Nouvelles fuites: Paul Motaze embarrassé par l’attitude d’Amougou Belinga

Paul Biya rappelle à l'ordre son ministre

Tue, 13 Sep 2022 Source: Kalara du 13-9-2022

Le président de la République s’invite encore dans l’affaire du bras de fer entre le patron de Vision 4 Télévision SA et l’administration fiscale. Le ministre des Finances et son homologue de la Justice ont reçu des plis fermés de la présidence de la République les 1er et 2 septembre 2022. Les enjeux d’une seconde intervention du chef de l’Etat.

Ceux qui croyaient que le match entre l’Administration fiscale et l’homme d’affaires Amougou Belinga avait définitivement tourné en faveur du premier cité avec le dégrèvement de presque 9 milliards de francs concédé par le ministre des Finances au patron de Vision 4 Télévision Sa sur un redressement fiscal de 10,8 milliards de francs, ont eu tort. Depuis une dizaine de jours, selon diverses sources de Kalara, le chef de l’Etat a relancé le dossier. Par des instructions transmises sous plis fermés respectivement le 1er et le 2 septembre 2022, les premières, au Garde des Sceaux, et les secondes, au ministre des Finances, le président de la République a décidé de remettre la balle au centre. A l’un et l’autre membre du gouvernement, le chef de l’Etat a demandé que la loi soit strictement respectée dans leurs champs de compétence respectifs.

Concrètement, le chef de l’Etat considère sur la base de divers rapports reçus de ses services que le cadeau de 8,99 milliards de francs offert par le ministre des Finances au promoteur de Vision 4 Télévision SA à travers sa correspondance du 3 août 2022 s’était fait en violation de la loi. On se souvient que répondant à un recours gracieux irrégulier de M. Jean-Pierre Amougou Bélinga qui avait été notifié quelques semaines auparavant d’un avis de mise en recouvrement de 10,8 milliards de francs, Louis-Paul Motazé avait fait droit à la démarche de l’homme d’affaires au-delà de ses propres espérances. En fait, le Minfi avait offert au patron de Vision 4 de payer, au-delà du délai légal, la caution (15% des impositions fiscale contestées) qui devrait obligatoirement accompagner son recours au moment de son acheminement au ministre des Finances.

Mieux, comme déjà rappelé dans divers articles publiés par votre hebdomadaire, le Minfi avait en plus pris en considération, à son niveau et au mépris de la loi, de prétendus justificatifs présentés par le dirigeant de la télévision privée sur des opérations financières constatées comme illicites lors du contrôle de l’administration fiscale sur la comptabilité de l’entreprise. Cette double gymnastique avait été mise à profit pour ramener à 1,9 milliard de francs, le redressement fiscal qui avait fait l’objet d’un avis de mise en recouvrement de 10,88 milliards de francs. Un dégrèvement spectaculaire de 82% décidé en dépit des réserves exprimées par les représentants de la Direction générale des impôts au sein d’un comité spécial chargé d’examiner le recours de M. Amougou Belinga en prélude à l’arbitrage du Minfi.

Tribunal administratif.

Quelques jours plus tard, le juge d’instruction du Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé –centre administratif (CA) avait décidé de renvoyer en jugement six inspecteurs des impôts, notamment pour concussion, trafic d’influence et corruption active. Chargé d’instruire la plainte avec constitution de partie civile de M. Amougou Belinga contre huit responsables du fisc, le magistrat considérait dans son rapport d’enquête (ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi) que le dégrèvement du redressement fiscal opéré par le Minfi était, entre autres, la preuve que six fonctionnaires du fisc, sur les huit inculpés, étaient mal intentionnés à l’endroit de Vision 4. Appelés à se faire juger publiquement, les six inspecteurs des impôts concernés avaient à leur tour contesté les largesses fiscales concédées par leur ministre au patron de Vision 4, en promettant de saisir le tribunal administratif si le Minfi ne prenait pas en compte leurs récriminations.

