« Prenez garde de ne pas retourner la connaissance de la Rose-Croix contre l'Ordre et par voie de conséquence contre vous-même ». Cette lettre suffisait pour engendrer une suspicion plus accentuée et pour tracer des parallèles entre l'AMORC et l'Église catholique.
On peut quitter l'un pour l'autre, pas pratiquer les deux à la fois. Le siècle qui vient de s'ouvrir à l'humanité est considéré par les rosicruciens, comme « l'ère du Verseau », le signe zodiacal de Paul Biya. Pour appuyer la différence qui existe entre l'Église catholique et les temples rosicruciens, des prélats affirment que « l'Église catholique est trop jalouse de l'amour de Dieu, pour le partager avec une certaine secte. L'amour de Dieu est fidélité et engagement... »
Le pasteur Jean Kotto, président de la Femec, accentue cette contradiction : « Le Dieu de la Rose-Croix n'est pas le Dieu des chrétiens ». Il ajoute qu'il y a une contradiction totale et inconciliable entre la foi chrétienne et l'enseignement de l'ordre de la Rose-Croix AMORC.
« On est chrétien ou rosicrucien. Pas les deux. La Rose-Croix prétend qu'elle aide les gens sur tel ou tel plan. C'est faux, c'est un mensonge ! La doctrine officielle de la Rose-Croix c'est l'athéisme comme l'a dit Serge Toussaint. Le panthéisme et l'athéisme. On ne peut pas appeler leurs élucubrations de la philosophie. Il n'y a aucune philosophie là-dedans. C'est un fracas, un magma. Je suis prêt à discuter là-dessus avec Christian Bernard lui-même. Il faut que les gens continuent à se former et nous avons des écoles de formation même pour les laïcs à Yaoundé ».
Ce 3 novembre 1997, Biya rentre dans la cathédrale et va se mettre à genoux sur l'autel, devant le Saint Sacrement et sous les hymnes du Te deum, de l'Ave verum et du Tantum Ergo, chants liturgiques qui proclament le règne de Dieu. A l'église, Biya, le président du Cameroun, se prosterne devant la toute-puissance du Créateur.
Le symbole est lu comme une nouvelle alliance avec Dieu. Biya ne conçoit pas un pouvoir sevré de Dieu. La prise de l'hostie est un autre symbole significatif. Si la conception du pouvoir selon Machiavel est absolument athée et païenne, Paul Biya de son côté reconnaît la puissance absolue de la grâce divine et l'utilise comme un adjuvant essentiel pour la sauvegarde de son âme sans en dévaloriser la symbolique pouvoiriste.
Si Biya a touché à la numérologie et à la géomancie, il n'a réellement jamais rompu le pacte qui le lie à l'Église romaine. La synthèse est faite avec le pape Jean-Paul II en 1995. Biya le sait, on ne peut pas servir Christ et Mammon. Biya a peut-être lu Goseigen et Nnigoto, le livre des révélations d'Okada, fondateur de la secte Mahikari, mais il ne s'éloigne pas beaucoup de sa Bible.
Il peut être un des frères pour la raison sociale et pour la pérennisation du pouvoir politique. Mais, il reste un fervent chrétien ad vitam aeternam, qui pense que tout vient et dépend du Créateur. A ce titre, il conçoit la vie comme une dualité philosophique : la métaphysique et la physique ; la vie terrestre et la vie céleste.
Les deux en réalité, pour lui, ne font qu'un. Il sait qu'il doit son destin plus à Dieu qu'aux hommes. Cette alliance est ancrée dans sa tête et lui permet de régner. Biya précise pour cela la laïcité de l'État camerounais, et sa chrétienté. « Je dois donc être discret sur mes convictions religieuses. L'ostentation, sur ce plan, est à proscrire. Oui, Dieu guide mon action.”