Mounbi a qualité ou intérêt à agir ?» La plaignante, dit-il, s’appuie sur une «supposée demande de concession provisoire pour justifier sa qualité à agir», mais la preuve de cette demande n’a pas été versée aux débats, fait remarquer le magistrat. Et d’expliquer, «la concession provisoire est assorti d’un cahier des charges dans lequel il est précisé le type de projet que le bénéficiaire est autorisé à réaliser dans un délai de 5 ans». Or, déplore le procureur, «[Mme Mounbi] a d’initiative choisi d’investir sur le terrain [disputé] sans l’autorisation de l’administration compétente. Les bénéficiaires du titre attaqué l’ont obtenu par immatriculation directe. Même si ce titre foncier venait à être annulé, est-ce que ce terrain va lui revenir puisqu’elle se prévaut d’une vente passée sous-seing privé ? C’est pourquoi nous requérons que son recours soit déclaré irrecevable pour défaut de qualité».
Finalement, le tribunal a décidé d’effectuer une descente à Nkolo 3 précisément sur le site disputé, question de recueillir des informations supplémentaires susceptible de lui permettre de trancher la bataille que se livrent Mme Mounbi et la bande à Ndzana Joseph. A condition que la plaignante paie au préalable les frais du «transport judiciaire» fixés à 300 mille francs.