Les instructions du président de la République ne concernent pas uniquement le redressement fiscal de 10,88 milliards de francs et ses excroissances, mais aussi le premier redressement fiscal opéré après un contrôle général de comptabilité opéré sur 5 entreprises du Groupe l’Anecdote sur les 12 au total ayant fait l’objet d’une alerte de l’Agence nationale d’investigation financière (Anif).

La descente des vérificateurs du fisc dans ces 5 entreprises toutes installées dans le périmètre de compétence du Centre régional des impôts du Centre 2 (Cric 2) avait conduit à un redressement fiscal global de 18,3 milliards de francs, en principal et pénalités. Le contribuable ayant fait une avance de 500 millions de francs lors des contrôles, tout en contestant partiellement le montant des impositions, il restait 17,8 milliards de francs d’impositions impayées. Mais le 17 février 2022, M. Amougou Belinga avait introduit une demande de transaction auprès du Minfi à laquelle celui-ci avait marqué son accord à hauteur de 30%… (lire encadré) Le recouvrement forcé de cette somme avait été suspendu quelques semaines plus tard à la suite d’une instruction écrite du Minfi préconisant une transaction entre la Direction générale des impôts et le contribuable. Ce dossier était resté en veilleuse depuis lors.

Que s’est-il donc passé, depuis que les instructions présidentielles sont parvenues au Garde des Sceaux et chez l’argentier national ? Selon les sources de Kalara, le Minfi a confié à son conseiller technique N°3 la tâche de concevoir une réponse à adresser au chef de l’Etat suite à ses instructions. *

L’idée, pour le Minfi, serait de rester sur sa lancée, en démontrant au président de la République que le dégrèvement accordé à Vision 4 était parfaitement légal. Donc, qu’il était bien fondé. C’est pourtant une position intenable depuis que les six fonctionnaires des impôts poursuivis par M. Amougou Bélinga ont décidé de mettre à nu les fragilités de la décision du ministre, en contestant par exemple catégoriquement toute possibilité pour le patron de Vision 4 Télévision SA de produire quelque justificatif sur ses transactions douteuses, parmi lesquelles de nombreuses subventions reçues de l’Etat et jamais déclarées au fisc.

Haute pression

Il reste aussi la situation des 17,8 milliards de francs pour laquelle de nombreux experts, parmi les plus pointus de ce domaine fiscal (lire encadré), estiment que la dette fiscale des 5 entreprises du Groupe l’Anecdote est devenue définitive. Du côté de la Chancellerie, le dossier judiciaire déclenché par la plainte de M. Amougou Belinga étant à la phase d’attente d’ouverture du procès public programmée le 16 septembre prochain, c’est à travers l’attitude des représentants du parquet dans la suite de la procédure qu’on saura si les instructions présidentielles sont respectées ou pas.

Quoi qu’il en soit désormais, le Minfi et le Garde des Sceaux sont sous haute pression, leurs relations respectives connues avec M. Amougou Belinga donnant à penser qu’ils ne se soucient pas toujours du respect de l’intérêt général dans la gestion du conflit entre l’administration fiscale et l’homme d’affaires. D’ailleurs, selon des sources bien informées, le promoteur de Vision 4 ne fait pas de gros efforts pour soulager la tâche à ses différents soutiens dans l’appareil de l’Etat. Déjà distingué pour sa propension à les afficher à tort et à travers, notamment à travers son manque de réserve, il aurait franchi un palier dans son audace contre le fisc, en faisant parvenir à la direction générale des impôts, via le Minfi, une demande d’indemnisation au sujet d’une prétendue préjudice causé à son image à travers les résultats des contrôles fiscaux opérés aux entreprises de son groupe. Et l’homme d’affaires revendique pas moins de pas moins de 14 milliards de francs pour cela…

Source: Kalara du 13-9-2022