Mohamadou Hadji, 32 ans, ex-otage .
Dans quelle circonstance avez-vous été enlevé ?
J’ai été enlevé le 28 janvier 2015 par cinq malfrats à Tourningal Hosséré, entre 20h et 21h. Tout a commencé vers 19h30, ce jour-là. Mes employés, qui se trouvaient chez l’adjoint au maire de Bélel, étaient revenus en courant pour m’informer qu’il y a des coupeurs de route chez le chef. Ils m’ont demandé de fuir la maison. J’ai informé mon cousin, ma mère, ma femme et mes enfants. Pendant que j’étais avec mon cousin, le chef a envoyé quelqu’un me dire que les coupeurs de route étaient chez lui et qu’ils ont pris ses 04 enfants. Et qu’il fallait que je dise à mon cousin de fermer sa boutique. J’ai appelé le maire de Bélel, mon grand frère qui est à Ngaoundéré, mes frères, cousins et cousines. Bref, j’ai fait appel à beaucoup de personnes par téléphone. Pendant que je partais fermer la boutique, mon grand frère m’a rappelé au téléphone.
Alors que nous causions, quelqu’un sur le chemin a braqué la lumière de sa torche sur moi et j’ai fait pareil. Je lui ai posé la question de savoir qui il était. Il m’a répondu en me demandant si c’est le BIR que j’appelais au téléphone. J’ai répondu en disant que le chef m’a envoyé fermer la boutique, car il y a des coupeurs de route dans le village. C’est à ce moment que lui et d’autres personnes m’ont répondu : «C’est nous-mêmes ici». Ils m’ont intimé l’ordre de poser le bâton que j’avais en main par terre. J’ai obéi. L’un d’eux s’est placé derrière moi, a ramassé ce bâton et m’a copieusement administré une fessée. Sur place, ils ont pris la somme de 17.000 Fcfa que j’avais par devers moi. Ils m’ont demandé d’enlever ma puce dans le téléphone et de le leur remettre. Ce que j’ai fait. Puis, ils m’ont demandé de les accompagner chez mon cousin Bobbo Adamou. Comme ils étaient armés, je n’y pouvais rien. Une fois chez mon cousin, Ils l’ont fait asseoir par terre et ont pris les 80.000 Fcfa qu’il avait en sa possession. Après, ils lui ont demandé d’aller chercher un drap parce qu’ils vont l’emmener. Il s’est exécuté. Nous sommes allés ensuite chez moi, j’ai ouvert la porte et ils ont demandé à voir mes enfants. Je leur ai présenté mon unique fille de 3 ans qui est d’ailleurs handicapée. Ils m’ont par la suite demandé de l’argent et je leur ai donné une petite caisse dans laquelle je conserve des pièces d’argent. Ils se sont indignés de mon offre. Avant de sortir de chez moi, ils ont pris mes deux blousons. Ils ont exigé 25 millions Fcfa pour notre libération. Je leur ai fait comprendre que même en vendant tout ce que nous avons, cette somme ne peut être réunie. Ils se sont mis à me tabasser et ont décidé de nous emmener. Mon cousin a essayé de leur faire comprendre que ce n’est pas en nous emmenant tous les deux qu’ils pourront obtenir cet argent.
Ils ont donc décidé que du fait de son bon raisonnement, mon cousin devra rester. Les enfants du chef et moi avions donc pris la direction de la brousse avec eux. Nous avons marché pendant des heures et à un certain moment, ils ont dit qu’ils étaient fatigués. Ils nous ont enchainé tous les cinq et se sont mis à partager l’argent qu’ils ont pris chez le chef, environ 1.500.000 Fcfa. Le lendemain, on a repris la marche jusqu’à 9h. On s’est arrêté et ils ont commencé à préparer les macaronis et la sardine qu’ils avaient volés dans la boutique. Ils ont mangé et nous ont donné le reste. Nous avons poursuivi la marche jusqu’aux environs de 14h30. Nous étions déjà dans la zone du Mayo-Rey. On est arrivé à un endroit, ils ont sifflé et quatre de leurs complices sont sortis. On a été conduits à un autre endroit où se trouvaient déjà huit autres otages. Nous étions donc au total 13 otages. Vers 17h30 ils ont apporté un couscous qu’ils avaient préparé plusieurs jours auparavant. Ils ont dit que nous sommes des prisonniers et que c’est le repas que nous méritions. Par la suite, ils nous ont alors demandé de donner les numéros de téléphone des personnes en qui nous avons confiance. J’ai donné le numéro de mon cousin et celui de Djaouro Mamoudou, car ses enfants n’avaient pas son numéro en tête. Il n’y avait cependant pas de réseau où nous étions. De temps en temps, deux d’entre eux se déplaçaient pour appeler.
Etiez-vous au courant des négociations ?
Non ! Ils ne nous disaient rien à propos. Le lendemain, lorsqu’ils ont appelé le Djaouro, son fils qui était resté au village leur a dit que l’argent était déjà disponible. Ils lui ont répondu qu’ils n’étaient pas des animaux et que ça ne se passe pas comme ça. Dès qu’ils sont rentrés de cet appel, on a décampé. En réalité, on décampait au minimum trois fois par jour. Pour finir, c’est mon cousin qui négociait pour moi et pour les enfants du chef. Ils se sont accordés sur 5 millions de Fcfa pour moi et 15 millions Fcfa pour les quatre enfants du chef. Pour moi, une avance de 2 millions Fcfa a été versée et 10 millions Fcfa pour les autres. Dès qu’ils ont reçu ces 12 millions Fcfa, ils ont enlevé leurs cagoules en nous disant : «Maintenant, vous pouvez nous regarder parce qu’il ne faudra pas accuser les gens de votre village». On n’a reconnu personne. Ils étaient tous des Bororos centrafricains.
Combien de jours avez-vous passé avec eux et comment ils vous nourrissaient ?
Nous avons passé 19 jours de captivité sans pouvoir se baigner. Pendant le temps qu’on a passé ensemble, ils ont tué trois boeufs qu’ils arrachaient chez les bergers. On mangeait cette viande avec du riz ou du couscous.