Dans une analyse méthodique et sans concession, Haman Mana, fort de son expérience journalistique, décortique un article de Georges Dougueli paru dans Jeune Afrique au sujet de Ferdinand Ngoh Ngoh et de la formation du gouvernement camerounais. Loin de se contenter d’une simple critique, il entreprend une véritable autopsie des procédés rédactionnels, questionnant le genre journalistique de l’article – qui n’est, selon lui, ni un reportage, ni une enquête, ni un portrait convaincant. Il pointe du doigt l’approximation, les affirmations non sourcées et la surabondance de rumeurs qui transforment, selon sa grille de lecture, une prétendue analyse en une simple collection de ragots de couloir. Pour Haman Mana, derrière le bruit médiatique, la substance informative réelle se résume à bien peu de chose. Une contribution confraternelle et technique qui interroge les standards du métier face aux enjeux politiques.
Haman Mana fait une critique de l'article de Georges Dougueli dans Jeune Afrique, au sujet de Ferdinand Ngoh Ngoh
"A propos d'un article paru chez Jeune Afrique
Un papier récent, au sujet du prochain gouvernement du Cameroun a été repris par plusieurs journaux locaux, dont le vénérable Messager. Le retentissement de cet article correspond sûrement à l'attente sur le sujet traité. De nombreuses critiques et soupçons se sont élevés également , pour y voir un des actes de perfidie du jeu de massacre qui se déroule en ce moment au palais d'Etoudi et alentour, dans le dessein du "partage".
Pour ma part, j'ai aussi lu ce papier, avec la curiosité du Camerounais , mais surtout, avec ma (dé)formation de journaliste. Je partage avec vous, mon regard...
Chez les journalistes, lorsqu'un rédacteur-en-chef commande un article à un collaborateur, le premier cadrage concerne le genre journalistique attendu du rendu. Je me suis donc attaché en premier , à déterminer le genre journalistique sur lequel était parti l'auteur.
Était-ce un reportage? Très vite je me suis aperçu qu'il ne s'agissait pas d'un papier de " choses vues, entendues et ressenties", comme on le dit si souvent en fixant les canons de cette tranche de vie qui est la reine du métier. Exit donc le reportage.
Serait-ce donc une enquête? Cette démonstration au long cours qui démêle un écheveau en puisant à de multiples sources , et avec un fil conducteur, afin de dénouer une énigme? Hélas non, je me suis vite ravisé, devant ce qui était un tissu d'informations un peu éparses, où l'on allait de l'intention de la formation du gouvernement , à de larges plages sur la gestion du pétrole, avec des digressions sur les amitiés et inimitiés supposées ou réelles entre membres du serail. On ne démontrait rien. Qui plus est, les affirmations gratuites fusaient d'ici et de là, du genre " untel déteste un tel" , "Paltoquet va perdre son poste au profit de Ducon" ...Ce n'était pas une enquête , au sens où on l'entend, en journalisme . C'était quelque-chose de semblable à un exercice que nous faisions autrefois à l'Entrée en sixième, des " phrases détachées "...
Ce serait sans doute un portrait ? Pourquoi pas? Nous avons coutume , dans les salles de rédaction, de commander des portraits d'actualité , lorsqu'un personnage se trouve au centre de celle-ci. D'ailleurs la titraille nous inclinait fortement vers cette orientation, l'insistance également sur un personnage, dont on parle beaucoup, jusqu'à dire " ce qu'il a dans la tête "...Un portait psychologique, pourquoi pas ? L'auteur de l'article va jusqu'à deviner les intentions de son personnage, son casting secret, ses projets. Comme si sur Power Point, ce dernier lui avait présenté ses plans pour le futur. On quittait doucement la case " portrait" pour rentrer dans la colonne " fiction".
On ne poursuivra pas la recherche vers les autres genres , ce court article n'étant évidement ni une analyse, encore moins un commentaire .
Lorsqu'on est face à un " Ovni journalistique" de cette espèce, on essaie de se consoler en picorant ici et là quelques informations qui pourraient être intéressantes...Dès l'attaque , on nous annonce ( au mode indicatif) que Paul Biya et son Secrétaire Général ont eu une longue séance de travail. Jour et heures précisés. Bravo! Du grand du bon journalisme. Dès la phrase qui suit, l'auteur dit , avec assurance que " Paul Biya lui a renouvelé sa confiance"...Tout lecteur lèvera le regard pour se poser la question : de qui l'auteur tient-il cette information? De Paul Biya lui même ? Invraisemblable. De Ferdinand Ngoh Ngoh? Assez peu probable. Dès lors, l'auteur quitte le mode indicatif pour continuer sa narration sur le mode du conditionnel. Tout y passe : " il pourrait" "sauf revirement de situation," " il devrait" ...Toutes les formules de l'approximation, du doute sont usitées , pour tracer les contours de ce qui serait le prochain gouvernement, du Cabinet Civil, avec même quelques incursions dans les entreprises para étatiques.
Lorsqu'on presse cette production en la débarrassant de ragots que l'on entend au Boukarou le soir venu, entre deux notes de guitare de mon ami Makwanza, il reste de ce papier, une seule " information" : le fait que Paul Biya et Ferdinand Ngoh Ngoh, son plus proche collaborateur, se soient rencontrés l'autre jour. Rien de plus. Oh si! Des noms et encore des noms de personnages qui meublent ce récit: aspirants, impétrants, annoncés, débarqués, embarqués, positionnés, repositionnés...Et c'était cela tout l'intérêt de cette entreprise? Auquel cas, un " blanc " des RG aurait été, plus que le paravent du journalisme, plus à propos.
C'était ma contribution confraternelle à un débat d'actualité..."
#Médiatude