Georges Ngango, de regrettée mémoire, ami et camarade de classe du président de la République, disait de Paul Biya, qu’il est lent à la détente, mais qu’il tire juste.
Il y a chez le chef de l’Etat, cette posture mitterrandienne, ‘‘cet art de donner le temps au temps’’. Est-ce le résultat de sa vocation sacerdotale manquée ou alors une culture personnelle qui le met au-dessus de la mêlée ? Les scandales de la Can et du Covidgate, ont encore révélé un chef de l’Etat qui se hâte plutôt lentement. Dans ses deux derniers messages à la Nation, la lutte contre la corruption et les détournements de fonds, reviennent comme une obsession présidentielle. Dès 1982, celui qui a fait de la rigueur et de la moralisation les piliers de son projet de société, a été pris de court par la trahison des collaborateurs et ces logiques de l’accumulation et de l’accaparement qui placent les intérêts partisans et particuliers au-dessus de l’intérêt général.
Le Renouveau a-t-il laissé faire par une indolence caractérielle ou alors le mal est-il aussi profond que personne n’y échappe aujourd’hui ? Toujours est-il qu’en remettant au goût du jour la lutte contre la corruption et les détournements au cœur de son action, le chef de l’Etat ressuscite les idées originelles du début de son pouvoir. Par quel bout commencer au moment où les scandales s’amoncellent, les plus emblématiques étant la Cangate et le Covidgate ?
En 1972, lors de la première Can organisée au Cameroun, le président Ahmadou Ahidjo a réprimé sans état d’âme le scandale de détournement. Des hiérarques de la République, des hommes d’affaires, ont été envoyés en prison. Paul Biya a une autre méthode qui dévoile le pédagogue qui sensibilise, convaincu qu’il est que la répétition est la mère des sciences.
En 40 ans, le Renouveau a procédé à quelques arrestations. La restauration de la morale publique, s’est heurtée à des résistances au cœur même du système. Certains conseillers du chef de l’Etat lui demandaient d’arrêter les arrestations. Bien plus, la lutte contre la corruption et les détournements a été étiquetée comme une opération de liquidation des rivaux politiques. La crise des valeurs, le culte du moindre effort, la remise en question de la méritocratie, ont révélé ces ordonnateurs et gestionnaires véreux de crédits. Des fonctionnaires se sont enrichis sur le dos de l’Etat. Ces fortunes aussi subites que colossales des membres du gouvernement, n’émeuvent plus personne. 1000 milliards de Fcfa alloués aux chantiers de la Can et un peu plus de 180 milliards de Fcfa alloués pour la lutte contre le Covid-19, l’argent est passé par pertes et profits dans les fourches caudines de la prévarication.
Des prédateurs impitoyables ont fait main basse sur les fonds publics, ils entravent la justice, au point d’ignorer une convocation du TCS. La justice est un instrument de régulation sociale. Mais lorsque certains justiciables obstruent le travail des juges, il ne reste plus que l’impertinence des journalistes comme bouée de sauvetage.
En dépit de cette presse aux ordres, malléable et corvéable à souhait, il existe encore des journaux qui font leur travail avec professionnalisme et détachement. Lorsque le rapport de la Chambre des comptes fuite, la presse avait déjà révélé cette surfacturation et autres livraisons fictives autour des marchés du Covid. Narguant l’armée sans galons des camerounais, la Task-Force a concentré à la présidence de la République, la gestion des fonds Covid et des chantiers de la Can. La suite on la connaît. Membres du gouvernement, hommes d’affaires, petites amies, se sont servis goulument. Au point où aujourd’hui, lorsque sonne l’heure des comptes, un vent de panique souffle. Tous ces ministres qui multipliaient de belles formules savantes sur le chantier d’Olembé ont perdu le sommeil.